handicap – Rage d'exister https://ragedexister.com Vivre pleinement au-delà du handicap Wed, 24 Aug 2022 17:03:01 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.5.14 La qualité compte dans la prise en soins dentaires par Philippe Aubert IADH 2022 International Association for Disability and Oral Health https://ragedexister.com/la-qualite-compte-dans-la-prise-en-soins-dentaires-par-philippe-aubert-iadh-2022-international-association-for-disability-and-oral-health/ Wed, 24 Aug 2022 16:41:57 +0000 https://ragedexister.com/?p=747 La qualité compte dans la prise en soins dentaires par Philippe Aubert IADH 2022 International Association for Disability and Oral Health Lire la suite »

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Issy-les-Moulineaux, Paris, le 24 août 2022

 

Mesdames, Messieurs bonjour,

Je tiens à remercier tout d’abord les organisateurs de ce colloque IADH pour leur invitation à m’exprimer devant vous aujourd’hui.

Merci  d’organiser l’événement en présentiel, dans un contexte si difficile ces deux dernières années. Le fait d’être ici, ensemble, est déjà un défi réussi.

Je tiens également à exprimer ma gratitude au réseau français SOSS France, qui m’avait invité à m’exprimer en 2020.

C’est aujourd’hui la première fois que j’utilise ma synthèse vocale pour m’exprimer en Anglais.  Je suis ravi de le faire avec vous.

Merci enfin à chacune et chacun d’entre vous d’être venu assister à ce congrès et ainsi vous rassembler pour discuter des pratiques inclusives du handicap dans le soin dentaire spécifique.

Quelques mots à mon propos. J’ai 42 ans, et je vis avec une paralysie cérébrale depuis ma naissance.

Je suis athétosique de surcroît, ce qui fait que je n’ai pas le contrôle de mes mouvements. Je n’ai pas non plus la fonction de la parole,  ce qui m’oblige à vous parler via une synthèse vocale que je commande par voie oculaire !

J’ai conscience que cela peut être compliqué de me comprendre. L’équipe qui m’entoure et moi-même avons fait en sorte de donner un rythme et des pauses suffisantes pour vous permettre de tenir la durée de mon propos.

J’aimerais démarrer maintenant le fond de mon propos sur l’importance de la qualité de la relation. Et pour moi, la qualité et ce qui compte le plus se traduit par l’écoute. 

L’écoute des besoins du patient. Savoir donc entendre, comprendre, saisir ce que chaque patient veut dire.

Chaque patient est différent. Vous le savez bien.

L’écoute passe par une relation dans le temps. Prendre le temps, en tant que professionnel pour expliquer à l’avance, sur plusieurs jours, mois et années si besoin, en quoi consiste la séance du jour.  Adapter les mots à la compréhension de chaque patient.

Dédramatiser le séjour à l’hôpital peut se faire en proposant qu’une personne qui accompagne et connaît bien le patient reste à ses côtés durant la séance ou l’hospitalisation, si les conditions d’accueil le permettent.

L’écoute, ou prendre soin, passe également par le fait de faire en sorte que le cabinet soit un univers rassurant,  tout comme les gestes et attitudes de l’équipe qui prend en charge la personne qui a besoin des soins dentaires.

A plus forte raison si le patient doit faire les soins en milieu hospitalier,  et notamment sous anesthésie générale, ce qui est mon cas.

L’écoute, c’est envisager qu’il ne s’agit pas uniquement soigner à proprement parler, mais penser à l’esthétique, au rôle social des dents, et à la manière dont la chirurgie va impacter la vie de la personne qui reçoit les soins.

Concernant l’écoute comme sens corporel, il me semble essentiel de faire le lien avec la façon dont je m’exprime.

Dès mon enfance, avant la maîtrise de l’alphabet et du français, j’ai communiqué, en  utilisant toujours beaucoup mon visage et ses expressions.

Encore maintenant, cela reste un moyen capital pour exprimer mes émotions, qui ne peuvent pas toujours transparaître à travers ma voix numérique !

J’ai pris notamment très tôt conscience du rôle des yeux, du regard.

C’est grâce à mes yeux que mes proches ont très tôt saisi ma soif de communiquer, et de me faire entendre.

Mais je n’avais pas saisi l’importance de ma bouche, puisque je n’ai jamais pu prononcer un mot, ni même émettre des sons compréhensibles.

Donc, ma bouche et mes dents m’étaient nécessaires pour manger, mais pas pour communiquer.

Mes dents ont d’ailleurs plutôt longtemps été une source de désagréments, compte tenu des difficultés que je devais vivre pour les soigner.  Je vais vous en parler plus tard.

Ce n’est donc qu’assez récemment que j’ai pris conscience que ma bouche et mes dents jouaient un rôle important dans mon expression et mon esthétique.

Il a fallu que j’en vienne à des extrémités pour devoir me faire refaire presque totalement la mâchoire, afin que je puisse revendiquer, et apprécier enfin ma bouche et mes dents.

Et c’est grâce aux regards des autres sur moi, que j’ai pu découvrir mon visage, sa représentation et mon droit à croquer la vie à pleines dents.

Donc, mon propos aujourd’hui peut être mordant !

Mais rassurez vous, je ne mords pas !

Je veux simplement témoigner que pouvoir se soigner les dents, c’est plus qu’un acte médical pour soi, c’est un acte de dignité, un acte de reconnaissance, pour soi et les autres.

Cela participe à la construction de soi, mais aussi à notre existence avec les autres.

Mais le parcours dentaire peut être difficile, notamment pour des personnes comme moi, en situation de handicap.

Concernant les liens entre esthétique, écoute des patients, prise en soin, respect, il me vient une anecdote.  Si on ne m’avait pas soigné à temps, j’aurais été contraint de manger de la nourriture uniquement mixée.  Le soin dentaire spécifique favorise donc, en plus, la socialisation des personnes soignées.  Dans le sens où de fait, il me serait plus compliqué de me rendre dans des restaurants, et demander que tout le repas soit mixé,  ou aller chez des amis et ne pas goûter les mêmes plats que les autres, partager un gâteau d’anniversaire par exemple.

Quand je réfléchis à cette relation de soin, je fais des liens entre celui qui les reçoit et celui qui les donne.  C’est pourquoi, selon moi, l’aspect nécessaire de l’écoute de chaque professionnel est une évidence également.

Ce sont des métiers de soin, faits par des personnes qui peuvent aller jusqu’à prendre davantage soin des autres que d’eux-mêmes.  Qui donnent de leur temps, de leur énergie, de leurs compétences au service, et parfois s’oublient en chemin.

Si je suis aujourd’hui connu dans mon entourage pour être un homme au sourire éclatant et aux yeux rieurs, je suis très conscient que c’est une chance pour moi, et je sais à qui je le dois :

Au réseau français SOSS France, membre de l’IADH.

C’est encore aujourd’hui pour moi l’occasion de remercier les chirurgiens-dentistes qui ont procédé aux opérations de soin dentaire, qui en partie m’ont sauvé la vie !

J’aimerais illustrer mon propos par une série d’anecdotes sur mon parcours de soins,  et ensuite aborder avec vous les enseignements que j’ai pu en tirer.

Lorsque je vivais tout jeune dans un Institut d’Education Motrice, et que le dentiste venait, je filais exprès loin pour que les infirmières oublient que j’avais un rendez-vous dentaire.

Après, durant plusieurs années, j’ai dû subir plusieurs anesthésies générales, en moyenne une par an, afin de soigner toujours le même problème de caries.

Un jour, à 12 ans, mon oncle qui est chirurgien dentiste a voulu examiner mes dents dans son cabinet.

J’ai failli d’abord avaler la petite plaque radio qu’il m’avait mise en bouche.

Ensuite, j’ai failli casser le siège et l’ensemble du plateau d’examen ; ils étaient pourtant 4 hommes adultes à me tenir les bras et le corps.

Ma première opération dentaire a eu lieu l’année de mes 8 ans. J’ai vu débarquer un aide-soignant immense, qui m’a conduit au bloc opératoire.

Effrayé par sa taille, je me débattais sur le brancard.

Une autre fois, je me souviens avoir été accueilli, entre guillemets, par une infirmière, également complètement apeurée par moi, et qui m’a collé un masque d’ anesthésie sur le visage.

Après, dans la salle de réveil, reprenant progressivement conscience, je me suis mis à bouger sur le brancard. J’avais peur de tomber au sol parce que les barrières ne recouvraient pas la totalité du brancard.

Cela s’est malheureusement reproduit lors des opérations suivantes également.

Ce qui indique un manque de formation des personnels aux différents types de handicaps, à l’époque.

