Non classé – Rage d'exister https://ragedexister.com Vivre pleinement au-delà du handicap Tue, 04 Jul 2023 14:05:47 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.5.15 Lancement de l’Association des Anciennes, Anciens, des Amies et Amis de l’EREA Toulouse Lautrec le 30 juin 2023 https://ragedexister.com/lancement-de-lassociation-des-anciennes-anciens-des-amies-et-amis-de-lerea-toulouse-lautrec-le-30-juin-2023/ Tue, 04 Jul 2023 15:00:02 +0000 https://ragedexister.com/?p=786 Lancement de l’Association des Anciennes, Anciens, des Amies et Amis de l’EREA Toulouse Lautrec le 30 juin 2023 Lire la suite »

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Vaucresson, le 30 juin 2023

Dans le cadre du lancement de l’Association des Anciennes, des Anciens et des Amies, des amis de l’établissement régional d’enseignement adapté, voici la vidéo de ce qui s’est vécu et dit vendredi 30 juin 2023 dans les locaux de l’EREA Toulouse-Lautrec.

Si le lieu est maintenant connu par la série éponyme de TF1, il est surtout un établissement réel basé à Vaucresson (Ile-de-France) depuis 1980.

Ce sont des centaines, des milliers d’élèves, de parents, de familles, de proches, d’aidants et de professionnels éducatifs, administratifs, liés au Centre de Soins et de Rééducation (CSR) qui se sont succédés dans ses locaux.

Une mixité dont le lieu peut être fier, et qui marque une philosophie pragmatique que l’Association des Anciennes, des anciens et amies, amis de l’EREA souhaite témoigner.

Cette vidéo n’est pas le reflet exhaustif de toutes les expériences vécues depuis 1980, mais vient manifester combien chaque personne qui a franchi les portes de l’établissement en est ressortie différente, transformée et a transformé les autres à son tour.

J’ai vécu douze années comme élève de l’EREA Toulouse-Lautrec.

Il me tenait à coeur de longue date de pouvoir réunir l’ensemble des personnes, toutes générations et toutes professions confondues, autour de l’expérience en commun d’avoir “fait Toulouse-Lautrec” dans nos vies !

Je remercie chaleureusement M. Jean-François Gesbert, Proviseur de l’EREA Toulouse-Lautrec, ainsi que les personnels qui ont permis d’accueillir cette première réunion, dans les conditions que l’on connaît.

Merci également à Yahia Bouchouicha, Président des PEP 92, qui gère le Centre de Soins et de Rééducation (CSR) de l’EREA Toulouse-Lautrec, ainsi que Mme Dominique GILLOT, administratrice de la Fédération Générale des PEP pour leur présence et leurs mots d’encouragements chaleureux.

J’associe les membres du Lions Club Saint-Cloud – Garches – Vaucresson pour leur présence à nos côtés. Ils manifestent l’engagement citoyen et l’ouverture sur le territoire local, en même temps qu’un formidable relais dans la société pour nos futures actions.

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#EREA #EREAToulouseLautrec #ToulouseLautrec #association #PhilippeAubert #RageDexister

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Colloque Traduction 2020 à Cerisy par Philippe Aubert https://ragedexister.com/colloque-traduction-2020-a-cerisy-par-philippe-aubert/ https://ragedexister.com/colloque-traduction-2020-a-cerisy-par-philippe-aubert/#comments Mon, 12 Oct 2020 15:58:36 +0000 https://ragedexister.com/?p=539 Colloque Traduction 2020 à Cerisy par Philippe Aubert Lire la suite »

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A Cerisy-la-Salle, le 4 août 2020,

Chers amis de CERISY bonjour,

 

Je suis ravi d’être à vos côtés aujourd’hui pour présenter mon point de vue sur le thème qui nous rassemble “Enjeux de la technologie pour les personnes en situation de handicap“, qui s’inscrit dans le thème plus général de “La traduction dans une société interculturelle”.

 

  • Comment la traduction s’inscrit-elle dans ma vie, personnelle, amicale, associative, festive, professionnelle ?
  • Que traduire et comment traduire mes pensées, mes émotions, mes désirs, … mes idées, mes projets, mes ambitions … mes déceptions, mes chagrins et mes frustrations ?
  • Comment la technologie, les technologies m’aident à traduire mes expériences de vie individuelles vers l’Autre avec un A  majuscule ? Comment cela fait-il sens collectif ? Comment cela apporte-t-il une contribution à la société ? Je me propose de vous donner quelques exemples, et en tirerai des points de vue, que j’espère pouvoir échanger avec vous à la suite.

 

Pour celles et ceux qui ne me connaissent pas complètement, je m’appelle Philippe AUBERT. J’ai 40 ans. Je suis sociologue de formation générale, et spécialisé dans les pratiques inclusives du handicap.

 

Je suis un habitué des lieux et particulièrement ravi d’être à vos côtés ici, dans le contexte si spécial que nous vivons. Je remercie d’ailleurs chaleureusement l’équipe de Cerisy, Edith HEURGON, sa Directrice, et l’ensemble du Conseil d’Administration du Centre International de Cerisy, ainsi que les organisateurs du colloque Traduction pour m’avoir invité aujourd’hui.

Je tiens également à remercier Jean-Pierre Aubert, mon père, Christophe CADIOU mon assistant et Noël KOUASSI mon auxiliaire qui ont également rendu possible ma pleine participation à ce colloque.

 

Je vis avec une paralysie cérébrale ou IMC de naissance. Je vous parle via une synthèse vocale que je commande par voie oculaire. Si besoin, je fais appel à un système d’épellation. Je vous en dirai plus ensuite.

Monsieur, vous êtes incompréhensible pour l’Administration !est une phrase qui m’a été formulée par un Délégué des Droits, sur le ton de l’humour. Toutefois, si on n’y prend pas garde, cette phrase est d’une violence sans nom et représente à voix haute ce que beaucoup pensent de moi tout bas, dans mon dos ou inconsciemment.

C’est aussi tout en synthèse comment j’articule ma vie !

 

En introduction de mon propos, j’aimerais convoquer quelques questions qui me semblent primordiales. Ensuite, je procéderai à un développement de mes idées à travers des exemples spécifiques et tenterai de formuler des enseignements universels. Je conclurai enfin par différents aspects qui je l’espère permettront de vifs échanges entre nous.

 

Pour démarrer, il me semble évident de vous évoquer que ma vie est une permanente traduction. Tout comme vous. Tout comme un chacun !

Si je reviens sur le sens latin et l’origine du mot traduire, “transducere”, il est composé des mots “trans” et “ducere” : soit conduire un passage.

C’est un processus. Une métamorphose !

Quel sens donner à ce processus ? D’où part ce passage ? A quoi conduit-il ? De quoi est-il l’origine et la résultante ?

 

La traduction touche tout le monde. L’interprétation dépend de comment l’humain, le technologique entrent en jeu. Et donc elle résonne en “je”.

Dans le sens où la traduction est la transmission de sens pour soi.

 

Depuis quarante ans, ma vie m’apprend à être toujours une traduction, à être dans une zone d’inconnu. A me laisser guider par les expériences, à en tirer des leçons, à faire confiance, à me faire confiance, à vivre une tension permanente entre anticipation et extrapolation.

Du point de vue du grec, je suis un barbare. Mon langage est forcément du barbarisme !

 

Ma façon de communiquer, d’être traduit est compliquée. Elle a besoin d’entrer en résonance avec les autres, de passer par le prisme d’un acteur-réseau que je développe autour de moi, composé d’outils technologiques et de personnes humaines.

Comme évoqué dans le livre « A la recherche de Stephen Hawking » par Hélène MIALET, paru en 2014, mon ordinateur me permet d’accéder à un statut d’acteur réseau, plus large que ma simple personne. Cela décuple mes capacités à entrer en communication et résonnance avec le monde extérieur. Je véhicule ainsi mieux mes pensées et idées à mes proches, famille, amis et contacts professionnels.

Quels sont donc les outils que j’utilise ? Et dans quelles conditions ?

Pour vous faire entrer dans mon univers personnel et professionnel, il me semble pertinent de vous évoquer mes outils de traduction.

Plus récemment, le confinement que nous avons toutes et tous vécu collectivement a été pour moi l’occasion d’expérimenter encore plus fortement l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication, notamment Skype, WhatsApp, Zoom, Discord.

L’avantage de ces outils numériques est que je suis en capacité d’y accéder tout seul, en autonomie depuis mon ordinateur.

Je peux également répondre par moi-même à la réception et l’envoi de SMS ou de mails. Cela me prend plus de temps que pour la majorité des personnes, mais je ne fais quasiment aucune faute d’orthographe. Chaque lettre ou expression me coûtant un effort de concentration !

 

Je suis en pleine capacité de pouvoir ouvrir et lire des pièces jointes, photos ou textes PDF, tout comme surfer sur internet.

 

Récemment, avec l’aide de mes assistants que je remercie chaleureusement au passage, j’ai élargi mon champ de connaissances via des suggestions de vidéos Youtube sur différentes thématiques. Ceci constitue évidemment une avancée dans mon quotidien, très rythmé par les sollicitations de colloques, conférences, ateliers de formation en entreprises ou enseignements dont je vais être chargé à la rentrée, et donc autour de toutes les questions sociétales (environnement, éducation, scolarité, emploi, citoyenneté, territoires, entre autres). Je reste connecté à l’environnement contemporain. Via ces propositions audiovisuelles récentes, j’actualise parfois quelques lacunes de culture générale, moi qui me suis spécialisé en sociologie notamment.

Sur une autre forme de traduction qui m’est chère, je vous ai évoqué l’épellation. J’utilise ce système depuis trente-cinq ans, depuis que j’ai appris à lire et écrire. Cela a vraiment changé ma perception du monde et par le monde.

Je remarque qu’au fur et à mesure des années que de plus en plus de personnes osent s’approcher de moi, me parler simplement, interagir avec moi avec ce système, que je préfère sur l’utilisation de machines ou ordinateurs, car j’y vois mieux la détermination et l’humanité de toute personne qui veut engager une discussion avec moi, les yeux dans les yeux ! Ces évolutions de perception traduisent selon moi une porosité de la société aux questions d’inclusion des personnes en situation de handicap, et de moi en particulier.

Tout comme le Petit Prince, je crois que l’on s’apprivoise !

L’épellation me contraint d’avoir recours à une personne qui peut vocaliser les voyelles, consonnes et nombres, afin de constituer les mots graduellement, lettre par lettre. Cela requiert une concentration mutuelle et une écoute maximale. J’ai une grande complicité avec mes auxiliaires de vie, mes assistants personnels, mon équipe, mes amis et évidemment ma famille. Cela traduit plus largement entre nous une confiance, un respect.

Il est essentiel de comprendre que nous sommes vigilants à ce que cela soit vraiment ce que je veux dire qui est formulé à l’oral, et pas ce que la personne qui traduit ma pensée veut dire à ma place !

Selon moi, traduire équivaut à comprendre ce que je suis au plus profond. Ca n’est pas seulement verbaliser mes idées en mots, mais également saisir le contexte social et intellectuel avec lequel je m’exprime. C’est finalement se glisser dans ma façon de penser sans l’altérer ; au contraire pour la valoriser de la façon généralement acceptée par la société, par la norme.

Sans mon handicap de parole, j’estime que je pourrais de facto être plus inclus, intégré dans la société.

 

Me traduire revient à embrasser pleinement tout mon historique de communication et mon mode de pensée. Quand je m’exprime, je convoque des souvenirs du passé parfois lointain, tout autant que ce que je vis au présent. La temporalité est une donnée essentielle à saisir.

Prenons quelques exemples concrets si vous voulez bien !

Sous prétexte que je ne peux pas vocaliser seul, très souvent on se tourne vers la personne qui m’accompagne pour lui demander à la troisième personne “Est-ce qu’il comprend ? Est-ce qu’il entend ?” en parlant de moi en ma présence. Comme si j’étais soit invisible, soit ignorant, soit sourd, aveugle ou muet. Ce qui est loin d’être le cas ! Il suffit de me faire rire pour m’entendre. Et je vous rassure, mes lunettes ne sont pas là juste pour décorer mon nez.

