mon premier livre, Rage d\u2019exister<\/a>, dans lequel j\u2019\u00e9voque mon combat, notamment\u00a0 vis-\u00e0-vis de l\u2019Education\u00a0 Nationale qui a tent\u00e9 un moment de me dissuader de poursuivre mon parcours scolaire vers l\u2019enseignement sup\u00e9rieur.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nJ\u2019y mets \u00e9galement en perspective les nombreuses difficult\u00e9s, sociales, et culturelles, que nous vivons, ainsi que les rapports, souvent humiliants avec les normes sociales ambiantes.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nJ\u2019ai forg\u00e9 le couple de termes \u00ab\u00a0handification et validification\u00a0\u00bb pour rendre compte de l\u2019extr\u00eame tension entre injonctions contradictoires, \u00e0 travers lesquelles nous nous construisons, nous les personnes en situation de handicap.\u00a0<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nMa probl\u00e9matique aujourd\u2019hui est d\u2019associer mon rapport progressif au handicap et mon exp\u00e9rience de vie, de mon enfance \u00e0 maintenant, avec les grandes transformations de la soci\u00e9t\u00e9. Un rapport, ni spontan\u00e9, ni simple !<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nJe vais vous expliquer les moments-cl\u00e9s des relations entretenues progressivement\u00a0 avec l\u2019informatique et le num\u00e9rique, en fonction des \u00e9tapes de ma vie, de fa\u00e7on\u00a0 \u00e0 pouvoir formuler\u00a0 les questions que je me pose actuellement.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nJ\u2019ai d\u00fb me battre pour faire reconna\u00eetre mon intelligence, et plus encore son int\u00e9r\u00eat et son utilit\u00e9, notamment contre les canons de l\u2019Education Nationale, d\u2019ailleurs, \u00e0 l\u2019\u00e9poque, tr\u00e8s peu informatis\u00e9e.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nOn m\u2019a propos\u00e9 tr\u00e8s peu de choses sur ce chapitre, tout au long de ma scolarit\u00e9.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nJ\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 m\u2019exprimer par le langage spontan\u00e9 des signes.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nD\u00e8s ma plus tendre enfance, mes proches ont vu dans mes yeux p\u00e9tillants que j’avais un grand d\u00e9sir d’entrer\u00a0en relation avec les autres, une envie insatiable d’exprimer mes \u00e9motions et d\u2019affirmer ce que je voulais, et\u00a0 une volont\u00e9 farouche de communiquer.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nJ’ai essay\u00e9 divers syst\u00e8mes de communication, qui en \u00e9taient, \u00e0\u00a0 l\u2019\u00e9poque, dans les ann\u00e9es 80, aux premiers balbutiements.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nA l\u2019\u00e2ge de 3 ans, dans mon premier centre, les professionnels, d\u00e9j\u00e0 amadou\u00e9s par les mimiques de mon\u00a0 visage,\u00a0 ont essay\u00e9 de me faire pratiquer la machine “Carba”.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nL\u2019objectif p\u00e9dagogique du Carba \u00e9tait de placer dans des cases des objets ou des lettres sur lesquels je devais cliquer pour montrer que je pouvais les reconna\u00eetre. Les objets changeaient r\u00e9guli\u00e8rement, afin de renforcer la m\u00e9moire.\u00a0<\/span><\/p>\n\u00a0\u00a0 \u00a0 \u00a0 \u00a0 Au fur et \u00e0 mesure, les lettres pouvaient devenir des mots ; j\u2019aimais, et cela me faisait progresser !<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\n\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0<\/span>C’\u00e9tait aussi le temps des tous premiers ordinateurs sp\u00e9cialis\u00e9s. Je m’exer\u00e7ais avec diff\u00e9rents styles de licorne, ou de\u00a0 contacteurs plac\u00e9s sur diverses parties du corps (t\u00eate, genou\u2026).<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nUne licorne, en plus d\u2019\u00eatre l\u2019animal mythique et majestueux, est un syst\u00e8me de casque mis sur ma t\u00eate qui me permettait de pointer des objets, des lettres sur un tableau, plac\u00e9 en face de moi directement sur mon fauteuil.