A l’adolescence, au sein de l’établissement scolaire spécialisé au sein duquel je suis resté douze ans, je faisais contrôler mes dents par le dentiste qui venait dans l’établissement.

Durant les années où j’avais entièrement confiance en mon éducateur référent,  on a même réussi à me soigner les dents dans le cabinet, après m’avoir tranquillement tout expliqué, et après m’avoir donné un petit calmant pour apaiser mes peurs.

Par contre, les fois où cela ne marchait pas, la dentiste me donnait une prescription pour aller à l’Hôpital Saint Vincent de Paul pour me programmer une anesthésie générale.

Une fois, j’ai oublié volontairement de la donner à mon père. Ca n’est qu’une fois l’été terminé , en ouvrant mon sac à dos, qu’il a remis la main dessus !

J’ai vécu plusieurs moments particulièrement traumatisants, notamment des bribes de phrases entendues, enfant et ado, après des opérations, telles que   “il est fou” ou bien  “à quoi bon le laisser vivre ?” de la part de différents niveaux des personnels médicaux, en particulier en soins dentaires !

Avant de trouver Handident en 2017, nous avons fait le tour de tous les hôpitaux de la région de Paris.

Le souci : ils ne proposaient que d’extraire les dents !

La recherche de soins dentaires adaptés pour moi a duré très longtemps.

Heureusement, une amie dentiste, lors d’un voyage en Floride, a fait la rencontre d’une personne qui connaissait un réseau nommé Handident, et a permis de faire la connexion.

J’ai eu la possibilité de prendre la parole lors du dixième anniversaire de ce réseau, pour dire  qu’ils avaient changé ma vie.

A cause d’un bruxisme prononcé, j’étais arrivé à presque complètement araser mes dents, et j’allais progressivement vers de graves difficultés pour mâcher et manger.

L’accueil chaleureux, respectueux valait l’attente, tant la qualité humaine était présente au cœur de la démarche de ce réseau !

Cela a fait toute la différence pour moi !

L’homme adulte que je suis aujourd’hui, est mieux épanoui, ose sourire, et rayonne maintenant grâce à eux.

J’ai plus de 40 ans, et presque toutes les dents neuves !

Maintenant, je sais combien dans mon mode de communication, le sourire fait partie de mon identité et participe à construire l’image que je renvoie lorsque je m’exprime !

Pour l’homme public que je deviens, c’est un véritable atout.

Je vous propose maintenant le point de vue d’une personne en situation de handicap sur les points facilitants et ceux créant des obstacles dans le cadre des soins dentaires. Pour moi, et sûrement pour d’autres personnes en situation de handicap en cabinets dentaires, tout joue un rôle.

La texture des sièges, le transfert de fauteuil, la lumière en pleine tête, les bruits de la fraise et autres outils dentaires, les odeurs typiques d’un cabinet dentaire sont parfois des facteurs déclencheurs de crises soit spastiques, soit de délires, d’angoisses mentales ou autres …

Moi, par exemple, l’odeur de l’eugénol me donne envie de vomir !

A contrario, il est possible de faciliter le vécu des patients.

Il n’existe pas une seule formule magique qui fonctionnerait à tous les coups pour tout le monde.  Mais il existe peut être un mot magique.

Il s’agit pour moi du respect. Je crois qu’il est important de revenir sur cette attitude, sur cette valeur.

Je suis bien conscient du défi que représente l’écoute des besoins individuels pour les institutions, mais c’est dans cette écoute que naît le respect.

Je souhaite substituer cette notion à celle, très commune dans le milieu médical, de distance professionnelle.

Cette distance veut protéger à la fois les accompagnants et les accompagnés, mais elle est pour moi profondément incompatible avec un accueil et une prise en soin adaptés.

Comment espérer mettre en place une démarche satisfaisante sans s’impliquer émotionnellement, sans donner de soi ?

Je participe aujourd’hui à ce congrès IADH, où je suis convaincu que cette notion de respect, de qualité du soin est centrale, tant dans son processus en création et organisation que dans les ambitions et visées finales.

Je vous l’ai dit, j’ai longtemps cherché une prise en soin qui soit satisfaisante pour moi, concernant mes besoins dentaires spécifiques. 

Je n’ai rencontré un réel respect qu’auprès d’Handident.

Vous l’aurez peut être remarqué, mais je parle de prise en soin (“taking care of”), et non de prise en charge (“being in charge”).

C’est volontaire ; d’ailleurs, si j’ai pu avoir souvent l’impression d’être une charge lors de mon accueil dans un cadre médical, j’ai vraiment ressenti qu’on me prenait en soin, et non plus en charge chez Handident !

Ce changement tout simple de vocabulaire illustre un changement bien plus profond dans la façon de m’accueillir, et de se mettre à l’écoute de mes besoins.

En somme, ce vocabulaire est plus respectueux, plus humain.

Si cette expression peut témoigner d’un état d’esprit, elle peut aussi marquer le début d’une prise de conscience.  Les mots ne sont pas innocents !

Aussi, j’aimerais maintenant aborder avec vous un sujet qui me tient à cœur,  et qui est pour moi en lien étroit avec la prise en soin des personnes en situation de handicap, notamment dans le cadre de soins dentaires.

La grande question de l’inclusion des personnes en situation de handicap, est souvent rapportée à la question de l’autonomie, en relation avec  la vulnérabilité.

Sur ce sujet, je suis sensible aux pensées de Paul Ricoeur, concernant la mise en relation des concepts de vulnérabilité et d’autonomie.

D’une part, il nous invite à reconnaître que nous sommes tous vulnérables, et, d’autre part, il propose de considérer  l’autonomie comme une réalité d’interdépendance et de lien avec les autres, une identité relationnelle.

Comme le commente la philosophe Cynthia Fleury, pour Paul Ricoeur,  l’autonomie est la possibilité d’attester de soi, et la vulnérabilité est la difficulté de cette attestation.

La personne en situation de handicap  est donc victime, d’une part, du soupçon de l’impossibilité d’attester de soi,  et d’autre part d’être considéré de ce fait, irresponsable. 

Une double peine, en somme !  une injonction existentielle traumatisante.

Être autonome, c’est alors aussi être identifié par soi et par les autres comme un sujet, décideur de ses propres actes. C’est aussi avoir confiance dans sa propre capacité à être ce sujet.

Pardonnez-moi ce commentaire un peu philosophique, mais je ressens personnellement très fort son sens pour m’expliquer mon attitude et mon combat pour assurer le respect de chaque personne à être mis en situation de responsabilité et de pouvoir agir.

C’est là que je veux faire le lien avec ma présence aujourd’hui devant vous.

C’est ici que prend racine mon utilisation du terme de respect, et de l’expression “prise en soin”.

Paul Ricoeur encore, définit le rôle du soignant comme étant d’encourager, d’accompagner et de soutenir le sentiment d’être capable, la confiance dans cette identité de sujet acteur et décideur.

Le soignant, et plus largement la structure d’accueil, doit susciter chez la personne vulnérable, et autonome en devenir, un sentiment de capacité, ou en tout cas laisser la porte ouverte à la possibilité de ce sentiment.

Je rejoins profondément cette réflexion.

Il est essentiel, selon moi, de sortir de cette conception de l’autonomie par opposition à la vulnérabilité.

Nous sommes tous, en permanence, autonomes et vulnérables à la fois.

La personne autonome est alors, celle qui est en capacité de construire son récit de vie en composant, AVEC sa vulnérabilité.

Cette dernière n’est alors plus stigmatisante, mais une simple composante de son identité.

Je mesure pleinement au regard de mon parcours dentaire, les difficultés que vous pouvez rencontrer pour avancer dans cette voie avec des personnes en situation de handicap.

Mais vous intervenez sur ce qui est, selon Emmanuel Lévinas, le lien primordial de la reconnaissance de l’autre, le visage.

D’un point de vue pratique et professionnel, l’expérience que j’ai vécue avec Handident, me fait espérer que ce soit faisable pour d’autres personnes, mais cela suppose que toutes les institutions qui entourent le praticien dentaire, se plient à cette nouvelle approche, qui a un coût humain et financier.  et qui donc fondent un projet collectif pour la société.

Pour conclure, j’ai bien conscience que mon propos est coloré par ma nationalité française. Nous avons notre façon de faire les choses, notre relation au handicap spécifique, notre modèle de système de santé. Cela implique des réalités différentes de par le monde, pour la gestion de la crise COVID de que nous connaissons, mais aussi pour les prises en soin ordinaires. Par exemple, selon les systèmes de santé, le reste à charge pour le patient n’est pas nécessairement le même, ce qui peut jouer sur la prestation et les attentes de ce dernier.

