Philippe Aubert – Rage d'exister https://ragedexister.com Vivre pleinement au-delà du handicap Tue, 04 Jul 2023 14:05:47 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.5.15 Lancement de l’Association des Anciennes, Anciens, des Amies et Amis de l’EREA Toulouse Lautrec le 30 juin 2023 https://ragedexister.com/lancement-de-lassociation-des-anciennes-anciens-des-amies-et-amis-de-lerea-toulouse-lautrec-le-30-juin-2023/ Tue, 04 Jul 2023 15:00:02 +0000 https://ragedexister.com/?p=786 Lancement de l’Association des Anciennes, Anciens, des Amies et Amis de l’EREA Toulouse Lautrec le 30 juin 2023 Lire la suite »

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Vaucresson, le 30 juin 2023

Dans le cadre du lancement de l’Association des Anciennes, des Anciens et des Amies, des amis de l’établissement régional d’enseignement adapté, voici la vidéo de ce qui s’est vécu et dit vendredi 30 juin 2023 dans les locaux de l’EREA Toulouse-Lautrec.

Si le lieu est maintenant connu par la série éponyme de TF1, il est surtout un établissement réel basé à Vaucresson (Ile-de-France) depuis 1980.

Ce sont des centaines, des milliers d’élèves, de parents, de familles, de proches, d’aidants et de professionnels éducatifs, administratifs, liés au Centre de Soins et de Rééducation (CSR) qui se sont succédés dans ses locaux.

Une mixité dont le lieu peut être fier, et qui marque une philosophie pragmatique que l’Association des Anciennes, des anciens et amies, amis de l’EREA souhaite témoigner.

Cette vidéo n’est pas le reflet exhaustif de toutes les expériences vécues depuis 1980, mais vient manifester combien chaque personne qui a franchi les portes de l’établissement en est ressortie différente, transformée et a transformé les autres à son tour.

J’ai vécu douze années comme élève de l’EREA Toulouse-Lautrec.

Il me tenait à coeur de longue date de pouvoir réunir l’ensemble des personnes, toutes générations et toutes professions confondues, autour de l’expérience en commun d’avoir “fait Toulouse-Lautrec” dans nos vies !

Je remercie chaleureusement M. Jean-François Gesbert, Proviseur de l’EREA Toulouse-Lautrec, ainsi que les personnels qui ont permis d’accueillir cette première réunion, dans les conditions que l’on connaît.

Merci également à Yahia Bouchouicha, Président des PEP 92, qui gère le Centre de Soins et de Rééducation (CSR) de l’EREA Toulouse-Lautrec, ainsi que Mme Dominique GILLOT, administratrice de la Fédération Générale des PEP pour leur présence et leurs mots d’encouragements chaleureux.

J’associe les membres du Lions Club Saint-Cloud – Garches – Vaucresson pour leur présence à nos côtés. Ils manifestent l’engagement citoyen et l’ouverture sur le territoire local, en même temps qu’un formidable relais dans la société pour nos futures actions.

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#EREA #EREAToulouseLautrec #ToulouseLautrec #association #PhilippeAubert #RageDexister

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Question à Monsieur le Président Emmanuel Macron lors de la Conference Nationale du Handicap le 26 avril 2023 https://ragedexister.com/question-a-monsieur-le-president-emmanuel-macron-lors-de-la-conference-nationale-du-handicap-le-26-avril-2023/ Wed, 26 Apr 2023 17:09:21 +0000 https://ragedexister.com/?p=763 Question à Monsieur le Président Emmanuel Macron lors de la Conference Nationale du Handicap le 26 avril 2023 Lire la suite »

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Palais de l’Elysée, le 26 avril 2023

Monsieur le Président de La République,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs,
Bonjour.

Je m’appelle Philippe Aubert.

Je préside le Conseil des questions sémantiques, sociologiques et éthiques du CNCPH.

Et, comme vous le constatez, je n’ai pas l’usage de la parole, et je m’exprime aujourd’hui au moyen d’une synthèse vocale.

Je souhaite ici être le porte-parole d’un certain nombre de personnes et d’organisations, notamment Isaac Francophone dont je suis membre du Conseil scientifique, pour évoquer devant vous les questions de la CAA, la communication alternative et améliorée, vecteur essentiel de l’autodétermination de beaucoup de personnes en situation de handicap, dans leur quotidien.