 

Un autre exemple flagrant de difficulté de traduction est qu’il existe une typologie de personnes qui, pensant bien faire pour s’adresser à moi, vont épeler chaque mot de leurs propres discours dès lors qu’elles vont me parler. Ce qui non seulement est très difficile pour moi à comprendre sur la forme, mais, évidemment, couplé à une articulation exagérée de chaque lettre me rend la communication impossible. Et encore heureusement que je n’ai pas un accent particulier quand je m’exprime. Sinon, il y a un risque, en effet miroir, que l’on se mette à me parler avec un accent spécial !

Le problème souterrain est évidemment le manque de personnes en situation de handicap dans le quotidien immédiat ou même lointain de ces personnes-là. Sinon, évidemment elles auraient le réflexe de me parler normalement entre guillemets.

Et je ne désigne pas forcément une catégorie de gens non éduquée, non instruite. C’est très largement répandu dans toutes les couches de la société.

 

Parfois, je ressens même la frustration de plusieurs personnes qui se sentent désemparées de ne pas savoir comment s’adresser à moi, étant donné que je ne peux pas répondre moi-même directement à l’oral de la même façon.

 

Ce que j’en retire comme enseignements, c’est une école de la patience. De la nécessité d’avoir ou prendre le temps de se comprendre, d’apprendre des façons de faire, de voir et entendre différentes, de ralentir le rythme ou l’accélérer. Et plus largement de faire avancer la société vers une compréhension mutuelle, globale où leurs fragilités de me parler viennent rencontrer les miennes, les nôtres ! Et inventer ainsi un langage commun, basé sur l’échange, la compréhension, le respect.

 

A nouveau comme exemple flagrant de ce que recouvre pour moi la traduction comme conduire un passage, j’aimerais vous emmener dans un voyage dans le temps.

 

A l’époque de mes trois ans. J’ai le souvenir profond de la musique du film « Jeux interdits » que vous devez bien connaître également.

Elle était utilisée comme berceuse pour nous calmer et nous endormir, à l’internat pour bébés au sein duquel j’ai résidé quelques temps, lors de la grossesse de ma petite sœur dans le ventre de ma mère en 1982.

Mais c’est très récemment que j’ai ressenti un écho avec ma vie actuelle.

Et ma compréhension sur moi-même et ma propre vie s’est élargie ainsi, puisque j’y vois l’idée que la musique sans mots m’a amené à un passage d’émotions et un désir de communication, à une période de ma vie où j’étais déjà sans lecture ni parole.

Cela a été ma première perception du Monde extérieur.

Je me suis approprié la musique comme outil pour organiser ma réflexion !

Et de fait, je peux convoquer cet outil des décennies plus tard pour accéder à des souvenirs passés dans un présent immédiat !

 

Plusieurs années plus tard, j’ai déjà raconté cette anecdote sur ma rencontre avec un jeune homme prénommé Sylvain, qui est devenu un ami, un compagnon de chambre. Notamment parce que Sylvain, âgé de trois ans de plus que moi, partageait le fait de ne pas verbaliser.

Pourtant, uniquement sur la base d’une communication visuelle entre ses yeux et mes yeux, nous pouvions déclencher de nombreux fou-rires sonores, lorsque nous mimions le fait de balancer une auxiliaire de vie que nous n’aimions pas, par-dessus la barrière.

Une autre fois, Sylvain avait été mon seul point de repère une nuit où, tombé de mon lit, je n’avais pas pu prévenir le personnel, et lui non plus forcément. Ces heures passées, j’en ai fait l’histoire de ma première rédaction écrite, à l’école. Près de sept ans plus tard, à coups de renforts de détails si vivaces que l’on aurait cru que l’aventure s’était produite plus récemment.

De fait, je suis devenu à mon tour traducteur !

Puisque j’ai traduit avec mon ami Sylvain le sentiment d’une personne qui ne savait ni lire, ni écrire, ni parler, pour offrir une vision de notre monde intérieur et complice à l’ensemble du Monde.

 

Après l’effort de traduction de l’enfance, de l’alchimie amicale, sans les mots, j’ai appris les premiers mots.

Très souvent, les parents et éducateurs, enseignants qui entourent les enfants s’émerveillent des premiers mots prononcés par les enfants. Je n’ai évidemment pas pu passer ce rite de passage collectif. Toutefois, je me souviens des premiers mots auxquels je suis venu coller une réalité et qui ont résonné en moi.

 

Ensuite, l’apprentissage de l’alphabet, de la langue française, des nombres et chiffres ont conduit à la sophistication de ma pensée.

Le processus d’apprivoisement du numérique pour moi a été un long chemin pavé de patience, de précaution de ma part, de la pleine participation de passeurs de traduction pour moi : aujourd’hui Sylvain Valois et Christophe Cadiou comme secrétaires, précédemment Isabelle GUILLOT qui a été vigilante pour les différentes étapes à respecter afin de me faire accepter la technologie dans mes usages.

L’adage italien dit “Traduttore, tradutire” : “Traduire, c’est trahir ! ”

 

J’ai souvent eu le sentiment d’être trompé par de la mauvaise traduction de mes propos. Par la possibilité d’être incompris, mal compris, compris de travers, partiellement ou à l’inverse de mes propos. Que mes propos soient déformés, interprétés dans un sens qui arrangerait mes interlocuteurs, et que je ne puisse pas répondre du tac au tac pour rétablir la vérité !

 

Comment accepter la traduction de mon propre livre alors que le titre même de “Rage d’exister” a été modifié, adapté parce que l’expression exacte n’existe pas dans la langue espagnole. Et qu’ainsi il envisage une autre réalité que celle que je veux dire, moi, l’auteur !

 

Aujourd’hui, je peux analyser et vous parler de mon parcours et de mon apprentissage progressif de mes modes de communication alternatifs, pour nouer des relations avec les autres, et pour essayer d’avoir une vie la plus ordinaire possible.

Je suis très intéressé par l’approche multimodale car je suis bien conscient qu’un seul mode de communication ne me suffit pas à pallier toutes les situations.

Tous ces moyens de communication me permettent d’entrer en relation avec d’autres personnes et d’avoir de plus en plus de projets.

Tous ces projets constituent ce qui fait que ma vie est belle déjà, et j’aimerais la rendre meilleure.

J’ai plusieurs moyens de communication que je choisis en fonction des personnes et des circonstances : l’épellation, la licorne avec un tableau de lettres, la commande oculaire Tobii Dynavox.

 

Le premier est l’épellation : on m’égrène l’alphabet d’une certaine manière, et je sursaute lorsqu’on arrive sur la bonne lettre. Au fur et à mesure, on forme des mots, des phrases.

J’utilise ce mode de communication avec la plupart de mes interlocuteurs. Ils ont besoin d’un temps d’apprentissage plus ou moins long selon leur degré d’abstraction. La plupart de mes proches et de mes amis le pratiquent aisément. L’avantage de l’épellation, c’est que je peux l’utiliser dans toutes les situations (lit, douche, toilettes, repas, et caetera).

Le deuxième système de communication, que j’utilisais parfois, est une “licorne“, c’est-à-dire un casque doté d’une tige avec laquelle je montre les lettres sur une tablette placée devant moi, fixée sur mon fauteuil.

Je préfère utiliser ce mode de communication lorsque je n’ai pas mon PC Eye, et que je suis avec des personnes qui ne me connaissent pas, en séjour de vacances par exemple.

Cela me frustre moins car mes interlocuteurs, souvent novices, perdent moins le fil de la phrase et de ma pensée.

J’ai alors l’impression de parler à la même vitesse que les autres.

 

Depuis près de deux ans, j’utilise aussi une commande oculaire sur mon PC.

C’est la première fois que j’ai un outil qui ne me frustre pas ou quasiment pas. Avec cet outil, je peux envoyer ou répondre moi-même à mes SMS et à mes mails en toute autonomie.

Je peux écrire des textes. Je fais régulièrement des conférences, je prépare en amont ce que je veux dire.

En réunion avec plusieurs personnes, je peux intervenir dans la discussion, faire des remarques et faire des suggestions. Maintenant, grâce à cet outil qui ne demande pas une installation trop stigmatisante, je me sens vraiment acteur dans un groupe même si nous devons rester vigilants à ce que les autres personnes comprennent qu’il faut me donner la parole, et que je peux parfois être en décalage avec le sujet de la conversation.

Je peux utiliser le logiciel comme synthèse vocale, fixer des RDV et effectuer des entretiens sans passer par un tiers qui me traduit.

J’ai beaucoup moins peur de rester tout seul dans mon appartement un petit moment, vu que je peux interagir avec des personnes extérieures en envoyant des SMS par exemple.

Je peux vous avouer que ce logiciel m’a littéralement changé la vie et m’ouvre des perspectives que je ne soupçonnais pas, et me donne toujours plus envie d’aller de l’avant.

Par ailleurs, je suis convaincu qu’un seul système de communication ne suffit pas. C’est plutôt la conjugaison de plusieurs moyens de communication qui nous permettra, non pas de vivre comme nous l’assigne le système, mais d’exister pleinement dans la société.

 

Dès ma plus tendre enfance, mes proches ont vu dans mes yeux pétillants que j’avais un grand désir d’entrer en relation avec les autres, une envie insatiable d’exprimer mes émotions et d’affirmer ce que je voulais, et une volonté farouche de communiquer.

J’ai essayé beaucoup de systèmes de communication, c’étaient les premiers balbutiements de ces moyens alternatifs.

A l’âge de 3 ans, dans mon premier centre, les professionnels, déjà amadoués par mes mimiques du visage, ont essayé plusieurs systèmes de communication, comme la machine “Carba”.

A 5 ans, au début des années 80, quand je suis arrivé dans un nouveau centre, j’ai un peu continué avec le Carba.

   

C’était le temps des premiers ordinateurs spécialisés. Je m’exerçais avec différents styles de licorne ou de contacteurs placés sur diverses parties du corps (tête, genou…).

En parallèle, j’ai un peu utilisé les symboles du système “Bliss”, mais cela ne me satisfaisait pas vraiment.

C’était trop simpliste, et je trouvais que je ne pouvais pas exprimer toutes mes idées et   émotions.

Les professionnels qui étaient les plus proches de moi, ma kinésithérapeute et mon ergothérapeute, arrivaient à deviner des histoires très complexes que je voulais raconter, uniquement grâce à mes regards et à mes mimiques, et en me posant des questions fermées (oui-non).

De plus, depuis tout petit, j’adorais regarder les calendriers, les agendas, pour analyser scrupuleusement, quel jour allait tomber, telle ou telle date.

Très jeune, j’ai eu la volonté de comprendre comment le calendrier fonctionnait, cela m’a permis de trouver des stratégies pour maîtriser celui-ci, dans ma tête.

Dès l’âge de 6 ans, j’ai commencé à développer moi-même, une méthode pour calculer les jours, les dates, et le fonctionnement du calendrier. Elle s’est minutieusement affinée, au fil du temps.

Cela paraît insignifiant, mais ainsi, j’ai su m’organiser, anticiper les bons coups, comme les mauvais.

En un mot, m’autonomiser ! J’avais un objectif, celui de prévoir le maximum de choses, compte tenu de mon entière dépendance aux autres !

Cela me rassurait, et me donnait l’impression d’être acteur de mon temps, sans quoi, je déprimais.

En classe de CP, j’aimais bien apprendre avec mon institutrice toujours habillée d’une blouse blanche. Grâce aux images de lettres qu’elle avait collées sur les murs de la classe, j’ai vite appris à lire et à écrire.

Il y a un exercice que j’adorais. C’était le “Lexidata”. Il y a une console de jeu à douze branches avec une panoplie de fiches d’exercices sur toutes les matières (expression écrite, vocabulaire, mathématiques…).

Mon institutrice et mon ergothérapeute m’ont confectionné un “épellateur” que je commandais avec un gros contacteur, avec lequel je faisais mes exercices scolaires.

Une fois par semaine, deux ergothérapeutes venaient nous faire faire du graphisme. Cela consistait, en nous tenant la main, soit à faire repasser sur des pointillés les formes des lettres, soit simplement écrire les lettres de l’alphabet sur quatre lignes parallèles déjà établies préalablement.

Sur une pancarte collée au mur, il y avait un chien dans une niche, et pour écrire par exemple un “j” : il fallait faire un “nez”, une “patte” suivie d’une “gamelle”, puis un “nez”, et un “oeil” sur le “j”. C’était la méthode du “petit chien” de Josiane JEANNOT.