Et ces attentes sont en mutation. Je parle souvent dans mes propos d’une génération que j’appelle “vestiaire”, en référence à une série française sur le handicap. Cette génération veut participer pleinement, et je crois qu’elle se retrouve aussi dans la question du soin. Les patients en situation de handicap ont des attentes différentes, voulant une prise en soin et un accompagnement qui écoute leurs besoins spécifiques et les mettent en confiance.

Mais cette génération de patients grandit en parallèle d’une génération de professionnels, formés autrement et qui sont en quête de sens et d’impact social dans leur parcours et leur pratique professionnelle.

Je crois que cette réalité peut être la source d’une valorisation à la fois des patients dans l’écoute de leurs attentes, mais aussi des professionnels dans la façon dont ils apportent des réponses toujours plus adéquates aux défis que leur présentent leurs patients.

Je suis convaincu que tout cela passe par ce que je vous ai présenté, une relation de confiance et d’humanité, dans un respect qui élève tout à la fois le dentiste dans son rôle de soignant et la personne comme sujet de droits. Une relation dans laquelle la personne qui reçoit les soins est rendue active en tant que patient dans la préparation et le vécu de son parcours de soin.

Je ne voudrais pas conclure sans préciser que, pour moi, votre préoccupation rejoint une action plus globale qui donne peut-être une orientation plus significative, à la notion de société inclusive.

Je m’appuierai pour cela sur la définition de la politique du Care, donnée par une de ses initiatrices Joan Tronto :

“Activité caractéristique de l’espèce humaine, qui recouvre tout ce que nous faisons dans le but de maintenir, de perpétuer et de RÉPARER notre monde, afin que nous puissions y vivre aussi bien que possible.

Ce monde comprend nos corps, nos personnes et notre environnement, tout ce que nous cherchons à relier en un réseau complexe en soutien à la vie”.

Je vous invite aussi à vous poser les deux questions suivantes.

Quels partenariats mettre en place avec les patients de plus en plus formés, experts de leurs pathologies ?

Comment l’éducation thérapeutique du patient peut-elle s’envisager dans le milieu du soin dentaire ?

Pour répondre à ces questions et à bien d’autres, je voudrais oser vous proposer une initiative de recherche collective.

Tout au long de mon exposé, je vous ai fait part de mon expérience de patient, de mes attentes, et j’ai esquissé les grands principes sur lesquels je conçois le rapport entre soignants et soignés.

Mais je voudrais aller plus loin.

D’abord, je ne m’exprime qu’en mon nom propre. De surcroît, je ne représente qu’une infime partie des personnes à besoins spécifiques, et en plus je crois que l’expérience de ces personnes peut servir à toutes et à tous.

Ensuite, et c’est à mes yeux le plus important, je suis convaincu que beaucoup d’entre vous ont des expériences et des pratiques très intéressantes à proposer.

Aussi, je voudrais vous suggérer  de mettre en place un protocole de recherche qui dans un premier temps recueille des pratiques, à travers une grille très ouverte, mais rigoureuse, établie avec votre association et des patients-experts.

Dans un deuxième temps, ce travail pourrait servir de base pour un guide méthodologique et déontologique international que votre association pourrait adopter à un prochain congrès, pour la présenter comme contribution à l’Organisation des Nations Unies.

Je vous prie de me pardonner cette audace.

Ma seule justification est de m’engager à y travailler activement.

J’ai personnellement engagé une réflexion à partir d’une approche phénoménologique, adaptée notamment par Francisco Varela et ses travaux en Neurophénoménologie et sur le Bouddhisme.

Ceci pour éclairer le pouvoir d’agir et les conditions d’autonomie et d’autodétermination des individus, et l’importance des interactions qu’ils nouent dans des situations particulières.

Je pense que la situation de soins dentaires présente des caractéristiques qui permettent d’en faire un terrain très propice à éclairer le rôle des patients dans une relation de soins, mais aussi, en interactions l’inventivité des équipes de soignants, inscrites dans une chaîne de coopérations multiples.

Je vous remercie sincèrement pour votre écoute.  Très bon congrès à tous.

Philippe Aubert

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Autonomie, une définition par Philippe Aubert https://ragedexister.com/autonomie-une-definition-par-philippe-aubert/ https://ragedexister.com/autonomie-une-definition-par-philippe-aubert/#comments Wed, 16 Mar 2022 13:17:47 +0000 https://ragedexister.com/?p=727 Autonomie, une définition par Philippe Aubert Lire la suite »

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Philippe Aubert a été sollicité par Diane CABOUAT, Présidente de Dyspraxie France Dys Paris et vice-Présidente de Dyspraxie France Dys pour intervenir sur la question de définition du terme d’autonomie.

Cette prise de parole a été donnée lors du premier colloque consacré à la dyspraxie ou trouble développemental de la coordination (TDC) le 12 mars 2022 au Ministère de la Santé et des Solidarités.

Philippe a tenté de donner une définition générale de l’autonomie, et également plus basée sur sa propre expérience. 

Philippe a bien conscience qu’il s’agit d’un défi énorme, dont les contours sont pluriels, en fonction de qui en parle, comment on en parle et quels objectifs, quelles visées politiques on souhaite s’en servir.

Nous aurons plaisir de lire vos questions en commentaires ici ou sur Linkedin

Nous vous invitons à vous abonner à la chaîne Youtube de Philippe Aubert, à nos pages “Rage d’exister” sur Linkedin et Facebook.

Vous pouvez suivre les actualités et activités de Dyspraxie France Dys, sur YouTube, sur LinkedIn, Facebook et Twitter.  

Si besoin, voici le texte brut ci-dessous :

Bonjour mesdames, messieurs, 

Je suis ravi de pouvoir intervenir devant vous aujourd’hui. 

Je tiens beaucoup à remercier Diane CABOUAT, pour l’invitation à m’exprimer dans le cadre de ce premier colloque  consacré à la dyspraxie ou trouble développemental de la coordination, organisé par Dyspraxie France Dys. 

Pour celles et ceux qui ne me connaissent pas, je m’appelle Philippe Aubert.  Je suis sociologue de formation, spécialisé dans les pratiques inclusives. 

En 2018, j’ai créé une association nommée Rage d’Exister,  en référence au titre de mon premier livre paru la même année. 

Avec les membres de cette association, notre ambition est que les personnes en situation de handicap puissent pleinement participer à la vie sociale, culturelle, environnementale, économique, entre autres. 

Dans ce cadre, je dispense aujourd’hui des formations et conférences dans des universités et diverses entreprises.  

Par ailleurs, je préside un conseil sur les questions sémantiques, sociologiques et éthiques, qui élabore des travaux de réflexions, au sein du Conseil National Consultatif des Personnes en situation de Handicap, le CNCPH.   

Vous pouvez le constater, je travaille sur de nombreuses activités, qui plus est, socialement contributrices.  

Pourtant, si on remonte quelques années en arrière, mes enseignants n’auraient pas misé gros sur moi.  

En effet, ils avaient conditionnés ma poursuite d’étude à l’acquisition d’une autonomie d’action.   Sachant que je ne peux et ne pourrais jamais ni contrôler mes mouvements, ni parler, cette injonction est quelque part assez comique.  

Toutefois, c’est bien le développement d’une certaine autonomie qui m’a permis de suivre des études,  et me permet aujourd’hui de travailler sur toutes ces activités. 

Mais, avant de rentrer plus en détails sur la façon dont se traduit l’autonomie pour moi, il me semble nécessaire de se pencher sur la signification générale de cette notion.   

Bien que, de prime abord, tout le monde croit savoir ce qu’elle signifie,  l’autonomie reste encore quelque part un mystère,   et cela, peut-être de part la pluralité de sens qu’on lui donne,  et, de part sa notoriété dans le champ social et médico-social.   

C’est d’ailleurs ce qui a mené le gouvernement Castex à lancer un programme prioritaire de recherche sur ce sujet.  

L’autonomie est fréquemment définie comme l’absence de dépendance,   comme le pouvoir et le savoir de se débrouiller seul, trois petits points, comme tout le monde.   Dans le monde du travail, être autonome c’est ne jamais avoir besoin d’autrui.  Dans ce cas là, on parle en réalité d’indépendance.  

Moi, j’ai besoin de l’aide d’une personne extérieure dans tous les gestes du quotidien,  je suis dépendant. Par définition, on peut se poser la question de savoir si je ne serais donc pas autonome ?  Je vous le dis, je suis autonome et dépendant.  Je suis les deux.  

La capacité d’une personne ne saurait être réduite à sa capacité à accomplir seule des actions ou des gestes.  Je vous invite à réconcilier ces deux notions, autonomie et dépendance, qui peuvent aller de paire,  et vous invite à concevoir l’autonomie, non plus comme un objectif en soi,  mais bien comme un processus, pour être maître de sa vie.  