Cette forme de communication est un besoin vital. Elle doit être connue et visible de tous, partout, tout le temps.

C’est une forme d’éthique de vie, de volonté et de patience.

Un exercice souvent difficile pour tous, mais indispensable.

Ce n’est ni un outil spécifique, ni une méthode particulière, mais la somme de tous
les outils et stratégies nécessaires au respect de l’autonomie de la personne pour dire ce qu’elle veut, quand elle veut, avec qui elle veut et où elle veut.

Elle est le produit de notre expérience directe, celle de nos familles et de professionnels attentifs à nos besoins.
Elle concerne les personnes en situation de handicap de communication, les personnes malades hospitalisées privées de parole, les personnes âgées qui n’arrivent plus à parler.  ; mais cela peut aussi servir plus largement à l’apprentissage de la langue.

Afin que ceci ne soit pas juste un rêve, mais devienne une réalité, il faut que tous ces outils, toutes ces stratégies aient leur place pour aider les personnes à communiquer !

La CAA doit être présente dans les écoles, dans les lieux culturels, dans les rues, et cætera …

Ceci doit être pris en charge.

Chaque utilisateur a besoin d’outils, quelquefois de technologies avancées, mais son déploiement doit être assuré par des assistants de communication formés, et également pris en charge.

Accompagner les jeunes enfants et leurs familles à démarrer la CAA est un travail de longue haleine, mais surtout un travail qu’il faut continuer toute la vie durant !

C’est un tremplin indispensable vers la pleine citoyenneté à la fois politique, sociale et professionnelle. Elle permet, en prenant part aux débats, de faire bouger les lignes.
Un puissant moyen d’agir ; c’est parler pour exister ; c’est parler pour proposer.

Aussi la question que j’aimerais vous poser est la suivante :

Comment faire en sorte que la CAA devienne réellement l’affaire de toutes et tous, ici et dès maintenant ?

Je me tiens à votre disposition pour toute question.  Et je vous remercie pour votre écoute.

Philippe Aubert

 

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Universités d’été 2022 Démocratie et Spiritualité propos par Philippe Aubert https://ragedexister.com/universites-dete-2022-democratie-et-spiritualite-propos-par-philippe-aubert/ Sun, 11 Sep 2022 09:44:52 +0000 https://ragedexister.com/?p=756 Universités d’été 2022 Démocratie et Spiritualité propos par Philippe Aubert Lire la suite »

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Lyon, le 11 septembre 2022

Je vous remercie de me donner la parole.
Je vais commencer par une petite provocation, en vous disant que j’ai un atout par rapport à vous : je suis un homme inutile !
Je vous renvoie d’emblée à un livre de Pierre-Noël Giraud, intitulé justement « L’Homme inutile », et sous-titré « Du bon usage de l’économie ».
C’est un livre d’économie, mais que j’ai lu, en sociologue d’abord, puis de mon point de vue de personne singulière.
Il m’a fait comprendre que, derrière les modèles économiques, se propageait un modèle anthropologique.
Une vision de l’homme et de la société, mais aussi une réalité tangible.
L’homo économicus, n’est pas une fiction, c’est un humain réel, mû réellement par les valeurs du calcul rationnel, et agent du marché.
En ce sens, c’est un humain utile !
L’utilité est, d’ailleurs, la valeur suprême de son comportement.
Tout ce qui a de la valeur est utile et réciproquement.
Dans son dernier rapport, l’IPBES, l’équivalent du GIEC pour la biodiversité, a analysé les systèmes de valeur prévalant dans les rapports à la Nature, et démontre que le présupposé utilitaire conduit inévitablement à ne pouvoir considérer la nature que comme une ressource, sans pouvoir lui attribuer de valeurs intrinsèques.
Dans le même esprit, les travaux de Hartmut Rosa sur l’Accélération, puis ceux sur la Résonance montrent que nos comportements, même sensibles, reposent sur ce sentiment de disponibilité utilitaire du monde autour de nous, au rythme des temporalités imprimées par nos sociétés.
Le paradoxe de cette situation, c’est que l’humain domine tout, mais ne contrôle plus rien. Ni à l’intérieur de nos sociétés, ni à l’extérieur.
Le secteur de la santé est un bon exemple de ces impasses.
Donc, pour me résumer, c’est cet utilitarisme qui domine nos valeurs et détermine nos comportements.
Mais, paradoxalement, l’homme utile est un homme démuni !
On ne dira jamais assez que cette société fondée sur l’utilitarisme et se targuant d’efficacité et de productivité optimales produit des masses de biens inutiles, des déchets, et des gaspillages incommensurables.
D’où, la réflexion nécessaire sur les besoins essentiels pour une bonne vie !
On peut lire comme antidote : « Le manifeste de l’utilité de l’inutile », par Nuccio Ordine.
Je me suis permis cette digression pour vous exprimer le point de vue avec lequel je vais intervenir sur ces Universités d’été.
J’ajouterais que ce point de vue d’homme inutile m’amène sans doute à survaloriser l’expérience vécue aux marges de notre société d’utilité. Mais, c’est un regard grossissant et non déformant.