Parallèlement à ce que j’apprenais en classe, en orthophonie, on me lisait des petits livres, comme par exemple la collection “J’aime lire” dont un livre m’a beaucoup marqué : “Une nuit dans un grand magasin“.

De mémoire, c’est l’histoire d’un petit garçon qui était resté seul toute une nuit dans un grand magasin.

C’était la première fois que je me suis vraiment approprié la scène de l’histoire, bien qu’elle me soit lue.

Deux autres livres m’ont marqués : “La sorcière de la rue Mouffetard” et “Le Prince de Motordu” où le personnage écorche tous les mots.

Suite à ces diverses méthodes d’apprentissage, même si je n’ai jamais prononcé un mot, ni écrit un mot de mes propres mains, j’ai quand même réussi à visualiser les formes des lettres, et à construire des mots, des phrases… Cela m’a permis de savoir écrire, avant de savoir lire.

Par la suite, les ergothérapeutes m’ont proposé d’essayer l’une des premières synthèses vocales alphabétiques, qui s’appelait “Hector”. J’allais pouvoir enfin m’exprimer de manière indépendante. J’en ai testé les deux modes (avec un balayage ou avec une licorne). On m’enregistrait des listes infinies de mots dont je devais retenir les codages.

Les trois secteurs qui me suivaient (éducatif, scolaire et ergothérapeutique) enrichissaient ces listes.

Cela m’a rapidement découragé, car j’avais l’impression que ce n’était pas très spontané. J’avais aussi un peu de lassitude et une très légère fainéantise, entremêlées des pannes d’Hector et des allers-retours incessants chez le fabricant.

Le week-end, chez mes parents, je ne l’utilisais pratiquement pas, ou bien, juste pour pouvoir dire le lundi matin au Centre que je l’avais utilisé, pour ne pas me faire trop engueuler par mes ergothérapeutes.

Mes parents avaient instauré un “cahier de liaison”, pour expliquer ce que j’avais fait pendant le week-end, et faciliter les échanges avec les professionnels.

En famille, dès le début, j’ai toujours privilégié d’abord les devinettes puis, très rapidement, l’épellation, dès que j’ai appris à lire et à écrire.

J’ai toujours aimé le contact humain direct. Passer par une machine me donnait l’impression de perdre en contact humain spontané, et en complicité.

Quand je suis arrivé en collège spécialisé, en ergothérapie notamment, j’ai utilisé avec ma licorne un clavier agrandi “Intellikeys”, par la suite un clavier virtuel avec prédiction Wivik avec une souris à balayage.

Je m’entraînais surtout chez moi le week-end. C’était le début d’Internet et des premiers mails. J’aimais bien envoyer des mails le week-end, par exemple à mon éducateur-référent, pour bien préparer la semaine suivante et pour lui faire part de toutes mes angoisses du moment.

Les surveillants et les éducateurs essayaient de me faire utiliser ces logiciels pendant les études du soir, mais d’abord la masse de travail que j’avais à rendre, les changements de salles et de personnel inopinés à mes côtés, et surtout les fausses croyances de certains surveillants dans mon utilisation de ces logiciels (ils croyaient que ces appareils étaient magiques et que j’allais pouvoir du jour au lendemain faire seul pratiquement tout) me rebutaient et ne me donnaient pas envie de les utiliser !

Aussi, au passage à l’université, j’ai fortement diminué mon utilisation des outils informatiques vu qu’au foyer, pratiquement personne ne savait pas m’installer correctement devant mon ordinateur. De plus, je ne savais pas bien comment faire tout seul ! Malheureusement, je faisais les cent pas toute la journée à attendre, je ne sais même pas quoi !

Car, même maintenant, j’ai toujours peur qu’on me taxe de fainéant en disant que je ne fais rien, que je ne sais rien faire !

Au-delà de répondre à mes SMS du quotidien ou à certains mails, cela me demande toujours un gros effort d’anticipation pour commencer ou continuer un travail de réflexion en construisant ma pensée.

Je peux le faire sur un laps de temps relativement court et en étant en relation avec une personne qui m’accompagne comme pour cette intervention, mais, si on me lâche dans le grand bain, je ne sais plus ce que je dois faire ni par quel bout commencer !

 

Au début des années 2010, à mon retour en université parisienne, mon ancien ergothérapeute m’a fait essayer l’une des premières commandes oculaires, mais cela n’a pas été très enthousiasmant, car je bougeais trop ma tête et n’arrivais pas à la garder immobile pour arriver à pointer sur une case.

De plus, c’était un gros ordinateur, je n’aurais pas pu le transporter n’importe où !

 

C’est vers 2015 que deux anciennes professionnelles m’ont parlé de la barrette PC Eye à commande oculaire Tobii Dynavox. Au début, j’étais très réticent comme toujours !

 

La communication ne se réduit pas à l’usage de moyens techniques, aussi sophistiqués soient-ils, mais est indissociable d’une relation à autrui.

 

J’aimerais vous parler d’une problématique qui me tient particulièrement à coeur : “la relation à l’autre” ; en l’occurrence la relation que les professionnels du handicap entretiennent avec les personnes accompagnées.

Ces relations peuvent être complexes, cela peut aller de la maltraitance au respect.

L’accompagnement est un équilibre fragile entre le professionnel et l’affectif.

 

Avoir été ballotté entre des éducateurs et des auxiliaires avec une éthique de la relation à l’autre, mais pour certains d’entre eux, animés par la seule perspective de percevoir un salaire à la fin du mois, a provoqué en moi un éclatement intime, ébranlant jusqu’à ma conception de la vie.

J’ai été porté au collège et au lycée par des éducateurs se faisant fort de m’aider à me construire et à bâtir mon devenir.

A l’extrême opposé, j’avais le sentiment les derniers temps, dans mon lieu de vie précédent, d’être torché par des éboueurs (pour certains professionnels). On me pardonnera cette expression crue et sans nuance, mais elle m’est nécessaire pour signifier à quel point ces relations m’affectent dans le plus profond de mon être.

Se contenter de me lever, me laver, me nourrir et me coucher équivaut à me considérer comme un objet et à me dénier mon statut d’homme.

 

L’humanité passe par l’établissement d’une relation.

La posture des professionnels à mon égard est donc cruciale.

J’aimerais ici parler de la notion de “distance professionnelle”.

 

Sur ce point, je me bats contre l’injonction de “distance professionnelle” que l’on assigne aux accompagnants, inculquée dès leurs études, censée prémunir de je ne sais quels attachements et transferts délétères.

Pour ma part, au lieu de parler de distance professionnelle, je parlerais davantage de respect dans la relation.

Il me paraît inconcevable, inhumain, qu’une intervention professionnelle se départisse d’une dimension relationnelle et affective.

Car c’est précisément cette relation basée sur le respect qui peut me redonner le rôle d’acteur de ma propre vie.

Qu’est-ce que j’appelle le respect ?

Pour moi, le respect, c’est cet acte empreint de bienveillance et de confiance qui préserve d’une relation trop envahissante, étouffante, que des professionnels pourraient être tentés d’établir avec les personnes qu’ils accompagnent.

Sous prétexte d’être son ami, on risque en effet de phagocyter l’autre, de ne pas lui laisser l’espace pour exister et s’exprimer, de savoir et dire à sa place ce qui est bon pour lui.

Mieux vaut cheminer à ses côtés avec humilité, en se donnant la liberté d’expérimenter des solutions.

Le respect, c’est aussi prendre soin de solliciter l’avis de la personne handicapée, y compris lorsqu’on connaît par cœur ses habitudes.

Partant d’un bon sentiment, la tentation est grande   de parler à sa place pour gagner du temps.

Mais, ce faisant, on ne l’habitue pas à exercer son autonomie, et on ne la prépare pas à des situations futures, dans lesquelles elle devra faire des choix, ou réaliser elle-même certains actes.

J’ai donc inventé le concept de “handification“.

Je voulais dire par là que la société nous enferme dans notre handicap. Comme dans certains foyers, où les dirigeants et les professionnels nous dictent ce que nous avons à faire et nous laissent dans notre coin !

Au contraire, on peut multiplier les petites astuces pour que la personne handicapée soit partie prenante de tout ce qui la concerne. Par exemple, lui expliquer le contenu du courrier que l’on glisse dans son sac à destination d’un autre professionnel.

Sa dépendance s’en trouve en quelque sorte amoindrie, puisqu’un droit de regard lui est accordé sur son quotidien.

Elle n’est pas pour autant assignée à une autonomie factice, et, dans les faits, éreintante.

En écho, j’en ai créé un concept, la “validification“, qui signifie que l’on ne tient pas compte de notre handicap ni de ses contraintes au quotidien.

Comme l’exemple que j’ai cité plus haut, où les surveillants croyaient que ces appareils étaient magiques et que j’allais pouvoir du jour au lendemain faire seul tous mes devoirs.

 

Pour résumer, je dirais “oui” pour le respect, et “non” pour la distance froide et inhumaine, car j’ai besoin d’un entourage de professionnels qui me poussent bien au-delà de mes capacités.

En définitive, je vous dirai que la traduction qui équivaut à l’accompagnement est un art, pour reprendre les termes de Marcel Nuss.

 

Nous, passionnés et professionnels de la traduction, nous sommes des artistes et des artisans, créatifs et inspirants qui nous aidons à bâtir un projet commun d’existence.

Grâce aux méthodes d’apprentissage que mes institutrices ont essayé à mes côtés, et grâce aux différents moyens de communication que mes rééducateurs m’ont permis d’expérimenter, je suis donc arrivé à m’exprimer, lire et écrire, communiquer avec les autres, sortir de mon isolement et faire des études.

Néanmoins, en plus de trente ans, comme j’ai connu de multiples manières de communiquer avec moi et surtout différentes façons de travailler, je dois trouver maintenant mes propres repères et procédés pour interagir de façon appropriée avec chacun de mes interlocuteurs, et apprendre à jongler pour utiliser le bon outil et surtout la bonne méthode de travail.

Si je navigue dans un contexte accueillant et respectueux, je me sens tout à fait capable de communiquer, d’interagir avec les autres et de prendre des responsabilités.

J’œuvre pour que la société soit la plus inclusive possible en faisant de nos handicaps, de nos fragilités, une force, un “booster”.

Tout ceci m’a permis d’inventer un slogan : “Osons la fraternité heureuse” entre nous, les personnes en situation de handicap et les personnes dites valides.

 

En citant Pierre DUHEM, « la traduction est ce qui permet de définir la distance entre la théorie et l’expérience. », j’aimerais maintenant faire état de différentes étapes de ma vie où l’interculturel a joué un rôle fort, central, et vous présenter mes analyses ensuite.

 

De 1991 à 1994, je me suis rendu régulièrement à Budapest. J’ai fait un constat étonnant : j’ai été très bien accueilli localement ; toutefois je n’ai jamais croisé d’autre personne en situation de handicap dans les espaces publics, les rues, que j’ai visités. D’ailleurs, les Hongrois s’étonnaient de voir que j’accompagnais mon père et voyageais avec lui ! De plus, nos discussions nous ont amenés à prendre conscience que nous ne pouvions pas voir de handicap ailleurs qu’au sein des institutions médico-sociales locales, ou autrement appelées « en milieu fermé ».

J’ai découvert Haïti lors de discussions avec Jackson, qui m’a accompagné durant plusieurs années sur le plan universitaire. Avec lui qui était origine de cette île, j’ai plongé dans le domaine de l’interculturel. Suite au séisme de 2010, nous avons monté une association ensemble et financé la construction de plusieurs écoles locales. Je ne me suis pas rendu sur place ; cependant, cette solidarité internationale m’a marquée.

Dans les mêmes années que le projet Haïti, je me suis formé au sein du programme de l’association INTERCORDIA. J’avais envie de donner, redonner ce que j’ai reçu. D’ailleurs, ça a beaucoup étonné les organisateurs qu’une personne comme moi entre guillemets veuille s’impliquer dans des projets où normalement j’aurais été un bénéficiaire !

 

Et quitte à participer entièrement, j’ai donc suivi une formation de deux semaines intensives pour être formé et pouvoir me rendre sur le terrain. Normalement, les missions des volontaires en solidarité internationale durent neuf mois consécutifs. Evidemment qu’au regard de mon handicap, et de la nécessité d’un accompagnement, une telle durée était inenvisageable. Du coup, un accord a été trouvé : partir deux semaines à chaque fois sur deux destinations.