Le sens étymologique de ce terme signifie d’ailleurs « se gouverner soi-même ».  

Bien que dans certains domaines spécifiques, tels qu’en rééducation fonctionnelle, l’autonomie soit mesurée selon un degré de dépendance,  avec cette signification réductrice, l’autonomie ne peut être considérée universelle,   car, de cette façon elle gomme toute une partie de la population.  Elle ne leur laisse aucune chance d’exister dans la société, étant donné que la participation sociale semble alors conditionnée par l’autonomie.  

Je prône l’autonomie selon la définition de Paul Ricoeur, qui dit,  entre guillemets, qu’être autonome, c’est être identifié par soi et par les autres  comme un sujet décideur de ses propres actes.  C’est aussi, avoir confiance dans sa propre capacité à être cet acteur, ce sujet, cet auteur. fin de citation.  

L’autonomie d’action et de décision est alors au cœur d’un processus et d’un écosystème d’identification et d’autodétermination,  qui s’inscrivent dans l’histoire et le développement de chacun d’entre nous,  personne dite valide autant que personne en situation de handicap.  

Mais, comment s’inscrire positivement dans ce processus, si on est à priori, du fait de son handicap, présumé incapable et donc irresponsable ?  

Comment dans ces conditions attester de son potentiel ? 

Toute personne en situation de handicap ; quel que soit ce handicap ; visible ou non, connaît cette épuisante injonction d’être soi et de croire en soi,  malgré l’opinion dévalorisante ou agressive des autres. 

C’est une charge psychique énorme ; stérilisante et destructrice.  Elle rend souvent difficile, ou même impossible, inaudible,  la construction et l’expression de sa joie et de sa force de vivre.  

C’est pourquoi, nous devons orienter nos réflexions vers la prise en considération de tous les travaux récents sur les processus d’apprentissage de l’autodétermination. 

Cette notion d’autodétermination est sans doute essentielle dans une approche positive de l’autonomie pour les personnes en situation en handicap  car elle les repositionne comme sujet majeur de leur pouvoir d’agir. 

Laissons-nous gagner un instant par son souffle émancipateur !   

J’ai conscience que s’ouvre là un énorme champ qui propulse sur le devant de la scène le rôle direct et majeur des personnes en situation de handicap elles-mêmes,  mais interroge aussi toute la chaîne des attitudes et des savoirs  des accompagnants, famille, associations, professionnels, institutions… ainsi que les moyens techniques utilisables.  

Je partage cette vision, sans nier les règles qui peuvent nous être imposées.  

Nous sommes toujours autonomes dans un cadre contraint.  L’autonomie se traduit alors par le fait de pouvoir choisir pour soi-même ses règles de conduite, l’orientation de ses actes, mais aussi les risques encourus.  

Bien évidemment, je ne nie pas mes besoin d’aides.  L’autonomie n’exclut pas la relation d’aide,  elle exclut par contre la contrainte d’autrui.  

Alors, elle est intrinsèquement liée à l’interdépendance et aux liens avec les autres, qui vont être vecteurs d’autonomie. 

L’enjeu ici, pour les personnes dépendantes et leurs aidants, est au cœur de leur relation.  Ils sont appelés à rechercher et à façonner un équilibre juste, favorable au déploiement de l’autonomie.  

Ces questionnements sont centraux dans les domaines de l’aide à la personne, que ça soit en institution, dans les associations, avec les professionnels et les proches aidants, ainsi qu’à domicile.  

Nous évoluons encore trop largement dans un contexte de prise en charge médicalisée, paternaliste et pensée par des personnes dites valides,  ce qui restreint finalement l’autonomie des personnes concernées.  

L’enjeu aujourd’hui est d’opérer le basculement de l’hétéronomie,  c’est-à-dire, que ce que nous faisons est imposé par d’autres,  vers l’autonomie.  

Mais, comment parvenir à se réaliser et à déployer notre autonomie,  lorsque le regard de l’autre nous limite  par ses stéréotypes, préjugés et que nous sommes discriminés ?  

Ce que je vous dis là a été conceptualisé et s’appelle  « l’effet Golem ».  Il a été montré que la performance est moindre, et les objectifs moins élevés, sous l’effet d’un potentiel jugé limité par une autorité.  

Les personnes en situation de handicap sont encore trop souvent perçues seulement comme des personnes déficientes, voire même comme étant une contrainte.  

L’invitation ici est de poser un nouveau regard sur les personnes en situation de handicap : les reconnaître avant tout pour leurs capacités au pluriel.  

Scientifique, écrivain et sculpteur français spécialiste en ergonomie et en psychologie,  Pierre Rabardel a montré qu’avec cette reconnaissance, le « sujet capable » entre guillemets, comme il l’appelle, va ainsi mobiliser et développer de multiples ressources dans son activité.  Ceci entraîne un maintien, ou un accroissement de son pouvoir d’agir, et donc de son autonomie.  

Cette façon de voir l’autonomie, cette invitation à poser un regard capacitant sur les personnes en situation de handicap,  et plus largement cette vision, sont intrinsèquement liées à l’autodétermination.  

Cette dernière permet de repenser l’autonomie positivement, en repositionnant le sujet lui-même comme acteur majeur de son pouvoir d’agir.   C’est un outil d’émancipation qui encourage à rendre universelle l’autonomie.  

Maintenant, je souhaite vous présenter le système que j’ai « bricolé » entre guillemets, dans lequel je peux aujourd’hui déployer mon autonomie. Je parle de « bricolage », car les personnes en situation de handicap sont souvent amenées à faire preuve d’inventivité et d’ingéniosité, en détournant des systèmes au service de leur pouvoir d’agir.  Je nous appelle alors entre guillemets « les bricoleurs de génie de la vie ».  Ce qui a beaucoup plu comme expression à notre Premier Ministre Jean Castex lors du Comité interministériel du Handicap auquel j’avais été invité en novembre 2020.  

J’ai mis en place, au fur et à mesure de mon parcours, un système dans lequel j’ai le pouvoir d’agir.   

Ce système repose sur une collaboration entre un réseau humain et non-humain.  Sociologue, anthropologue et philosophe des sciences, Bruno Latour nomme un tel système « l’acteur réseau » entre guillemets.  Il a développé cette notion à partir de la sociologie de la traduction,  c’est d’ailleurs avec un système comparable que le Professeur Steven Hawking travaillait.  

Ayant posé le cadre théorique, ayant apporté une définition de l’autonomie, je souhaite à présent vous parler de ma propre expérience au quotidien.  

Aujourd’hui, pour vous parler, j’utilise une synthèse vocale.  J’ai préparé ce que je dis en amont avec le logiciel Communicator.  Grâce à une commande oculaire, j’ai pu écrire un texte avec mes yeux sur mon ordinateur.  Ce logiciel me permet notamment d’écrire des mails, des sms, d’avoir un agenda que je peux compléter.   

Cet outil numérique a permis de considérablement développer mon autonomie. Je maîtrise ma communication, et je peux interagir avec mon environnement.  Grâce à ce système, je peux travailler, développer mes relations sociales,  et aussi avoir une vie privée, ce qui m’est précieux, comme pour tout un chacun.  

J’utilise également cette synthèse vocale et cette commande oculaire lorsque je travaille avec mes deux assistants sur nos projets professionnels.  Notre façon de travailler s’inspire du concept de “binôme de travail à compétences complémentaires”, ou alors formulé plus simplement “duo de compétences”.   Dans ma situation, il s’agit parfois d’un trinôme de travail.  Cette méthode de travail me permet véritablement de développer mon pouvoir d’agir, et mon autonomie, en prenant en compte les spécificités liées à mon handicap.  Mais pas seulement.  

De façon générale, le duo de compétences permet la valorisation des expériences et des compétences de chacune des personnes qui le compose.   Il permet à toutes et à tous de déployer leurs compétences, et d’être enrichis par celles des autres, grâce à une juste et équitable répartition des missions.  

Ce vecteur d’autonomie est basé sur une relation de collaboration.  C’est pourquoi, la communication y est fondamentale.  De cette façon, je peux ajuster avec mes assistants notre manière de travailler.  Il nous a fallu quelque temps pour trouver un équilibre satisfaisant pour tous, et au sein duquel je peux en être pleinement acteur.  

Cette méthode de travail est innovante, elle me permet de sortir du paradigme de l’aidé et de l’aidant.  Même si techniquement, j’ai le statut d’être employeur et eux mes auxiliaires de vie, nous sommes plus proches du statut plus horizontal de collègues de travail.   