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nEn parall\u00e8le, j’ai un peu utilis\u00e9 les symboles du syst\u00e8me “Bliss”, mais cela ne me satisfaisait pas vraiment.<\/span><\/p>\nC’\u00e9tait trop simpliste, et je trouvais que je ne pouvais pas exprimer toutes mes id\u00e9es et \u00e9motions.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nD\u00e8s l’\u00e2ge de 6 ans, j’ai commenc\u00e9 \u00e0 d\u00e9velopper moi-m\u00eame, une m\u00e9thode pour calculer et anticiper les jours, les dates, et\u00a0 le fonctionnement du calendrier.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nMa m\u00e9thode s\u2019est minutieusement affin\u00e9e, au fil du temps. Cela para\u00eet insignifiant, mais ainsi, j’ai su m’organiser, anticiper, en un mot, m’autonomiser !<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nJ’avais un objectif, celui de pr\u00e9voir le maximum de choses, compte tenu de mon\u00a0 enti\u00e8re d\u00e9pendance aux autres !\u00a0\u00a0<\/span><\/p>\nCela me rassurait, et me donnait l’impression d’\u00eatre acteur de mon temps, sans quoi, je d\u00e9primais.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nJe comprends aujourd\u2019hui que je me construisais ainsi une sorte de b\u00e9quille intellectuelle qui me permettait de compenser \u00e0 l\u2019\u00e9poque, peut-\u00eatre, un manque d\u2019outils.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nDepuis, mon agenda est \u00e9videmment num\u00e9rique. Cela fascine souvent mon entourage de voir avec quelle attention m\u00e9ticuleuse je tiens \u00e0 jour mon agenda, maintenant num\u00e9ris\u00e9.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nSuite \u00e0 ces diverses m\u00e9thodes d’apprentissage, m\u00eame si je n’ai jamais prononc\u00e9 un mot, ni \u00e9crit un mot de mes propres mains, j’ai quand m\u00eame r\u00e9ussi \u00e0 visualiser les formes des lettres et \u00e0 construire des mots, des\u00a0 phrases…\u00a0<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nEt mon principal moyen d\u2019expression est devenu l\u2019\u00e9pellation, lettre par lettre.\u00a0On me dicte d\u2019une certaine fa\u00e7on l\u2019alphabet et je r\u00e9ponds par des mouvements de ma t\u00eate et des yeux oui ou non. Je l\u2019ai invent\u00e9 avec ma famille.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nMais, au fait, quand ai-je vraiment\u00a0 rencontr\u00e9 le num\u00e9rique ?<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nUne question majeure dans ma relation avec l\u2019informatique est celle de l\u2019interface.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\n\u00c9tant limit\u00e9 dans mes capacit\u00e9s d\u2019action physique, l\u2019interface qui m\u2019est propos\u00e9e est une condition majeure de mes possibilit\u00e9s d\u2019acc\u00e8s \u00e0 l\u2019ordinateur.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nMes premiers pas avec le num\u00e9rique, vers mes sept \u00e0 huit ans, je les ai faits avec HECTOR, un ordinateur avec un logiciel de synth\u00e8se vocale et une petite imprimante int\u00e9gr\u00e9e.. Je le commandais avec ma t\u00eate.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nL\u2019avantage principal \u00e9tait que je pouvais communiquer de fa\u00e7on autonome. L\u2019inconv\u00e9nient premier \u00e9tait l\u2019accent suisse du logiciel, qui me troublait.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nMoi qui raffole du chocolat et de la fondue suisses, j\u2019aurais quand m\u00eame pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 avoir une voix sans accent suisse\u00a0!<\/span><\/p>\nAutres inconv\u00e9nients majeurs : le fait d\u2019avoir un interface suppl\u00e9mentaire entre moi et mon interlocuteur, ainsi que la grande frustration d\u2019un syst\u00e8me trop lent par rapport \u00e0 ma pens\u00e9e !<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\nPendant, toute ma scolarit\u00e9 secondaire. Rien\u00a0! Aucune proposition d\u2019informatique et de num\u00e9rique. Rien\u00a0!<\/span><\/p>\nJ\u2019ai bien fait quelques tentatives personnelles, mais trop difficiles d\u2019utilisation pour moi et mes accompagnateurs.<\/span><\/p>\n\u00a0<\/span><\/p>\n