Je me suis donc rendu en voyage touristique avec des aspects humanitaires, mais pas en mission humanitaire en Chine, où mon amie Isabelle allait régulièrement travailler dans des centres d’accueil d’enfants en situation de handicaps. Elle voulait organiser un voyage autour des jeux paralympiques de Pékin. En proposant à trois personnes en situation de handicap de faire partie du groupe de sept, au total incluant les quatre accompagnateurs.

Les enfants étaient recueillis dans des centres d’accueil qui étaient plus proches d’orphelinats, tels que la France en comptait au dix-neuvième siècle. Peu avant mes 30 ans, je prenais alors conscience de ma chance d’être né en France, et des difficultés locales de ces enfants qui devaient très jeunes apprendre à survivre sans alternative, ni avenir professionnel. Il faut se rappeler qu’en Chine, le handicap est perçu comme une malédiction familiale et sociale. D’autant plus avec la politique de l’enfant unique !

Pour mon deuxième séjour, là encore, quitte à partir, autant le faire loin : j’ai donc choisi de me rendre au Brésil. J’ai été accueilli par l’association IBDD, basée à Rio. Association qui essayait de promouvoir l’intégration des personnes en situation de handicap au sein de la société brésilienne, à travers trois domaines : emploi, juridique et sportive. Je me suis plus imprégné de la vie de l’association. J’aimais rester discuter avec les personnes handicapées qui y travaillaient.

Il y avait autant de personnes avec ou sans handicap. Ce qui m’a révélé leur volonté d’inclure le plus possible ! La directrice faisait preuve d’un volontarisme et d’un dévouement hors pair ! Elle déplaçait des montagnes en permettant aux employés avec ou sans handicap de faire preuve de ce que j’appelle « le pouvoir d’agir », à savoir œuvrer ensemble pour chacun et tout le monde, à faire société commune, non pas malgré les handicaps mais grâce aux opportunités qu’ils engendrent !

Anecdote cocasse : Il se trouve qu’en décalant mes dates de départ, j’ai pu assister à un monument essentiel de la culture locale brésilienne : à savoir le Carnaval. Cela fait beaucoup rire mon père quand il le raconte. Ne lui dites rien : j’avais fait exprès !

Les éducateurs du lycée EREA Toulouse Lautrec de Vaucresson qui s’occupaient des élèves de la classe de Troisième où je suivais les cours avaient organisé un voyage en Californie, afin de marquer la fin d’un cycle et notre départ vers d’autres horizons. Nous sommes partis huit jeunes et sept adultes, pour une durée de deux semaines, pendant les vacances de Pâques.

A San Francisco, nous avons visité la célèbre université de Berkeley. Avec un centre attenant qui accompagne les étudiants en situation de handicap. Ca me donnait envie, parce qu’on y parlait déjà, selon moi, d’une véritable inclusion ! C’était mon rêve américain ! Alors qu’en France on en était encore à la notion précédente, celle de l’intégration !

En 2000, pour mes vingt ans, j’ai pris part à un voyage spécial : ma première croisière à travers les fjords de Norvège ! Je me souviens de la beauté immense des paysages à couper le souffle, ainsi que de l’accueil disons circonspect de l’équipage qui refusait de me laisser descendre aux escales et participer aux différentes excursions sous des prétextes logistiques. En termes de traduction, j’en garde l’idée de traverser des frontières géographiques et me fracasser devant d’autres plus humaines.

Sur un aspect spirituel et religieux, j’ai toujours souhaité me rapprocher d’expériences interculturelles. Les journées mondiales de la jeunesse ou JMJ en sont un formidable exemple ! J’ai dû traduire ma volonté d’y participer à chaque édition. De la première à laquelle  j’ai participée en 2005 à Cologne, en passant par celles de Sydney en 2008, de Madrid en 2011, de Rio en 2013, de Cracovie en 2016 à celles de Panama en 2019.

Ce sont autant d’étapes de ma construction personnelle de foi en Dieu, foi en l’être humain et foi en mes propres capacités d’adaptation, de logistique et de relations sociales.

Quelle joie de voir le Monde entier se réunir pour des valeurs communes, partagées par autant de jeunes, femmes et hommes, ne parlant pas les mêmes langues, mais les mêmes idéaux !

Je m’y épanouis profondément car j’y ressens le fait de faire partie de l’Humanité avec un h majuscule. Sans frontières ni géographiques ni intellectuelles. On m’y accueille à bras ouverts, tout comme je peux le faire à mon tour.

J’y retrouve la même communion que durant mes week-ends Ecclésia Campus avec les jeunes des aumôneries de partout en France, dans une dimension internationale, mondialisée, globale. J’y ai vécu des barrières linguistiques réelles, car je ne maîtrise pas toutes les langues des pays par lesquels je suis passé. Pourtant, il y a là quelque chose de proximité, de solidarité, qui compense la non ou mauvaise compréhension des mots. Il s’y passe quelque chose qui dépasse l’entendement. Que j’apprécie particulièrement. Et que j’exprime par des rires, des sourires, des pleurs.

 

Dans le cadre de mes études à l’INS HEA, j’ai souhaité profiter à fond de l’expérience estudiantine en réalisant un stage de trois mois sous le statut Erasmus, au sein du service qui accompagne les étudiants en situation de handicap de l’Université Libre de Bruxelles. J’ai pu mieux comprendre les différents systèmes régionaux qui gèrent les spécificités des étudiants en situation de handicap belges.

J’ai visité le dispositif mis en place à l’université catholique de Louvain La Neuve, dispositif que j’ai trouvé plus global qu’à Bruxelles et en France, car chaque étudiant en situation de handicap y est suivi par un tuteur parmi les élèves de l’année supérieure, qui a en charge de l’accompagner et prendre les notes durant les cours, leur servir de secrétaire pendant les examens.

Un éventuel dernier exemple de ma volonté d’aller vers l’Autre, de repousser les barrières : j’ai voulu adolescent apprendre la langue allemande, alors même qu’aucun de mes deux parents ne la parlaient. Imaginez les galères sans nom, de mon père à devoir épeler lettre par lettre les mots allemands avant même de pouvoir les traduire !

L’auteure Hélène MIALET dans son ouvrage “A la recherche de Stephen Hawking” écrit “le passage perpétuel de l’individu Hawking le corps institué, et le corps mythologique … est ici représenté.” Au sein de ce livre, les interfaces utilisées par Hawking sont appelées des traductions.

Il faisait appel à une équipe et une machinerie autour de lui, pour avancer ses idées, en avance sur son temps.

 

Génie scientifique en moins, loin de moi l’idée de me comparer au Professeur Hawking sur le point de l’intelligence, j’aimerais à mon tour pouvoir bénéficier de mes propres traductions, dans le cadre du projet de thèse que j’envisage, et pour lequel, si le comité Cerisyen l’accepte de co-construire ensemble une démarche de recherche scientifique, je serai plus qu’enchanté de venir présenter à dates fixes les avancées de mes travaux dans les années à venir !

 

Je fais comme beaucoup d’autres le constat qu’il existe des marges de progression dans la traduction : que cela soit dans les usages des technologies comme dans nos rapports à la consommation de ces outils formidables. Qualitativement, quantitativement, moralement, il reste à formuler tant d’hypothèses et instaurer des débats que nous ne sommes pas encore prêts à arriver au consensus total. D’ailleurs, en sociologie, c’est un élément quasiment impossible à atteindre, qu’il faut peut-être même craindre ?!

 

Je vis une obsession de l’altérité. Sur les plans techniques, technologiques comme humains, humanistes. Singularité et universalité entrent en traduction commune, et ouvrent selon moi des portes, des potentiels infinis.

Comme lors de mon intervention lors du colloque ici à CERISY en août 2019, j’aimerais citer Hannah ARENDT « Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres. » Traduction de la vulnérabilité, caractère commun à tous les humains, et qui nous rend responsables les uns les autres, en référence à Corinne PELLUCHON, Emmanuel LEVINAS et aux ouvrages des chaires animées par Cynthia FLEURY , notamment « Le soin est un Humanisme ».

 

Après avoir formulé des propos basés sur mes expériences, sur ce que j’envisage comme universalité de ces situations de vie, je vous invite à m’accompagner dans une conclusion en forme d’ouverture à de plus amples réflexions.

A l’occasion de mon Master 1, j’ai réalisé un mémoire sur le thème des « Déterminismes sociologiques des travailleurs sociaux ».

Et qui revient en synthèse à questionner la culture même de celles et ceux qui m’entourent. Comment devient-on éducateur, auxiliaire, assistant personnel ?

Par quels passages sont-elles et sont-ils arrivés dans ma vie ? Quels sont les récits de leurs propres vies, qui peuvent entrer en connexions avec moi, avec ma propre vie ?

Comment tout cela est-il universel, et se rapproche de toute réalité de tous les employeurs qui au moment d’une embauche reçoivent des candidatures par mail, des lettres de motivation et des C  V  , et doivent ensuite conduire des entretiens de recrutement ?  

Si à l’approche du terme de cet exposé, j’ai réussi à parvenir à entrer en résonnance avec vous, sur la base de mes expériences et vous prouver que nous sommes plus connectés que ce qui nous différencie, que mes expériences spécifiques valent pour toutes et tous.

Et que mon expérience humaine générale et les relations particulières avec la technologie sont d’une portée universelle, alors je pense modestement avoir contribué à ce formidable colloque.

Dans un texte de 2013, j’évoque le terme « Mes semblables », ce que je considère être la traduction de cette volonté de ne pas nier ma condition de naissance, de me rapprocher de celles et ceux qui me ressemblent, et en même temps d’éviter d’être catégorisé seulement par mon apparence, mon statut imparfait. Traduction du regard que me porte parfois la société ainsi que du « handicap social », processus autrement appelé « handification ».

Qui me cantonne à être simplement, à ne devenir rien d’autre que ce que l’on m’attribue par avance, et qui me contraint, me paralyse, me foudroie, me cloue dans ce fauteuil sans que je ne puisse en sortir intellectuellement. Que toutes mes propositions, idées, rêves, projets ne puissent s’envoler ailleurs qu’au sein de l’enceinte de mon corps, de ma chair.

Alors même qu’il est si simple via le processus inverse de « validification » de croire en moi, de me laisser oser, de me porter, en haute estime pour que je déploie mes bras comme des ailes, et que les contraintes physiques de mon corps deviennent la possibilité de tout faire, tout oser, tout changer, sans aucune barrière ni contrainte, autre que celles que je m’impose moi-même.

La différence alors est flagrante en moi, entre moi et la ou les personnes qui m’entourent, et entre moi et la société qui m’accepte donc tel que je suis, tel que je veux être, tel que je peux être, tel que l’on attendrait de moi si je n’étais pas en situation physique de handicap.

Je vous parle de moi aujourd’hui. J’espère en avoir tiré des réflexions plus globales. Car, si j’ai pu éviter les foyers occupationnels, cela n’est pas le cas global pour tant d’autres.

 

Et le confinement, à mon domicile, récent m’a parfois ramené à cette peur d’un piège d’enfermement social, médical et sanitaire, piège dans lequel peuvent tomber trop de personnes dont les conditions ne permettent pas d’autre système de vie pour gérer leurs fragilités et vulnérabilités.

 

Que faisons-nous en tant que société ?

Que souhaitons-nous pour nous-mêmes ?

Comment envisager toute personne, dépendante ou non, comme une ressource sociale, économique, intellectuelle ?

Quels pas d’audace cela serait-ce, si nous avions plus de maires de communes, d’économistes, de grands auteurs, de chanteuses et chanteurs, d’artistes, d’auteurs, de sportives et sportifs avec un ou plusieurs handicaps de naissance, mais qui prendraient part à la vie citoyenne et politique, pas uniquement comme bénéficiaires mais comme offrant leurs compétences, savoir-être et pensées au service de l’ensemble, pour toutes et tous ?

 

Le curseur semble éloigné aujourd’hui. Cette option semble lointaine. Pourtant, il suffit de peu pour amorcer ce paradigme, selon moi.