Nous sommes attentifs à veiller à garder un équilibre entre nous tous, et à ne pas générer de sentiment de dépendance.  L’enjeu de cette méthode est de trouver la juste articulation entre la pensée individuelle, et le travail collectif.  

Penser l’autonomie, c’est alors se laisser un espace de création et d’innovations important,  c’est ne pas limiter nos ambitions.   

Lors du Comité interministériel du Handicap du 5 juillet 2021, j’ai pu citer quelques éléments personnels sur l’autonomie, éléments que je souhaite vous partager également maintenant. 

Je considère que c’est un débat central, voire crucial pour les personnes en situation de handicap, mais aussi pour toute personne, de tout âge ; cela nous concerne toutes et tous.  De l’enfance, à ce que l’on appelle affectueusement le grand âge.  

L’autonomie n’a pas forcément bonne presse chez certaines des personnes en situation de handicap. 

Ainsi, en tant que société, dans nos réflexions actuelles autant que dans nos actions, il convient d’être collectivement attentifs à la relation entre autonomie et dépendance.  On peut en effet être dépendant et autonome.  C’est donc une notion dont l’usage doit être fait avec circonspection.  

Je voudrais exprimer en quelques mots mes convictions sur ce sujet de l’autonomie. Je crois profondément que le monde du handicap ne doit jamais s’isoler et se concevoir comme un monde à part. Je défendrai toujours une vision commune de la société et un refus d’appartenances exclusives. 

Il n’y a pas d’autonomie sans un sujet. Ce sujet c’est l’individu, la personne singulière.  Chacune, chacun est unique,  et chacune, chacun a besoin d’un processus d’individuation et de socialisation pour exister ; et ce à tout âge, tout au long de sa vie.  

A la fin de ce propos, j’aimerais vous proposer la citation suivante de Hannah ARENDT,  Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres. fin de citation.  C’est un sentiment terrible qui m’a habité longtemps dans ma construction en tant qu’enfant, adolescent et qui le fait encore récemment dans ma vie adulte. 

Je suis obsédé par ce lien d’interdépendance et d’autonomie, car au fond des choses, je me sens proche de cette dualité. C’est par ce double prisme que je construis mon autonomie et ma force. 

Afin de conclure mon intervention, je tiens à vous partager le poème de Jacques Prévert, intitulé le Cancre, car il m’inspire beaucoup.  

 

« Il dit non avec la tête,

Mais il dit oui avec le cœur, 

Il dit oui à ce qu’il aime,

Il dit non au professeur, 

Il est debout,

On le questionne,

Et tous les problèmes sont posés, 

Soudain, le fou rire le prend,

Et il efface tout 

Les chiffres et les mots,

Les dates et les noms,

Les phrases et les pièges. 

Et malgré les menaces du maître,

Sous les huées des enfants prodiges, 

Avec les craies de toutes les couleurs,

Sur le tableau noir du malheur  

Il dessine le visage du bonheur. »   

 

Je termine sur ce poème, car je crois qu’il est nécessaire d’avoir sur nous-mêmes et sur la vie une certaine dose de dérision, voire d’insolence,  comme l’évoque dans deux registres divers, la série Vestiaires, ainsi que le philosophe Michel SERRES. 

J’aurai plaisir d’échanger avec vous par l’intermédiaire de l’équipe d’organisation de la journée.  Que je remercie à nouveau pour son invitation. 

Merci pour votre écoute. Et bonne fin de journée ensemble.  

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Rage de communiquer. Comment Konbini a propulsé Rage d’Exister fin 2020 ? https://ragedexister.com/rage-de-communiquer-comment-konbini-a-propulse-rage-dexister-fin-2020/ https://ragedexister.com/rage-de-communiquer-comment-konbini-a-propulse-rage-dexister-fin-2020/#respond Wed, 22 Dec 2021 17:11:16 +0000 https://ragedexister.com/?p=608 Rage de communiquer. Comment Konbini a propulsé Rage d’Exister fin 2020 ? Lire la suite »

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A l’été 2020, le Centre culturel international de Cerisy a proposé à Philippe Aubert de produire une intervention sur les angles morts du numérique.

Celle-ci a eu un succès tel que le comité du colloque de Cerisy a proposé de diffuser l’intervention de Philippe Aubert sur son blog France Culture et sur la Forge numérique de l’université Caen Normandie.

Suite à cette publication, l’équipe Rage d’exister a reçu un appel du Rédacteur en chef de Konbini Techno, la rédaction dédiée aux nouvelles technologies, au numérique, digital, … du media en ligne Konbini.

Nous avons été interpelés par leur enthousiasme suite à l’écoute de la conférence, leur compréhension des enjeux et leurs questions liées aux usages des outils numériques par Philippe.

Nous avons insisté que Philippe, à la différence de certaines autres personnes, en situation de handicap ou non, n’était pas un technophile convaincu, que son avis actuel était plutôt basé sur ses expériences précédentes, notamment sur ses relations humaines, sur des conférences passées où il avait évoqué ses craintes, interrogations face au transhumanisme, à l’homme augmenté par la machine.

Une rencontre en ligne a d’abord été prévue, via l’outil Discord, qui a permis de pouvoir échanger les idées, tout en étant tous ensemble à partager l’écran en direct. Ce qui a confirmé le choix de diffuser l’outil Communicator5, et a ouvert la porte à promouvoir les systèmes de l’épellation et de la licorne.

Ensuite, nous avons fixé rendez-vous à l’équipe au domicile de Philippe pour une après-midi tournage mi décembre 2020. Pierre, le rédacteur en chef de Konbini Techno est venu accompagné de Baptiste, journaliste reporter d’images et monteur, pour une durée totale de trois heures de présence.

Nous avons alors tourné dans les conditions du direct les images qui ont ensuite été montées par Baptiste jusqu’au montage final sur lequel nous n’avons pas eu de mot à donner. La confiance était totale.

 

La diffusion s’est faite dès le jeudi 17 décembre à 20h35 sur la page Facebook de Konbini Techno. On a rapidement compris qu’il se passait quelque chose avec cette vidéo, car le samedi 19 décembre à 17h, elle dépassait déjà les 300.000 vues.

Puis, le même jour à 19h, c’était quasiment 400.000 vues.

Cela est largement dû à la publication sur la page principale de Konbini, avec ses 54 millions d’abonnés, qui fait alors s’affoler tous les chiffres !

Car, ensuite, la barre du demi-million est franchie le matin du 20 décembre.

Et alors qu’on pourrait miser sur un effet palier ou plateau, les compteurs ne ralentissent pas.

Au contraire. Au moment du passage des 800.000 vues, le sommet du million est en approche raisonnable. Il faut se rendre alors compte de ce que l’équipe ne pouvait pas envisager avant.

Cette vidéo interview devient littéralement virale !

Enfin, le passage au million de vues ! Quelle émotion !!!

 

Et encore, ce n’était que le début, étant donné que Konbini a ensuite décidé de publier la vidéo sur son compte Instagram : BOOM ! 500.000 vues en une nuit. En parallèle, sur Twitter, ce sont 10.000 vues. Et sur YouTube, le 25 décembre, 100.000 vues en quelques heures.

 

Un mois après, les statistiques sont folles :

  • Facebook : 1,2 millions de vues, 13.000 réactions/likes et 565 commentaires ;
  • Instagram : 611.376 vues,  691 commentaires ;
  • YouTube : 150.000 vues, 9500 likes et 420 commentaires ;
  • Twitter : 12.000 vues, 13 commentaires, 90 retweets, 235 likes. 

Au total, ce sont plus de 2 millions de vues, toutes plateformes confondues.

C’est phénoménal. Pour Konbini, cela fonctionne environ pour une vidéo sur six !

 

En analysant les commentaires, on se rend compte :

  • que le message humain, humaniste de Rage d’exister passe bien ;
  • que ce qui marque le plus est le sourire, le dynamisme de Philippe ;
  • que la relation avec son assistant Sylvain émeut fortement ;
  • que la majorité des personnes sont émerveillées, fascinées, dans une forme de sidération, de position extra-ordinaire, de piédestal ou de super-héroïsation de la vie de Philippe (ce qui pose d’autres problèmes) ;
  • qu’une minorité s’interrogent sur les conditions de vie supposées misérables dans lesquelles viverait Philippe, sur les litres de bave qu’il évacuerait chaque jour, sur la présence et responsabilité ou non de Dieu vis-à-vis de ce que vivrait, serait Philippe.

En conclusion, un an après, nous sommes enchantés par l’expérience.

Nous avons eu l’occasion de remercier l’équipe de Konbini par un dîner collectif, et évoquer le bilan de l’interview avec du recul.

Lors de formations que nous animons, nous n’avons presque plus besoin de nous présenter, ni comment nous fonctionnons, car la vidéo sert d’introduction, voire même à notre plus grande surprise de support de formation sur ce qu’est la CAA, la communication alternative et améliorée. Une consécration !!!