 

A la rentrée de septembre 2020 par exemple, je deviendrai chargé de cours. J’aurai donc la mission de participer à l’enseignement d’étudiants, et à la vie du corps professoral. Je souhaite bon courage à mes élèves et collègues, car je me suis promis d’ores-et-déjà de ne pas les ménager intellectuellement, de les pousser le plus loin dans leurs retranchements, afin de pouvoir leur faire profiter de cette vision, et de mes années de vie et études. En bref, ce que l’on attend d’un « prof dit classique » !

 

Avant de terminer, j’aimerais aborder deux concepts qui me tiennent à cœur, et que je suis parvenu à matérialiser ici à Cerisy la semaine dernière. Anticipation et Extrapolation.

 

L’anticipation revient à vouloir me laisser le temps de traduire mes pensées par moi-même, alors que l’extrapolation le fait à ma place. Je ressens le besoin d’appuyer sur ces points à ce moment précis, car il en va du ressort de la traduction en elle-même !

 

Il me semble essentiel de saisir les enjeux contemporains de la traduction, à savoir :

  • de quel futur du trésor qu’est la culture humaine, osons-nous rêver ?

cette faculté inouïe de l’être humain de s’envisager dans l’ensemble des composantes de sa réalité, physique, matérielle, spirituelle, …

  • de la compétence essentielle de formation des futurs traducteurs ;
  • de perpétuer la richesse de la diversité linguistique, je ne peux que nous inviter à creuser en nous-mêmes, à nous ouvrir les unes, les uns aux autres, et faire ensemble un chemin perpétuel de connaissances et d’ouverture, de respect où Cerisy réside au cœur de nos actions et accueillera sans nul doute encore longtemps les passages réguliers que nous voudrons bien lui offrir en modestes contributions de notre remerciement.

Je vous remercie chaleureusement pour votre écoute attentive et me tiens à votre disposition pour tous les échanges vifs que je souhaite engager maintenant.

Philippe AUBERT

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Conférence 2020 de Philippe Aubert à Cerisy sur les angles morts du numérique https://ragedexister.com/conference-2020-de-philippe-aubert-a-cerisy-sur-les-angles-morts-du-numerique/ https://ragedexister.com/conference-2020-de-philippe-aubert-a-cerisy-sur-les-angles-morts-du-numerique/#comments Sat, 03 Oct 2020 13:58:45 +0000 https://ragedexister.com/?p=537 Conférence 2020 de Philippe Aubert à Cerisy sur les angles morts du numérique Lire la suite »

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Colloque Cerisy sur les “angles morts du numérique”

Intervention de Philippe Aubert

 

 

Bonjour.

 

Merci beaucoup à Edith et à toute l’équipe de Cerisy, qui tiennent le coup malgré la COVID,

Merci à la direction  de ce colloque de l’avoir maintenu et de me donner la parole aujourd’hui,

Merci à vous tous les participants de venir m’écouter.

 

Je remercie également chaleureusement mes accompagnateurs Sylvain VALOIS et Christophe CADIOU pour leur aide à la rédaction de ce propos.

 

Je suis enchanté de revenir ici à Cerisy, pour la deuxième fois cette année, suite au formidable colloque sur la traduction qui a eu lieu le mois dernier.

 

Je fais directement le lien avec cette intervention précédente, dont la problématique était ENJEUX DE LA TECHNOLOGIE POUR LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP et qui s’inscrivait dans le thème plus général de “La traduction dans une société interculturelle”.

           

J’ai  41 ans dans quelques jours.

J’ai le sentiment d’avoir déjà eu une vie bien remplie !

J’ai fait de longues études universitaires ; beaucoup voyagé ; rencontré beaucoup de monde.

Et pourtant, je peux considérer que le numérique ne m’a peu concerné, en direct ; sauf, progressivement depuis 5 ans.

Ce n’est donc pas d’ « angles morts », mais « d’un trou noir » du numérique, ou de « chemins de traverses », dont il faudrait plutôt parler !

 

En réalité, je suis bien conscient que la numérisation de mon environnement m’a influencé,  comme tout un chacun, mais je suis resté à distance.

Et, loin de considérer que c’est une faiblesse, je pense  que c’est une force, pour aborder maintenant avec lucidité,  l’utilité du numérique, pour moi, et pour des personnes en situation de handicap.

Je peux résumer ma vie en cinq phases :

  • La survie,  après ma naissance difficile, et l’expression de mon envie de vivre ;
  • La conquête de ma communication et de la langue française ;
  • Le temps des épreuves : « es-tu capable de faire des études ? » ; « à quoi cela sert que tu fasses des études supérieures, puisque tu n’auras jamais d’activité professionnelle ? ».
  • L’affirmation de ma rage d’exister, finalisé par un livre portant ce titre ;
  • Le moment du « pouvoir d’agir » et de prendre des responsabilités.

 

Seule cette dernière phase s’est réellement engagée avec le numérique, mais c’est aussi une période où j’acquiers des responsabilités et un pouvoir d’agir, donc c’est un moment où je peux chercher par moi-même, les moyens dont je dois disposer, en fonction de mes objectifs de vie.

De ces années, sans presque de numérique, j’ai acquis  une forte indépendance  par rapport à la prévalence absolue des  solutions techniques, malgré ma très grande dépendance physique.

Beaucoup de solutions sont d’abord en nous, et dans nos rapports aux autres, humains et non humains, les vivants.

J’ai accumulé des matériels inutiles, et refusé souvent des solutions technologiques coûteuses, qui prétendaient abusivement remplacer mes vrais besoins d’accompagnement humain.

Ma problématique n’est donc pas de nier l’apport du numérique, mais de comprendre mieux son utilité, y compris sur ce qui m’a manqué dans ma vie antérieure et qui ne doit pas manquer à d’autres.

Mon expérience du « manque » doit servir aux autres, c’est pourquoi la participation à ce colloque m’a beaucoup intéressé. J’espère que les relations que j’y noue seront durables.

 

Je vais m’exprimer à partir de ma petite expérience, non pas par égocentrisme, mais parce que je pense qu’il faut que chaque individu, quelque soit sa situation, développe soit même sa propre analyse pour que collectivement nous puissions avancer, et intégrer favorablement le numérique.

Je crois sincèrement qu’il faut que les démarches collectives soient associées à des démarches au niveau des individus. Je crois qu’il nous faut donc proposer des méthodes adaptées. Je voudrais m’y efforcer.

Je m’exprime donc en tant que non-spécialiste du numérique, mais comme utilisateur un peu particulier, qui depuis très jeune, soulève, souvent malgré lui,  un grand nombre de questions importantes sur l’évolution de notre société. 

Je crois d’ailleurs que j’ai choisi de faire des études de  sociologie à cause de cela !

 

Je vais donc vous expliquer les questions que je me suis posées au fil du temps où le numérique est entré dans ma vie. Cela fera-t-il peut-être écho à vos vies, à vos réflexions ?

 

Très intéressé par ce sujet, je reconnais que le numérique concerne toutes nos vies, que la mienne n’y fait pas exception, bien au contraire. 

 

Toutefois, je garde avec le numérique une saine distance, pragmatique, par rapport à mes difficultés propres, et à la conception de ma place dans la société.

 

Mais avant tout, laissez-moi, s’il vous plaît, me présenter un peu plus complètement.

 

Je suis titulaire de deux master 2, un en sociologie, et le second en pratiques inclusives du handicap. Je commence une activité d’auteur, de conférencier et de formateur.

 

Je rejoins cette année une équipe pédagogique dans l’enseignement supérieur, au sein même de l’institut de formation dans lequel j’ai obtenu mon deuxième diplôme.

 

J’ai un handicap de naissance, je suis infirme moteur cérébral, et je n’ai pas l’usage de la parole, ni le contrôle de mes mouvements.

Je vous parle via une synthèse vocale que je commande par voie oculaire. Je n’ai jamais prononcé un mot, ni écrit manuellement un mot.

 

Je crois profondément que nous assistons à l’émergence d’une génération nouvelle de personnes en situation de handicap, et de personnes dites valides, qui ont à cœur de se réunir dans des projets d’avenir et porteurs de sens. Je me réjouis d’être un des représentants de cette génération.

 

C’est le fondement de l’association  Rage d’exister, que j’ai créée avec quelques amis ; association que vous pouvez retrouver sur Facebook et LinkedIn.

 

Je me dois aussi de préciser dans cette présentation, le fait que j’ai été récemment nommé pour trois ans de mandature, comme Personne qualifiée, au sein du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées, et qu’au sein de ce CNCPH, je vais désormais présider le premier Conseil pour les Questions Sémantiques, Sociologiques et Éthiques. Un honneur et une énorme responsabilité pour moi !

 

En 2018, est paru mon premier livre, Rage d’exister, dans lequel j’évoque mon combat, notamment  vis-à-vis de l’Education  Nationale qui a tenté un moment de me dissuader de poursuivre mon parcours scolaire vers l’enseignement supérieur.

 

J’y mets également en perspective les nombreuses difficultés, sociales, et culturelles, que nous vivons, ainsi que les rapports, souvent humiliants avec les normes sociales ambiantes.

 

J’ai forgé le couple de termes « handification et validification » pour rendre compte de l’extrême tension entre injonctions contradictoires, à travers lesquelles nous nous construisons, nous les personnes en situation de handicap. 

 

Ma problématique aujourd’hui est d’associer mon rapport progressif au handicap et mon expérience de vie, de mon enfance à maintenant, avec les grandes transformations de la société. Un rapport, ni spontané, ni simple !

 

Je vais vous expliquer les moments-clés des relations entretenues progressivement  avec l’informatique et le numérique, en fonction des étapes de ma vie, de façon  à pouvoir formuler  les questions que je me pose actuellement.

 

J’ai dû me battre pour faire reconnaître mon intelligence, et plus encore son intérêt et son utilité, notamment contre les canons de l’Education Nationale, d’ailleurs, à l’époque, très peu informatisée.

 

On m’a proposé très peu de choses sur ce chapitre, tout au long de ma scolarité.

 

J’ai commencé à m’exprimer par le langage spontané des signes.

 

Dès ma plus tendre enfance, mes proches ont vu dans mes yeux pétillants que j’avais un grand désir d’entrer en relation avec les autres, une envie insatiable d’exprimer mes émotions et d’affirmer ce que je voulais, et  une volonté farouche de communiquer.

 

J’ai essayé divers systèmes de communication, qui en étaient, à  l’époque, dans les années 80, aux premiers balbutiements.

 

A l’âge de 3 ans, dans mon premier centre, les professionnels, déjà amadoués par les mimiques de mon  visage,  ont essayé de me faire pratiquer la machine “Carba”.

 

L’objectif pédagogique du Carba était de placer dans des cases des objets ou des lettres sur lesquels je devais cliquer pour montrer que je pouvais les reconnaître. Les objets changeaient régulièrement, afin de renforcer la mémoire. 

         Au fur et à mesure, les lettres pouvaient devenir des mots ; j’aimais, et cela me faisait progresser !

 

          C’était aussi le temps des tous premiers ordinateurs spécialisés. Je m’exerçais avec différents styles de licorne, ou de  contacteurs placés sur diverses parties du corps (tête, genou…).

 

Une licorne, en plus d’être l’animal mythique et majestueux, est un système de casque mis sur ma tête qui me permettait de pointer des objets, des lettres sur un tableau, placé en face de moi directement sur mon fauteuil.

 

En parallèle, j’ai un peu utilisé les symboles du système “Bliss”, mais cela ne me satisfaisait pas vraiment.

C’était trop simpliste, et je trouvais que je ne pouvais pas exprimer toutes mes idées et émotions.

 

Dès l’âge de 6 ans, j’ai commencé à développer moi-même, une méthode pour calculer et anticiper les jours, les dates, et  le fonctionnement du calendrier.

 

Ma méthode s’est minutieusement affinée, au fil du temps. Cela paraît insignifiant, mais ainsi, j’ai su m’organiser, anticiper, en un mot, m’autonomiser !

 

J’avais un objectif, celui de prévoir le maximum de choses, compte tenu de mon  entière dépendance aux autres !  

Cela me rassurait, et me donnait l’impression d’être acteur de mon temps, sans quoi, je déprimais.

 

Je comprends aujourd’hui que je me construisais ainsi une sorte de béquille intellectuelle qui me permettait de compenser à l’époque, peut-être, un manque d’outils.

 

Depuis, mon agenda est évidemment numérique. Cela fascine souvent mon entourage de voir avec quelle attention méticuleuse je tiens à jour mon agenda, maintenant numérisé.

 

Suite à ces diverses méthodes d’apprentissage, même si je n’ai jamais prononcé un mot, ni écrit un mot de mes propres mains, j’ai quand même réussi à visualiser les formes des lettres et à construire des mots, des  phrases… 

 

Et mon principal moyen d’expression est devenu l’épellation, lettre par lettre. On me dicte d’une certaine façon l’alphabet et je réponds par des mouvements de ma tête et des yeux oui ou non. Je l’ai inventé avec ma famille.

 

Mais, au fait, quand ai-je vraiment  rencontré le numérique ?

 

Une question majeure dans ma relation avec l’informatique est celle de l’interface.

 

Étant limité dans mes capacités d’action physique, l’interface qui m’est proposée est une condition majeure de mes possibilités d’accès à l’ordinateur.

 

Mes premiers pas avec le numérique, vers mes sept à huit ans, je les ai faits avec HECTOR, un ordinateur avec un logiciel de synthèse vocale et une petite imprimante intégrée.. Je le commandais avec ma tête.

 

L’avantage principal était que je pouvais communiquer de façon autonome. L’inconvénient premier était l’accent suisse du logiciel, qui me troublait.

 

Moi qui raffole du chocolat et de la fondue suisses, j’aurais quand même préféré avoir une voix sans accent suisse !

Autres inconvénients majeurs : le fait d’avoir un interface supplémentaire entre moi et mon interlocuteur, ainsi que la grande frustration d’un système trop lent par rapport à ma pensée !

 

Pendant, toute ma scolarité secondaire. Rien ! Aucune proposition d’informatique et de numérique. Rien !

J’ai bien fait quelques tentatives personnelles, mais trop difficiles d’utilisation pour moi et mes accompagnateurs.

 

Dès la fin du lycée et au début de mes études supérieures, j’ai eu la possibilité de travailler avec un ordinateur.

Cependant, ce n’était pas moi directement qui me servais de cet outil, mais, la, ou, les personnes qui travaillaient avec moi.

 

Parallèlement, j’ai, comme presque tout le monde, fait l’acquisition d’un téléphone portable. Dont je suis rapidement devenu accro, et dont je ne peux aujourd’hui plus me passer.

 

Mais je ne pouvais alors l’utiliser moi-même. J’étais toujours obligé de passer par une tierce personne. 

 

Cet outil me permettait cependant en 2008, d’être déjà dans une relation directe avec mon entourage. Mes accompagnateurs écrivant mes messages que je leur dictais grâce à mon système d’épellation.

Ce dispositif ne m’était donc d’aucune utilité lorsque je me retrouvais seul. Ce n’était donc pas un facteur d’autonomie, mais plutôt un simple facilitateur de ma relation au monde.

 

Ce trouble, ces difficultés par rapport aux interfaces et à l’utilisation en autonomie, ont façonné plusieurs réflexions chez moi.

J’ai développé ainsi un certain scepticisme vis à vis de l’utilité de ces outils technologiques pour moi.

 

Ne pouvant pas ou peu m’en servir moi même à l’époque, je doutais de leur intérêt  pour moi, compte tenu de leur coût financier et de l’investissement personnel que je devais y consacrer pour m’y adapter.

 

A quoi pouvait bien me servir un téléphone portable ?

 

Ce scepticisme a ouvert une réflexion  sur l’intérêt des techniques pour moi, mais aussi plus largement sur les thèses du transhumanisme.

Je voyais dans cette évolution un certain danger, que j’ai exprimé alors.

 

J’ai donc mis du temps à me réconcilier avec les outils du numérique.

 

Heureusement, une amie fidèle depuis 30 ans, ergothérapeute, m’a convaincu de faire un essai avec un nouvel outil, mon actuel logiciel de commande oculaire !

 

Avec prudence, j’ai tenté l’expérience.

 

J’ai rapidement été conquis par la possibilité qui m’était offerte de communiquer directement, par moi-même avec mon environnement.

Depuis maintenant trois ans, je l’emploie avec ses qualités et ses limites.

 

COMMUNICATOR est un logiciel qui crée une interface spécifiquement construite pour être contrôlée avec une commande oculaire.

Au sein de cette interface et grâce à mon regard, je peux accéder à mes mails, mes SMS.

 

Mais, au delà de l’utilisation des outils classiques du numérique, COMMUNICATOR propose des fonctionnalités qui lui sont spécifiques.

 

Initialement créé pour les chirurgiens, les pilotes d’avions ou de drônes ou de conducteurs de bolides, la barrette de commande oculaire PC eye produit par la société suédoise Tobii me permet ainsi, après calibrage sur la position de mes yeux dans un espace 3D, d’écrire, grâce à mes yeux, des phrases qu’il m’est possible, entre guillemets, de dire par le biais d’une synthèse vocale intégrée au logiciel.

 

Dans ce cadre, je peux rédiger des textes entiers, dont je peux rythmer la vocalisation à l’aide, de pauses.

 

Comme vous pouvez vous en douter, un outil tel que celui ci, est, pour quelqu’un présentant des restrictions physiques comme les miennes, d’une utilité formidable !

 

Rendez-vous compte ! Le numérique me permet, moi qui n’ai pas l’usage de mes doigts, d’utiliser les fonctionnalités essentielles d’un téléphone et d’un ordinateur !

 

Cela me donne une autonomie et un accès à une vie privée qui me sont chères. J’ai aussi, au travers de cet outil, accès à un pouvoir d’agir nouveau.

Je suis maître de ma communication avec le monde.

 

Communicator est le moyen qui me permet aujourd’hui de m’adresser à vous.

 

Je dois dire que ma vie a radicalement changé depuis l’arrivée de cet outil.

C’est pour moi un outil de communication essentiel, mais aussi, et je vais vous le détailler, c’est le coeur de ma démarche de travail aujourd’hui.

 

Cela me permet de développer à la fois ma vie sociale, et ma présence professionnelle et publique, d’une manière qui me satisfait chaque jour davantage !

 

En équipe, notre utilisation des outils du numérique se développe.

Depuis le début de l’année 2020, j’ai profondément changé ma façon de travailler en équipe, et cela génère de nombreuses réflexions vis à vis de mon autonomie et de ma capacité de travail.

 

Auparavant, j’utilisais énormément mon logiciel COMMUNICATOR pour la création de mes écrits.

Je rédigeais donc moi-même, soit seul, soit sous la dictée, soit en collaboration avec mon équipe, les phrases constituant mes mails, mes conférences et plus largement mes interventions.

 

D’un côté, cette méthode assure ma participation, ma compréhension et mon engagement dans les sujets que je traite.

De l’autre, cette autonomie, est, pour moi, une contrainte temporelle majeure.

Si je suis seul, je mets en effet un temps très long pour rédiger une phrase, ce qui rend la rédaction d’un écrit très longue.

La solution inverse, impliquant que la personne qui travaille avec moi, écrit elle-même le texte en me consultant, n’est pas satisfaisante.

J’ai du mal à réfléchir sur un texte que je ne peux pas visualiser directement.

 

Nous avons trouvé une solution : Je produis un écrit très bref, condensé, de mon expérience et mes connaissances, sur le thème qui nécessite une intervention, sur mon logiciel COMMUNICATOR.

 

Dans ce contexte,  j’ai entrepris une réflexion méthodologique approfondie sur le travail individuel et collectif, en me servant des travaux de Héléne Mialet  sur le mode de fonctionnement  de Stephen Hawking, exposé dans son livre “A la recherche de Stephen Hawking”.

 

Tout comme lui, je ne peux développer pleinement mon pouvoir d’agir qu’en collaboration avec le réseau, humain et non humain qui m’entoure.

 

Ces travaux sont largement inspirés des recherches de la sociologie de la traduction, de Bruno Latour notamment, et des concepts d’acteur-réseau et d’intelligence redistribuée.

 

La personne qui travaille avec moi reprend ce texte sur un autre ordinateur, dont l’écran est  projeté face à moi.

A partir de ma réflexion initiale, le travail de formulation et de rédaction commence ; ceci est rendu possible par une communication constante entre mon accompagnateur et moi.

 

Son rôle est alors de me faire, autant sur le fond que sur la forme, des propositions qui viennent alimenter ma réflexion sur le sujet. Je valide ou non ces propositions, et en fait à mon tour.

 

Une fois cette gymnastique achevée, le texte est collé dans mon logiciel de synthèse vocale, et nous le retravaillons ensemble, pour que la prononciation et le rythme me conviennent.

 

Ma compréhension de mon identité d’acteur réseau, en parallèle avec cette explicitation des modes de travail de Stephen Hawking, m’ouvre beaucoup de perspectives.

 

Cette compréhension m’a fait voir l’articulation entre la pensée individuelle et le travail collectif.

J’entraperçois maintenant ce que pourrait être un outil numérique qui soutient, et donne de la profondeur à une action de réflexion.

 

Le directeur de TF1 Patrick LE LAY, disait un peu cyniquement en 2004 : “Notre travail consiste à rendre disponible le temps de cerveau auprès de nos annonceurs publicitaires”.

 

Mon intérêt pour le numérique se détache fortement de ces considérations.

 

Mais je crois que c’est peut être à travers ce souci d’un usage utile, maîtrisé des outils du numérique, que ce dernier doit être interrogé.

 

Partir de mon expérience est, selon moi, un angle mort qui permet de travailler avec vigilance cette capacité à contrôler sa pensée, assisté par le numérique.

 

Retournons  cette remarque du directeur de TF1.

 

Si le numérique était, au contraire du vol de nos cerveaux disponibles, de nos consciences, un outil permettant de les développer et de les mettre en lien ?

C’est, en tout cas, l’usage que je tente d’en faire dans ma vie.

 

Il est vrai que la puissance du numérique et l’étendue de son emprise sur nos modes de fonctionnement et de communication sont préoccupants.

Il faut garder cette préoccupation en tête et ne pas baisser la garde. Mais cela ne doit pas nous empêcher, tel un judoka qui tire avantage de la force de son adversaire, d’utiliser cette puissance dans une optique de développement des consciences.

 

A ce titre, ma difficulté dans le rapport aux interfaces numériques, est pour moi une chance !

Je me rends compte à la fois de ma grande dépendance sur ce plan, tout en restant extrêmement vigilant à la distance que je dois préserver.

 

Le numérique est un acteur important de mon réseau, mais je tiens à dialoguer avec lui en toute indépendance.

 

C’est ce qui motive ma réserve vis-à-vis des travaux proposés notamment par Elon Musk, concernant l’implantation dans le cerveau d’une puce électronique.

 

Moi qui ne peux rien contrôler, je pourrais en avoir grand besoin, mais cela me donnerait-il pour autant plus de contrôle ?

 

Ma vie m’a permis de développer une forme d’indépendance et de distance, que je veux conserver.

 

Cette distance me permet de me couper de mon réseau, de penser par moi même.

Je tiens à ce choix, à ce pouvoir d’agir, avec ou sans cet acteur numérique.

 

Je suis encore dans une phase de découverte des fonctionnalités de mon outil.
            Je comprends maintenant que je peux mettre le numérique au service de ma participation à la société. C’est pour moi un nouvel univers. 

 

Pendant le confinement, j’ai participé comme nous tous à des vidéoconférences, et j’ai développé ma capacité à prendre part à ces discussions.

Il me reste encore beaucoup à faire pour travailler de façon optimale avec mon équipe et mes interlocuteurs.

 

            Le numérique sert-il mon pouvoir d’agir ? Quelles sont les conditions de mon pouvoir d’agir et de mon pouvoir de discernement ?

 

Pour moi, le numérique est une source d’accès à des bibliothèques en ligne, des connaissances mondiales sur mes sujets de prédilection et d’affinités.

 

Lorsque j’étais étudiant, j’ai évidemment pu me rendre à l’intérieur des bibliothèques physiques des campus respectifs par lesquels je suis passé, et y retirer les ouvrages souhaités pour approfondir mes recherches et quête de savoir.

 

Cependant, je ne peux que constater que, depuis que je suis connecté à internet depuis mon domicile, dans une démarche professionnelle, je peux faire appel à un catalogue plus vaste de livres audios, d’articles de presse numériques, et de matériaux pédagogiques en ligne tels que des conférences, des colloques ou séminaires via Youtube, auxquels je n’aurais pas pu avoir accès ni physiquement, matériellement, ni même savoir leur existence sans cet apport virtuel, numérique.