A la suite de cette interviews, nous espérons renouveler le maximum de partages de notre point de vue et sensibilité en lien avec le handicap et l’ensemble des sujets.

Si vous connaissez des journalistes ou responsables dans les rédactions en France ou à l’international, notre équipe serait ravie de prendre contact avec elles et eux.

Encore MERCI pour tout ce que vous nous aidez à réaliser. C’est grâce à vous que nous le faisons !!!

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Intervention de Philippe Aubert au Comité Interministériel du Handicap 5 juillet 2021 https://ragedexister.com/intervention-de-philippe-aubert-au-comite-interministeriel-du-handicap-5-juillet-2021/ https://ragedexister.com/intervention-de-philippe-aubert-au-comite-interministeriel-du-handicap-5-juillet-2021/#respond Mon, 05 Jul 2021 14:40:48 +0000 https://ragedexister.com/?p=670 Intervention de Philippe Aubert au Comité Interministériel du Handicap 5 juillet 2021 Lire la suite »

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Paris, le 5 juillet 2021

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Madame la Ministre, Chère Sophie Cluzel,

Je suis très honoré de pouvoir m’exprimer de nouveau devant vous lors d’un conseil interministériel
du handicap.

Je concentrerai mon propos aujourd’hui sur l’autonomie.

Je considère que c’est un débat central, voire crucial pour les personnes en situation de
handicap, mais aussi pour toute personne, de tout âge ; cela nous concerne toutes et tous.

J’ai proposé d’engager en priorité sur ce sujet, les travaux du nouveau Conseil interne du CNCPH sur
les questions sémantiques, sociologiques et éthiques.

Nos travaux commencent à peine, et nous avons pour objectif d’en rendre compte au CNCPH pour la
fin de l’année.

Je souhaite néanmoins exposer quelques points essentiels qui ont émergé à partir de nos premiers
débats et discussions particulières.

L’autonomie n’a pas forcément bonne presse chez les personnes en situation de handicap.

Moi-même j’ai expérimenté les limites d’une certaine utilisation de cette notion.

On a en effet tenté de conditionner la poursuite de mes études supérieures à l’acquisition d’une
autonomie d’action. Lorsque l’on connaît ma dépendance physique, cette injonction pourrait
presque faire rire !

Ainsi, en tant que société, dans nos réflexions actuelles autant que dans nos actions, il convient
d’être collectivement attentifs à la relation entre autonomie et dépendance.

On peut en effet être dépendant et autonome. C’est donc une notion dont l’usage doit être fait avec
circonspection.

Le gouvernement, Monsieur le Premier Ministre, a décidé de lancer un Programme prioritaire de
Recherche sur l’autonomie.

C’est un grand acte politique à mes yeux et nous devons nous y impliquer fortement.

Un des rôles de notre Conseil interne sera de veiller à l’active participation des personnes en
situation de handicap à ce programme, et à l’orientation des recherches vers des processus créatifs
et opérationnels.

Je voudrais exprimer en quelques mots mes convictions sur ce sujet de l’autonomie.

Je crois profondément que le monde du handicap ne doit jamais s’isoler et se concevoir comme un
monde à part. Je défendrai toujours une vision commune de la société et un refus d’appartenances
exclusives.

Une des façons essentielles d’assurer cette vision commune est de reconnaitre les personnes en
situation de handicap pour leurs capacités et non à partir de leurs incapacités.

J’ai développé ce point de vue au cours du précédent conseil interministériel du handicap le 16
novembre dernier, en qualifiant les personnes en situation de handicap de « bricoleurs de génie de la
vie ».

Ce n’était pas une envolée lyrique, mais une façon d’attirer l’attention sur une face encore trop peu
mise en avant de l’approche du handicap.

Je partirai donc de ce point de vue.

Il n’y a pas d’autonomie sans un sujet. Ce sujet c’est l’individu, la personne singulière.

Chacun est unique, et chacun a besoin d’un processus d’individuation et de socialisation pour exister
; et ce à tout âge, tout au long de sa vie.

L’autonomie est une réalité d’interdépendance et de liens avec les autres.

Selon Paul Ricoeur, être autonome c’est être identifié par soi et par les autres comme un sujet
décideur de ses propres actes. C’est aussi avoir confiance dans sa propre capacité à être cet acteur,
ce sujet, cet auteur.

L’autonomie d’action et de décision est alors au cœur d’un processus et d’un écosystème
d’identification et d’autodétermination, qui s’inscrivent dans l’histoire et le développement de
chacun d’entre nous, personne dite valide autant que personne en situation de handicap.

Mais, comment s’inscrire positivement dans ce processus si on est à priori, du fait de son handicap,
présumé incapable et donc irresponsable. Comment dans ces conditions attester de son potentiel ?

Toute personne en situation de handicap ; quel que soit ce handicap ; visible ou non, connait cette
épuisante injonction d’être soi et de croire en soi, malgré l’opinion dévalorisante ou agressive des
autres.

C’est une charge psychique énorme ; stérilisante et destructrice. Elle rend souvent difficile, ou même
impossible, inaudible, la construction et l’expression de sa joie et de sa force de vivre.

C’est pourquoi, nous devons orienter nos réflexions vers la prise en considération de tous les travaux
récents sur les processus d’apprentissage de l’autodétermination.

Cette notion d’autodétermination est sans doute essentielle dans une approche positive de
l’autonomie pour les personnes en situation en handicap car elle les repositionne comme sujet
majeur de leur pouvoir d’agir.

Laissons-nous gagner un instant par son souffle émancipateur !

Notre travail, au sein du conseil que je préside, consiste à bien détecter les obstacles, notamment
sémantiques, sociologiques et éthiques, qui peuvent entraver cette application de
l’autodétermination au handicap ; mais aussi à examiner tous les processus inspirant des pratiques
nouvelles et innovantes.

J’ai conscience que s’ouvre là un énorme champ qui propulse sur le devant de la scène le rôle direct
et majeur des personnes en situation de handicap elles-mêmes, mais interroge aussi toute la chaîne
des attitudes et des savoirs des accompagnants, famille, associations, professionnels, institutions…
ainsi que les moyens techniques et les technosciences utilisables.

En conclusion de ce propos trop rapide, j’ai conscience aussi que parler de l’autonomie en ces termes, c’est ouvrir un espace de création et d’innovation, encore très insuffisamment exploré.

Le survol que je viens d’effectuer incite à travailler en ne limitant pas ses ambitions.

C’est peut-être un élément clé d’un projet de société et un moyen de combattre la conscience
malheureuse, culpabilisée et culpabilisante qui pèse lourdement sur le monde du handicap.

Je vous remercie.

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L’onctueux souffle propagateur de la résilience par Séverine Oudry https://ragedexister.com/lonctueux-souffle-propagateur-de-la-resilience-par-severine-oudry/ https://ragedexister.com/lonctueux-souffle-propagateur-de-la-resilience-par-severine-oudry/#respond Sun, 07 Feb 2021 14:20:30 +0000 https://ragedexister.com/?p=635 L’onctueux souffle propagateur de la résilience par Séverine Oudry Lire la suite »

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Une fois par mois, Séverine Oudry se propose de nous partager un texte de son choix. Aujourd’hui, c’est le thème de la résilience qu’elle a décidé de mettre en avant.

L’équipe Rage d’exister vous en souhaite bonne lecture, et espère vous voir vous en saisir, et proposer un maximum de commentaires à l’auteure en retour.

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La capacité de résilience se mesure par la motivation à vivre son existence paisible et captivante, en réalisant ses rêves avec la complicité énergique de ses frères et sœurs en humanité.

Etant une femme âgée de quarante six ans, je possède une Infirmité Motrice Cérébrale assez conséquente, me freinant dans tous les actes de la vie quotidienne.

Malgré mes difficultés d’élocutions, ma mère, un modèle de résilience, ma famille et les professionnels des divers établissements spécialisés m’ont permis d’obtenir une Licence de Théologie chrétienne avec mention Bien.

Pourtant, mon parcours scolaire fut extrêmement laborieux, et parfois même, d’une certaine cruauté. Cette présente cruauté  me fit ressentir les prémisses de la capacité de résilience.

Renvoyée par nombreuses structures spécialisées, compte tenu de ma lenteur à produire des travaux scolaires conséquents, j’ai vécu ces rejets comme des véritables trahisons.

Ces exclusions renforcèrent toutefois mes profondes convictions de la place que je devais prendre au sein de notre société, cette place sera essentiellement consacrée à ma vocation littéraire, spirituelle et philosophique.

A l’aube de mes quarante six ans, un bel avenir prometteur s’ouvre devant mes yeux pleins de rêves, de projets, de promesses et de joies.

Si la personne en situation de handicap doit redoubler d’efforts afin d’augmenter sa capacité de résilience pour mener une existence heureuse et riche de la présence de ses frères et sœurs en humanité, la personne sans handicap ne demeure guère exempte de fournir également un certain nombre de prouesses pour accéder à cette capacité.

Le neuropsychiatre français, Boris Cyrulnik, spécialiste de la résilience, confiera dans un entretien avec Antoine Spire pour la revue Le Monde de l’éducation  en mai 2001 : « Le malheur n’est jamais pur, pas plus que le bonheur. Un mot permet d’organiser une autre manière de comprendre le mystère de ceux qui s’en sont sortis : la résilience, qui désigne la capacité à réussir, à vivre, à se développer en dépit d’adversité. » 

Ce psychologue consacrera quatre œuvres sur ce thème qu’il a personnellement expérimenté dans sa vie.  Au cours de mon existence, j’ai côtoyé une multitude de personnes augmentant admirablement leur capacité de résilience, les membres de ma famille, des amis qui en apparence possédaient tout les avantages pour mener une existence épanouie.

En réalité, ces êtres chers ont dû mener un combat bien plus rude que le mien pour enrichir leur potentiel de résilience, je les regardais se battre avec une grande admiration, triste d’être impuissante devant leurs montagnes d’épreuves, d’efforts réduit à néant.

Dans son ouvrage Vivre dans un monde incertain, publié aux éditions Fayard en juillet 2020, Frédéric Lenoir consacre un chapitre entier sur l’entrée en résilience, ce philosophe énonce un schéma  de résilience : « Le processus de résilience fait l’objet de nombreuses recherches et théories, mais on peut schématiquement évoquer trois étapes principales après le traumatisme : la résistance, l’adaptation et la croissance. » (page 29)

La capacité de résilience se focalisera sur la troisième étape, la personne en situation de handicap s’épanchera quant à elle essentiellement sur la croissance en restant attentif en permanence aux degrés d’adaptation.

Bien trop souvent, mon entourage m’affirme prendre modèle sur moi, cette affirmation me touche énormément évidemment, mais celle-ci se présente complètement erronée par rapport à la réalité de la situation.

Loin d’être un modèle, mon handicap ne m’offre nullement la prétention d’être un exemple à suivre, chacun son histoire, chaque personne possède son lot d’épreuves à surmonter. Les personnes en situation de handicap ne peuvent pas prétendre être les plus à plaindre de nos jours, nous avons accès à presque tout, il y a un grand travail de fond à entreprendre sur le pathos.

En revanche, les personnes en situation de handicap doivent entraîner dans leur capacité de résilience personnelle, leurs frères et sœurs à avancer sereinement sur ce chemin.

Dans la rédaction de mon essai autobiographique-philosophique, Alors je fonce vers une humble philosophie sur l’humour-sérieux, j’élabore un concept pour nommer cette collaboration fraternelle ; l’handicap-atout.

Le désir de découvrir cette capacité de résilience ne se distingue guère avec la vertu de l’humilité, ce pouvoir extraordinaire de dépossession de soi-même pour rencontrer son prochain.

Tel est le principe essentiel afin d’augmenter sa capacité de résilience. Personnellement, je tente de cultiver cette vertu me conduisant ainsi à la réussite de mon parcours universitaire. 

La personne en situation de handicap doit choyer l’humilité au fond de son cœur. Même si sa condition de dépendance l’oblige à côtoyer cette vertu, il est indispensable de lui offrir une autre vocation. En  effet, une vocation infiniment plus précieuse se dissimule dans l’âme de l’humilité ; l’art de devenir de plus en plus humain, et surtout, de plus en plus aimant. C’est le formidable pouvoir de la résilience …

De ce fait, la collaboration fraternelle émane de ce pouvoir intensément précieux, la personne en situation de handicap doit se vouer à cet onctueux souffle propagateur de la résilience : Soyons les pionniers de la nouvelle fraternité en devenir, promesses de joies écologiques et de lumières célestes …

Ozoir, le dimanche 7 février 2021

Séverine Oudry

 

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Vivre sa spasticité – Guillaume Benhamou est intervenu aux Journées du CDI 2020 https://ragedexister.com/vivre-sa-spasticite-guillaume-benhamou-est-intervenu-aux-journees-du-cdi-2020/ https://ragedexister.com/vivre-sa-spasticite-guillaume-benhamou-est-intervenu-aux-journees-du-cdi-2020/#respond Tue, 19 Jan 2021 14:29:21 +0000 https://ragedexister.com/?p=625 Vivre sa spasticité – Guillaume Benhamou est intervenu aux Journées du CDI 2020 Lire la suite »

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Bonjour.

Nous vous invitons à consulter cette vidéo dont le propos est une synthèse d’une expertise dont Guillaume Benhamou, membre de Rage d’exister est en capacité de parler pendant plusieurs heures sur chaque sujet en profondeur.

 

Les Journées du CDI sont organisées par l’Institut Motricité Cérébrale.

L’édition 2020 portait sur le thème “Vivre sa spasticité” et a donc accueilli Guillaume Benhamou comme patient vivant avec une paralysie cérébrale et expert en éducation thérapeutique du patient, diplômé de l’Université des patients en 2020.

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Intervention de Philippe Aubert lors des Universités d’été 2020 du CNCPH https://ragedexister.com/intervention-de-philippe-aubert-lors-des-universites-dete-2020-du-cncph/ https://ragedexister.com/intervention-de-philippe-aubert-lors-des-universites-dete-2020-du-cncph/#respond Thu, 15 Oct 2020 17:10:13 +0000 https://ragedexister.com/?p=543 Intervention de Philippe Aubert lors des Universités d’été 2020 du CNCPH Lire la suite »

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Paris, le Mercredi 26 août 2020

Une existence en traduction : entre handification et validification,

en quête du pouvoir d’agir

 

Bonjour,

Je suis très heureux de m’exprimer aujourd’hui pour ces premières Universités d’été.

Je remercie très vivement Jérémie Boroy, notre Président, et tous les initiateurs et organisateurs de ces événements passionnants.

   

Je participe à ces Universités d’été de façon assidue depuis lundi. J’avoue mon grand intérêt pour l’ensemble des interventions et des débats.

J’apprends beaucoup de toutes ces contributions et j’ai donc adapté mon propos.

Je vais l’exposer en plusieurs parties, que j’espère cohérentes entre elles.

Ce sont des réflexions libres, personnelles, forcément succinctes, ouvertes et à discuter.

 

Tout d’abord, j’ai écouté attentivement les différents propos tenus lors de ces Universités d’été, notamment concernant les conditions des législations futures, l’action des pouvoirs publics, et surtout le projet majeur de cinquième branche.

 

J’avoue avoir pris conscience de la nécessité d’un travail considérable à effectuer pour bien cerner les acceptions multiples de certains mots, comme par exemple : autonomie, universalité, transversalité … Je serais impertinent de parler de mots « valises », car ceux qui les emploient sont très compétents, et je peux tomber moi-même dans cet écueil.

Cela me conforte cependant dans l’idée d’un besoin urgent de construire méthodiquement un glossaire, un dictionnaire évolutif, national et international, nous permettant de mener des discussions dans des conditions claires, sur des sujets aussi pointus.

Surtout que je crains toujours qu’un langage nécessairement général nous éloigne des réalités vécues, toujours difficiles à « traduire ».

Comment alors faire la différence en fonction des contextes

dans lesquels sont utilisés ces termes ?

 

Comment faire la différence en fonction des contextes dans lesquels sont utilisés ces termes. Je suis convaincu de l’impact majeur que peut avoir le Conseil que je vais avoir l’honneur de présider, sur ces questions de sémantique, qui sont en réalité très politiques.

 

Mais le point déterminant pour moi ; la clé de voûte de toute action en matière de handicap, c’est la reconnaissance de l’expérience singulière, individuelle et collective des personnes en situation de handicap. Expérience qui doit être et demeurer un point d’ancrage permanent de nos travaux futurs et de leur éthique.

En effet, cette réalité doit être un garde fou face au risque de conceptualisation, de généralisation à outrance des outils mis en place par les politiques du handicap.

Dès le moment où un outil, une politique ou une solution est pensée pour être généralisable, il cesse souvent d’être applicable dans les réalités singulières de chacun.

A l’inverse, c’est par la prise en compte de cette singularité que l’on peut accompagner les individus à être acteurs, auteurs et non plus simples figurants de leurs projets de vie, que je préfère appeler projets d’existence.