 

Cela compense parfois un certain manque de culture générale personnelle. Je dois avouer mon ignorance complète de tout un pan de culture geek, que je ne connais ni les livres ni les films de sagas telles que Le Seigneur des Anneaux, Star Wars, Harry Potter, Star Trek, les Simpson, Matrix, et bien d’autres.

 

Que mes accompagnateurs actuels me charrient souvent sur les références basiques à leurs yeux, qui sont nécessaires à la compréhension du Monde d’aujourd’hui.

D’autant plus que mes surveillants et éducateurs, lorsque j’étais adolescent me faisaient déjà la même remarque.

 

Il est vrai que pour moi, suivre un film de deux heures d’affilées est compliqué, et explique pour partie ce manque.

Je préfère passer deux heures à discuter avec des amis et ma famille, ou à me balader en forêt, en bord de mer, entre autres.

 

Mon usage du numérique inclut  mon utilisation des réseaux sociaux, très différente selon moi de celle que vous en faîtes vous-mêmes individuellement.

 

Il est évident que je peux produire le contenu textuel des messages que l’on partage, et que je valide évidemment au préalable, mais que je ne peux encore accéder à la mise en ligne de photos, vidéos, ni au community management, nécessaire à la meilleure diffusion des messages.

 

Je ne connais Twitter que de nom et pour ses polémiques usuelles.

 

Je suis présent à titre individuel sur LinkedIn, Facebook, WhatsApp, pour des usages dissociés.

 

Le premier réseau social me sert à diffuser les informations de l’association Rage d’exister auprès des potentiels clients, ou prescripteurs de mes démarches professionnelles.

 

Pour les autres, c’est évidemment plus pour des usages personnels, familiaux et amicaux, ou de façon logistique lors de déplacements nationaux voire internationaux !

 

Je suis au regret de vous annoncer ne pas être un influenceur célèbre sur Instagram !

 

Pour ce qui est de Youtube, je n’ai pas de chaîne personnelle ni collective.

Toutefois, j’y suis présent de par mes précédentes interventions filmées par d’autres structures, ou des interviews à des médias qui datent d’il y a plusieurs années, quasiment une autre vie par rapport à ma vie actuelle.

 

Là où beaucoup ne voient dans les usages des réseaux sociaux qu’un processus d’abêtissement, l’utilisation du numérique que je peux en faire, ou que je rêve d’en faire, est un outil de “validification” , au sens positif  du terme.

 

A savoir que j’y vois l’avantage énorme de pouvoir diffuser mes valeurs, mon savoir, ma personnalité et mes idées, projets, et compétences, au plus grand nombre en direct comme en replay !

 

Et que par conséquent, cela me donne l’opportunité de pouvoir déconstruire les stéréotypes liés au handicap : je donne alors de ma voix, je me fais entendre, je me montre comme je suis, sans aucune restriction, dans ma pleine mesure !

A la même hauteur ou dans des dispositions techniques, semblables à n’importe quelle autre personne, acteur inconnu de la société, comme ministre de la République.

 

Mon intervention solo aux Universités d’été du CNCPH fin août 2020 en est l’exemple parfait, en live sur Facebook.

A l’inverse de mes années d’études à Vaucresson ou à Nancy, où on me faisait croire que j’étais apte à étudier sans me donner les moyens de l’être !

 

En guise de clôture de ce propos, je vous propose mes conclusions partielles et partiales, comme suit :

 

  • Ce qu’on a écrit et promis sur la “Révolution numérique” me semble en fait ne pas être une révolution, mais une évolution !

 

  • La transition numérique et la transition écologique doivent être menées en liens étroits. Le numérique ne peut plus progresser au détriment de la transition écologique.

 

La biodiversité, les animaux, les plantes, ce qui nous entoure, sont un bien commun précieux.

Nous n’en sommes pas détachés mais pleinement connectés. Il suffit de voir le nombre de sessions dites « de découverte de la nature » ou  sur  « le thème de la détox informatique ».

 

  • A titre personnel, venir ici à Cerisy la Salle, en Normandie me fait toujours le plus grand bien au moral, ainsi qu’à mon appétit, par exemple.

Cela me donne aussi l’occasion de m’évader voir la mer, ce que j’ai fait d’ailleurs lorsque vous visitiez des startups.

 

  • Les algorithmes sont-ils bons pour la santé ?

J’aimerais vous répondre oui, mais je préfère  dire comme Bernard Stiegler, qu’ils sont à la fois remèdes et poisons !

Cependant, j’ose rêver que l’on puisse s’en servir mieux, au profit de la diffusion de nos idées positives.

C’est plus la masse critique de personnes les utilisant pour améliorer et suggérer donc un apport à la connaissance littéraire, artistique, scientifique de la communauté mondiale qu’il faut oeuvrer à former et accompagner.

 

  • A l’horizon de la fin d’année, je peux estimer que mon usage du numérique va progresser et même faire un bond.

 

Sans tout vous dévoiler des projets, que nous menons avec mon équipe Rage d’exister, nous sommes sur le point de lancer un prototype d’initiative innovante, liant numérique, formation, animation des territoires, citoyenneté, et handicap !

 

Dont j’espère pouvoir vous présenter les premiers résultats l’an prochain ici, évidemment.

D’ailleurs, ce partenariat avec l’équipe de design est directement la conséquence d’une rencontre cerysienne lors du colloque sur la traduction !

 

  • Je veux aussi pouvoir m’en servir dans la mise en œuvre des travaux du Conseil sur les questions sémantiques, sociologiques et éthiques que je vais présider au sein du CNCPH.

 

En conclusion :

 

Qu’est ce que l’intelligence ?

 

On parle maintenant d’intelligence des animaux, des arbres, des vivants.

On reconnaît qu’il y a des intelligences différentes chez les humains, qu’il est hasardeux de faire des hiérarchies arbitraires, que le génie n’est plus solitaire …

 

Pourquoi a-t-on été nommer « intelligence artificielle » le produit de nos actes, comme si l’homme voulait dramatiquement continuer à poursuivre son rôle prométhéen, si destructeur ?

 

Oui, il y a de l’intelligence dans le numérique et ses applications, mais c’est notre intelligence !

 

Quel orgueil démentiel que de penser que nous allons produire un nouvel homme « augmenté » par nos seules facultés, sans nous inscrire dans l’inspiration du vivant.

 

Ne devrait- on pas parler « d’intelligence humaine collective étendue », plutôt que d’intelligence artificielle ?

 

N’est-ce finalement pas cela le principal angle mort du numérique ?

 

Je vous remercie chaleureusement pour la qualité de votre écoute. Je me tiens à votre disposition pour toute question.

 

Je ne pourrai peut-être pas y répondre rapidement, mais nous pourrons continuer à en discuter après cette séance.

 

De toute façon, je reste au colloque jusqu’à jeudi après-midi, ce qui nous donnera l’occasion d’échanger plus longuement ensemble lors des déjeuners et dîners avant notre départ.

 

Philippe AUBERT

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Vie universitaire des étudiants en situation de handicap : expérience et réflexions de Philippe https://ragedexister.com/vie-universitaire-des-etudiants-en-situation-de-handicap-experience-et-reflexions-de-philippe/ https://ragedexister.com/vie-universitaire-des-etudiants-en-situation-de-handicap-experience-et-reflexions-de-philippe/#respond Tue, 15 Sep 2020 16:12:34 +0000 https://ragedexister.com/?p=528 Vie universitaire des étudiants en situation de handicap : expérience et réflexions de Philippe Lire la suite »

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J’ai un handicap de naissance, je suis infirme moteur cérébral, et n’ai pas l’usage de la parole ni le contrôle de mes mouvements.

Je suis honoré de vous partager mon expérience scolaire et universitaire, mais aussi plus largement mon analyse de cet aspect de la vie des personnes en situation de handicap. 

Je crois profondément que nous assistons à l’émergence d’une génération nouvelle de personnes en situation de handicap, et de personnes dites valides, qui ont à coeur de réunir nos deux mondes dans des projets d’avenir et porteurs de sens. Je me réjouis d’être un des représentants de cette génération et de vous transmettre mes convictions profondes.

Ma scolarité a débuté dans un IEM,  à Neuilly, au sein duquel j’ai pu développer mes capacités intellectuelles et d’apprentissage. Ces années ont été une libération pour moi, avec la découverte de l’alphabet et d’un mode de communication qui est, encore aujourd’hui, au cœur de mon rapport au monde. J’ai eu la chance de pouvoir intégrer par la suite le lycée Toulouse Lautrec à Vaucresson, qui allait m’accueillir pendant les 12 années suivantes. Cet endroit a été pour moi, d’une part, un lieu d’épanouissement privilégié et d’autre part un terrain d’expérimentations et de réflexion quant à mes possibilités intellectuelles et d’action. J’y ai fait l’expérience du meilleur comme du pire, et en relisant ces années aujourd’hui j’identifie l’accompagnement comme étant un point clé de mon épanouissement. Pour ce dernier, je suis tributaire de la sensibilité des personnes qui sont à mes côtés, ce qui peut donner, au mieux une belle collaboration et au pire une cohabitation potentiellement douloureuse ! J’ai par exemple refusé l’accompagnement exclusif par une personne retraitée bénévole. Il était essentiel pour moi de garder une relation d’accompagnement avec les éducateurs et les surveillants du lycée, plus habitués à ma situation. J’ai pu être accompagné par une personne à plein temps, en lien avec l’équipe éducative et les professionnels paramédicaux du lycée, ce qui a représenté une vraie chance pour moi ! Les 12 années passées dans cet établissement m’ont aidé à mieux me connaître.  J’ai compris que j’aurai toujours besoin d’une équipe autour de moi pour assurer mon accompagnement, et que la confiance réciproque était un facteur essentiel de mon épanouissement et de mon sentiment de sécurité. Pourtant, ce lieu si bénéfique pour mon parcours s’est transformé en un dur rappel à la réalité de la fin des années 90… Je croyais pouvoir passer mon Bac en un an, comme les personnes dites valides, ce qui s’est avéré impossible pour des raisons d’organisation. J’ai trouvé par mes propres moyens et obtenu un DAEU, équivalent du diplôme du Bac, ce dernier ne pouvant absolument pas être aménagé à l’époque. Je garde un souvenir douloureux de cette fin de lycée, qui a été pour moi un véritable parcours du combattant. J’ai réussi à obtenir de rester une année supplémentaire au lycée Toulouse Lautrec malgré les réticences de l’établissement, afin de préparer au mieux mon diplôme dans un environnement familier.

Pendant toute cette dernière année, j’ai aussi pu préparer avec mon éducateur-référent mon arrivée dans mon futur foyer et à l’Université Nancy 2. A la fin de l’année scolaire, j’ai même pu faire une semaine de “stage” dans ce foyer,  accompagné les deux premiers jours par mon éducateur-référent de Vaucresson pour apprendre certains gestes de la vie quotidienne aux professionnels de Nancy.

Ayant obtenu mon D A E U,  avec mention, j’ai pu m’inscrire en sociologie en première année de Licence.

Mon arrivée à L’université Nancy 2 a ouvert un nouveau chapitre dans le livre de ma vie. J’étais libre ! Libre d’étudier, de me déplacer et de nouer des liens. Mais pour une personne comme moi, une telle “liberté” prend des airs de prison ! La liberté et l’indépendance que beaucoup recherchent en entrant à l’université m’ont beaucoup déboussolé,  ayant besoin en permanence d’une présence et d’un accompagnement. Dès ma visite de ce foyer pour étudiants en situation de handicap, la directrice m’a bien dit qu’elle ne pourrait pas me mettre quelqu’un en permanence comme j’en avais l’habitude auparavant et que surtout, ce n’était pas la politique de cette structure qui voulait nous autonomiser le plus possible et nous permettre de poursuivre nos études de façon ordinaire. Je n’étais donc que peu accompagné : le foyer nous mettaient à disposition certains moyens humains pour le nursing et partiellement pour la prise de notes pendant les cours à la fac, ce qui n’était pas suffisant pour répondre à mes besoins ! A ce sujet,  une anecdote : au tout premier TD, comme tout était nouveau pour moi et que nous étions en surnombre dans la petite salle de classe où avait lieu ce cours, mes mouvements involontaires athétosiques, dûs à mon handicap physique, me donnaient des airs d’Elvis Presley, les auxiliaires qui s’occupaient de moi le matin ne serrant pas suffisamment les sangles qui retiennent mes jambes et mes bras !