Cette démarche permet par ailleurs de découvrir et de mettre en valeur les innovations induites par le handicap et la diversité. Elle prédispose surtout à développer les capacités de choisir, de décider et d’agir de chacun ; ce qui doit constituer, à mon avis, le cœur des actions en faveur des personnes en situation de handicap, et qui est l’attente principale des générations actuelles ; le pouvoir d’agir.

 

Ma propre expérience, au travers des différents obstacles que j’ai rencontrés, particulièrement au moment de la préparation de mon Baccalauréat, m’a amené à mieux comprendre ma situation et à développer ultérieurement mon projet d’existence.

C’est à ce moment que j’ai développé les concepts de validification et d’handification  pour bien analyser les différents mouvements contradictoires de mon environnement ; ce qui m’affectait alors douloureusement. Ces derniers étant source de tensions paralysantes, mais aussi d’injonctions contradictoires.

Je découvrais que le poids de mon handicap exigeait beaucoup de moyens pour assurer ma vie quotidienne ; ce qui devenait un problème en soi, une handification, dont le milieu scolaire se désolidarisait, exigeant que je me conforme aux obligations ordinaires, légèrement aménagées, opérant une validification.

J’ai mis au point ces termes pour comprendre et expliquer ma situation qui était à ce moment là dans l’impasse.

Mais le fait d’exprimer ma situation comme étant l’objet de ces deux forces en mouvement m’a permis plus tard, peu à peu, de la concevoir autrement, car les situations n’étaient pas figées, et d’opérer un retournement en me constituant peu à peu une nouvelle capacité d’agir.

L’handification négative est devenue une reconnaissance saine de mes limites et l’aptitude à intégrer de nouvelles techniques de communication et de travail, et la validification s’est transformée en un accompagnement propice à la pleine expression de mes capacités.

Ce mouvement de traduction, au sens étymologique du latin transducere, littéralement « conduire la transformation », m’a permis de concevoir l’importance du pouvoir d’agir et de son expression pour les personnes en situation de handicap.

Ce pouvoir d’agir que j’ai conquis souvent et que l’on m’a aidé à développer parfois, m’a permis de construire ma réflexion et mon travail, et m’a conduit par la suite à affirmer ma volonté de contribution, que j’identifie comme un prolongement de ce pouvoir d’agir.

J’identifie aujourd’hui ma situation de l’époque comme une période de survie.

J’étais bloqué dans un mouvement d’handification me privant de ce que j’appelle mon pouvoir d’agir. J’ai compris que mon projet ne pouvait se limiter à vivre, mais devait devenir un projet d’existence, tourné vers les autres.

Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres” disait Hannah Arendt.

A cette période, l’écriture de mon livre Rage d’exister a été déterminante dans le développement de ma réflexion sur le pouvoir d’agir. J’ai le sentiment d’être passé d’une volonté de survie à un désir d’existence.

Ce n’est que progressivement que j’ai découvert que je pouvais donner à cette existence une dimension à laquelle j’avais toujours aspirée, notamment en menant des actions humanitaires internationales. J’ai pris conscience de ma capacité à contribuer utilement à la société.

Cette réflexion personnelle n’a vocation qu’à illustrer que les catégories de “handicapé” et de “valides” sont nécessaires,  autant par ce qu’elles révèlent que par ce qu’elles occultent.

Il est par ailleurs possible de les modulé, de les aménager, de jouer de leur interaction et de leur porosité en fonction de nos engagements, de nos capacités et de nos réalités individuelles et collectives.

J’ai donc pris conscience du flou relatif de la notion de “valide” et de ”handicapé”. C’est pourquoi j’ai pris alors l’habitude de parler de personnes “dites” valides pour qualifier cette catégorie ; je rejoins donc volontiers les réflexions de Vincent Assante qui propose le terme de personnes “dites” handicapées.

Ceci permet de dégager une remarque clé “le handicap n’est pas synonyme d’incapacité globale”, il permet de mettre en valeur des capacités communes , mais aussi des capacités singulières.

Ces capacités doivent être développées et accompagnées. Les personnes en situation de handicap ont des savoirs sociétaux et techniques qui peuvent mener à des innovations.

Celles ci s’appliquent à la fois à des besoins de bases mais aussi à des techniques et technologies plus complexes, notamment dans le champ du numérique.

Dans ce cadre, les savoirs dont je parle ne sont aujourd’hui bien souvent exploités que par accident.

Il me semble essentiel de développer dans l’esprit des travaux de Armatya Sen, une méthodologie nous permettant de mettre en évidence de façon systématique les savoirs en question. En ce sens, les travaux de Patrick Fougeyrollas nous proposent des pistes de réflexions. Ce capital humain est encore trop peu exploré et valorisé.

C’est pourquoi, je défends fermement l’idée que l’accompagnement du handicap par les institutions et les particuliers ne doit plus être conçu comme une charge, mais bien comme un investissement pour l’avenir.

Les personnes en situation de handicap représentent un capital humain en constante évolution, qui se révèle de plus en plus en raison de leur accès grandissant à la visibilité dans tous les secteurs de la vie sociale.

Ce point de vue apparaît d’autant plus important que la société connaît de grandes mutations qui font évoluer les besoins en compétences dans tous les aspects de la vie.

Certains, comme l’économiste Pierre-Noël Giraud dans son livre “L’homme inutile”, soutiennent que nombre de personnes “dites” valides tombent aujourd’hui, ou vont tomber demain, dans ce qu’il appelle des trappes d’inutilité.

Je crois qu’il faut prendre très au sérieux cette notion  d’ « Homme Inutile » et les implications sociales pour les personnes « dites handicapées ».

Il nous faut donc prendre conscience des considérables évolutions des conditions d’emploi au cours des prochaines décennies qui vont accompagner des mutations sociétales majeures, associées aux transitions écologiques.

La crise de la COVID vient accroître la nécessité de repenser les conditions de la contribution possible du capital humain que représentent les personnes en situation de handicap.

Les entreprises sont obligées de revoir en profondeur leurs modes de fonctionnement et la notion de raison d’être doit être prise pleinement en considération.

Un nouveau dialogue doit s’instaurer avec toute la société civile.

Le handicap n’est plus seulement une affaire de politiques publiques mais doit être porté par tous les acteurs, qui doivent inventer ou réinventer ensemble des moyens de contribution à la fois des personnes dites valides et des personnes en situation de handicap ou dites handicapées.

Cette démarche permet de repenser les termes de la co-construction d’une société réellement inclusive, notamment par la mise en évidence de la porosité des catégories de “handicapés” et de “valides”.

Les territoires sont sans doute la bonne échelle pour expérimenter les termes de ce nouveau paradigme socio-économique.

Mais il implique un bouleversement de nos modes d’action, notamment publics. De plus ils sont confrontés aux implications et conséquences de leur transition écologique. Le monde du handicap s’implique-t-il dans ce mouvement ? Comment ?

 

J’ai la conviction que les grandes mutations, la crise sanitaire que nous connaissons et les travaux qui s’engagent sur la cinquième Branche vont nous amener à revisiter fortement, dans le temps long, les équilibres socio-économiques qui structurent actuellement le monde du handicap.

Mais tout ceci va susciter aussi le besoin de réinterroger l’éthique du handicap, et de ses relations avec l’éthique concernant la vieillesse, la santé, la pauvreté, la vulnérabilité …

Je pense que nous serons amenés à travailler ces sujets, plus que jamais au niveau européen et international, dans une perspective multi-culturelle. Je veux m’engager pleinement dans cette action aux cotés de Jean-Luc Simon.

Pour toutes ces raisons, je crois que les travaux du CNCPH doivent être associés à ceux de prospective du Conseil économique Social Environnemental et de l’ensemble des CESER en régions, et peut être demain au Haut Commissariat au Plan, dans une volonté de réflexion dans le temps long.

Une telle association et une telle temporalité seraient propices à une démarche de recherche dans laquelle je commence à m’engager avec d’autres personnes “dites” handicapées et “dites” valides.

J’ai dans cette optique rejoint le réseau de recherche H2I Handicap Innovation inclusive,  réseau transversal composé de chercheuses et chercheurs universitaires dans diverses disciplines.

 

C’est en partant de ces nouveaux paradigmes que je souhaite développer une méthodologie de travail pour le Conseil pour les questions sémantiques, sociologiques et éthiques (CQSSE). J’ai à cœur de susciter et de débattre de visions de l’avenir, confrontées aux réalités que nous vivons aujourd’hui.

C’est pour cela que j’ai besoin de votre savoir, de votre expérience et de la richesse de nos débats, pour que le Conseil puissent s’associer efficacement aux travaux considérables engagés dans les commissions. 

 

Merci beaucoup.

Philippe AUBERT

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