Pour ce qui est de la réponse à mes besoins, j’aurais par exemple voulu avoir accès à mon ordinateur de façon autonome afin de pouvoir travailler par moi même, ce qui n’était absolument pas le cas à l’époque, et qui a bien changé aujourd’hui !

Ma seule façon d’exploiter l’indépendance qui était donnée, et dans mon cas quelque peu imposée, était de faire les cent pas, si j’ose dire, dans mon foyer avec mon fauteuil électrique commandé à l’aide de mon menton ! Une ou deux fois, je me suis autorisé sur un coup de tête (j’étais vraiment inconscient !) à sortir seul, à traverser la rue pour faire un petit tour dans le parc d’à côté. Si j’avais eu un problème de fauteuil ou quoi que ce soit d’autre, j’aurais été bien embêté (personne ne m’aurait compris, d’autant que le foyer ne surveillait pas nos entrées et sorties). Cependant, je garde un sentiment d’audace absolu et je suis quand même un peu nostalgique de cette époque !

Entendons nous bien, j’ai bénéficié d’aménagements en raison de mon handicap, ce qui m’a permis de suivre les cours et de trouver une réponse à mes besoins élémentaire. J’en suis bien conscient et reconnaissant. Ma critique se porte sur cette notion de confiance et d’aménagement individuel que j’ai peiné à retrouver, jusqu’à ce que je fasse appel à deux étudiants pour m’accompagner dans mon travail. Sur le plan paramédical, j’ai rencontré des difficultés similaires. L’accompagnement proposé par le foyer ne répondait pas à mes besoin et j’ai dû me résoudre à faire appel à un kiné en libéral pour ma prise en soin.

Au bout de trois ans de compromis et de difficultés, mais aussi de belles surprises parfois, le foyer m’a annoncé qu’il serait probablement mieux pour moi d’aller dans une MAS (Maison d’Accueil Spécialisée), qui répondrait davantage à mes besoins et mes attentes. Voulant retourner plus près de ma famille en région parisienne, je décidais de suivre leur conseil et de quitter mon foyer, croyant naïvement en cet eldorado d’accueil !

Si mon expérience en foyer pour étudiants en situation de handicap a été plutôt négative, ce n’est pas le cas du diagnostic que je peux en faire aujourd’hui. Je crois que le caractère hors norme de mon handicap a généré un fort sentiment d’impuissance chez les personnes engagées dans cette initiative. La directrice du foyer, qui me voyait tourner inlassablement dans les couloirs, ne me demandait même pas ce que j’aimerais qu’elle fasse pour remédier à ce problème, elle préférait passer à côté de moi en m’ignorant ! Pourtant, par bien des aspects, cette structure,  en lien avec l’université,  était extrêmement novatrice ! La possibilité d’aménager la temporalité de mes études, tant pour la validation des UE en plusieurs années que pour les rendus de devoirs pour lesquels je pouvais bénéficier de temps supplémentaire, et que je pouvais faire à domicile ; l’atmosphère moins aseptisée que dans d’autres foyers pour personnes handicapées; un sentiment de bienveillance et d’authenticité; la possibilité de contrôler mon emploi du temps, mes menus et mes activités; autant de facteur précieux d’humanisation des personnes en situation de handicap accueillies !

Comme je vous l’ai dit, j’ai posé le choix, au bout de trois ans passés dans le foyer de Nancy, d’intégrer une MAS à Neuilly et de continuer mes études de sociologie à l’université de Nanterre. Loin de constituer une réponse à mes attentes, mon séjour dans cet établissement est venu renforcer mon expérience négative de ce type de structures d’accueil spécialisé. J’étais le seul à avoir un rythme d’étudiant et l’établissement n’était absolument pas adapté à ce mode de fonctionnement. Je ne comprends toujours pas aujourd’hui comment j’ai pu être admis alors que mes besoins étaient si différents de leur capacités d’accueil.

Du fait de ce décalage, j’ai vécu très difficilement cette période, ce qui a forcément impacté la qualité de mon travail universitaire ! Je peux aujourd’hui témoigner de la relation étroite entre qualité de l’environnement et réussite scolaire. J’ai donc très rapidement quitté la MAS de Neuilly pour rejoindre la résidence universitaire de Nanterre.

Dans un premier temps, j’ai cru avoir trouvé un équilibre ! J’étais accompagné 24 heures sur 24, dans ma vie universitaire comme dans ma vie de tous les jours, ce qui était très satisfaisant. Les complications n’ont pas tardé à pointer leur nez. La dynamique de la résidence a changé, passant d’un accompagnement personnalisé à une prise en charge plus classique, uniformisée, mutualisée. J’étais donc à nouveau pris dans les écueils du système universitaire, privé de mon accompagnement 24 heures sur 24 et devenant un étudiant parmi tant d’autres !

J’ai tout de même fini par valider ma licence puis mon master de sociologie et par retrouver un équilibre qui me permettait d’avancer. C’est dans ces conditions que m’est venue la volonté d’écrire un livre retraçant mon parcours et mon vécu des institutions.

N’ayant manifestement pas retenu la leçon, j’ai décidé de prolonger mes études en attaquant un deuxième master portant sur les pratiques inclusives du handicap à l’INS HEA.

Aujourd’hui, après plusieurs années durant lesquelles les responsables de cet établissement n’ont pas voulu maintenir un lien professionnel avec moi, j’ai réussi à les convaincre de la nécessité de la présence de personnes en situation de handicap dans leur équipe pédagogique. C’est une grande joie pour moi de pouvoir participer à la formation des étudiants qui seront chargés de construire l’avenir des institutions du handicap.

Vous aurez compris maintenant que mon parcours scolaire et universitaire n’a pas été de tout repos ! J’ai fait des rencontres formidables, témoignant d’une volonté de me comprendre et de m’accompagner, mais j’ai aussi croisé la route de personnes repoussées ou déboussolées par mon handicap et mes besoins très spécifiques.

Je garde de ces années une grande fierté, une certitude de pouvoir ouvrir toutes les portes et relever tous les défis ! Je n’oublie pourtant aucune des indifférences, aucun des rejets, et me rappelle de chaque compromis, mais je fais le choix de l’optimisme. Je crois que mon expérience met en lumière la nécessité d’un changement dans la construction et l’accompagnement du parcours scolaire et universitaire des personnes en situation de handicap.

En effet, même si, je le reconnais, mon cas est hors normes et particulièrement délicat à accompagner et à gérer, je n’ai jamais réellement trouvé de réponse satisfaisant mes besoins. Au lycée Toulouse-Lautrec, j’ai pu obtenir ce dont j’avais besoin, mais seulement au prix d’un bras de fer constant. A Nancy, j’ai ressenti un manque de flexibilité et de compréhension face à mes besoins et mes aspirations. Dans la suite de mes étude j’ai fortement ressenti le manque de liens social avec les autres étudiants de mon cursus.

Je suis bien conscient du défi que représente l’écoute des besoins individuels pour les institutions, mais c’est dans cette écoute que naît le respect. La norme est de mettre en place une distance professionnelle avec les personnes en situation de handicap. Cette distance veut protéger à la fois les accompagnants et les accompagnés, mais elle est pour moi profondément incompatible avec un accompagnement adapté. Comment espérer mettre en place une démarche satisfaisante sans s’impliquer émotionnellement, sans donner de soi. Ce refus du lien est un facteur de déshumanisation.

La réalité dont je vous ai fait part est déjà en train de se transformer ! Les personnes en situation de handicap ont de plus en plus accès aux études supérieures. Cependant, l’entrée dans la vie universitaire est encore un combat, il nous faut nous justifier de notre présence, là où cette question ne se pose même pas pour les personnes dites valides. Certes, nous avons besoin que le cursus universitaire s’adapte à nos particularités, mais la question à se poser devrait être “comment le faire” et non “cela vaut-il la peine de le faire” !

Reformuler la question de nos études supérieures de cette façon permettrait de limiter la rupture brutale de suivi et d’accompagnement à la fin des études secondaires. L’objectif d’une telle démarche est aussi, selon moi, de limiter un phénomène que je nomme “handification”. Il s’agit de ne considérer les personnes en situation de handicap qu’au travers de leurs limitations, dérive particulièrement présente au sein des établissements d’accueil ou “foyers”.

Je couple souvent ce terme d’”handification” avec celui de “validification”, qui désigne la dynamique inverse. J’entends dans cette “validification” le fait de mettre de côté nos limitations pour se concentrer sur nos capacités. Cela peut avoir un double effet. Si nos limitations sont simplement occultées, elles deviennent un obstacle à notre réussite. Mais si la distance professionnelle cède la place au respect, si notre accompagnement nous permet de composer avec nos difficultés et de développer notre pouvoir d’agir, alors notre potentiel peut s’exprimer pleinement et nous nous sentons devenir, dans le regard de ceux qui nous entourent, des semblables !

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La Nuit du Handicap et la Rage d’Exister https://ragedexister.com/la-nuit-du-handicap-et-la-rage-dexister/ https://ragedexister.com/la-nuit-du-handicap-et-la-rage-dexister/#respond Fri, 07 Jun 2019 13:52:00 +0000 https://ragedexister.com/?p=348 La Nuit du Handicap et la Rage d’Exister Lire la suite »

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OSONS LA FRATERNITÉ HEUREUSE

“…Malgré les menaces du maître 
Sous les huées des enfants prodiges 
Avec les craies de toutes les couleurs 
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur…”

Cet extrait tiré du Cancre de Jacques Prévert illustre bien l’esprit de la Nuit du Handicap. En effet, la Nuit du Handicap c’est le jardin des sourires.Cet événement qui a lieu le 15 juin 2019 dans plus de 24 villes partout en France a pour vocation de dessiner le visage du bonheur.La Nuit du Handicap a pour objectif de favoriser la rencontre entre les personnes valides et les personnes en situation de handicap.La rencontre est une fête. La différence nous enrichit.Le handicap n’est pas un malheur mais un défi individuel et collectif.Le handicap n’est pas une incapacité mais un degré de vulnérabilité.

Philippe Aubert, Président et Porte parole de la Nuit du Handicap.

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Philippe Aubert souffre d’infirmité motrice cérébrale depuis sa naissance. Ce qui ne l’a pas empêché de valider haut la main un Master 2 en sociologie. https://ragedexister.com/philippe-aubert-souffre-dinfirmite-motrice-cerebrale-depuis-sa-naissance-ce-qui-ne-la-pas-empeche-de-valider-haut-la-main-un-master-2-en-sociologie/ https://ragedexister.com/philippe-aubert-souffre-dinfirmite-motrice-cerebrale-depuis-sa-naissance-ce-qui-ne-la-pas-empeche-de-valider-haut-la-main-un-master-2-en-sociologie/#respond Mon, 26 Feb 2018 13:43:00 +0000 https://ragedexister.com/?p=346 Philippe Aubert souffre d’infirmité motrice cérébrale depuis sa naissance. Ce qui ne l’a pas empêché de valider haut la main un Master 2 en sociologie. Lire la suite »

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Il se surnomme lui-même “Intouchable puissance 10”, tant son histoire rappelle celle du film porté par François Cluzet et Omar Sy. Philippe Aubert, souffrant d’infirmité motrice cérébrale (IMC) depuis sa naissance, a soutenu son mémoire de Master en sociologie ce lundi 23 juin. Cloué dans son fauteuil, c’est grâce à l’aide de son auxiliaire de vie, Jackson, qu’il a pu écrire les centaines de pages de son mémoire.

“Il a validé un Master 2 en sociologie avec une note de 15/20, mention bien”, indique Jackson, qui l’assiste depuis une dizaine d’années dans ses études. “Très fière de son grand frère”, sa sœur, Marion, souligne surtout “son courage et sa détermination”. Pour communiquer, Philippe utilise essentiellement des hochements de tête et des clignements des yeux, à la manière de Jean-Dominique Bauby, le journaliste victime du syndrome d’enfermement qui l’a reclus dans un corps ne répondant plus à son esprit après une attaque cérébrale, et qui raconte son expérience dans Le scaphandre et le papillon.

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