Dans son propos sur Simone Weil, Nathalie Calmes Cardoso a eu cette phrase étonnante pour moi.
Je la cite : « Aussi, la réflexion weillienne nous laisse-t-elle entendre les échos d’un désarroi, qui, tout en étant historiquement situé dans une période qui n’est plus la nôtre, éclaire pourtant aujourd’hui nos propres inquiétudes. »
Je me suis senti alors très proche de Simone Weil, d’autant que sa volonté d’incarner ses engagements fait aussi résonance avec mes convictions sur les conditions d’accès à la connaissance.
J’y reviendrai.
Mais, la référence à nos propres inquiétudes actuelles m’a révélé un sous-entendu, terriblement présent dans ces Universités d’été, à savoir un sentiment de gravité face aux dangers, et aux incertitudes du monde qui vient.
Mathilde Imer l’a dit avec force en exprimant son éco-anxiété, et celle de sa génération.
Je la partage profondément.
Je pense que cette analyse qui étreint beaucoup de participants aurait pu être plus explicite.
Pourtant, je partage aussi profondément l’optimisme volontaire de Pierre Giorgini sur « Oser le futur ».

Comment agir dans un tel contexte ?

Nous sommes ici, je crois, au cœur de ces Universités d’été ; d’un côté, un diagnostic implicite assez noir sur les réalités du monde en devenir, et de l’autre, une foi très forte dans la capacité à construire une éthique de l’action, susceptible d’assumer un profond changement de civilisation.
Dans cette voie, je crois que faire appel à Paul Ricoeur est opportun.
D’autant, que François Dosse, nous a révélé ses proximités de pensée avec Hans Jonas et Michel Serres.
Ces références me permettent d’introduire une réflexion sur le point de vue à adopter pour élaborer cette éthique nécessaire, et peut-être ses supports utopiques évoqués dans la question d’ouverture de ces Universités d’été.
Comment inspirer les utopies nécessaires au monde qui vient ?
Hans Jonas a écrit : « Seule la vie peut connaître la vie », et Michel Serres a introduit le « Contrat naturel ».
Ma question est alors : n’est-on pas confronté à un changement de civilisation qui, non seulement bouleverse les équilibres internes de nos sociétés, mais aussi tout notre rapport au monde ?
Je suis personnellement très sensible aux nouveaux cadres de pensée qui émergent peu à peu des travaux sur le changement climatique et l’évolution de la biodiversité.
Les considérations sur le vivant – je pense notamment au dernier livre de Dominique Bourg et Sophie Swaton « Primauté du Vivant, Essai sur le pensable » – ouvrent des perspectives considérables pour concevoir de nouveaux modes d’action.
En particulier, nos sociétés ne peuvent échapper à des questions fondamentales sur nos connaissances et leur utilisation.
Pierre Giorgini, nous a dit, en réunion d’approfondissement vendredi après-midi, que nos sociétés étaient passées du “connaître pour faire” au “faire pour connaître” avec les technosciences, et que nous allions vers le “faire sans comprendre” avec nos manipulations du vivant.
Le transhumanisme et le post-humanisme sont des humanismes, pensés par des humains pour des humains ! Que cela nous choque ou non !
On comprend mieux alors la profondeur du titre du livre, plein de sagesse et d’humilité, du centenaire Edgar Morin « Connaissance, ignorance et mystère ».
Ce vingt et unième siècle ne signe-t-il pas alors l’apogée des sociétés démocratiques oligarchiques, et en même temps leurs crises, comme l’a aussi évoqué Mathilde Imer ?
Pierre Giorgini a, de son côté, parlé, dans son exposé, du paradigme de l’endo contribution, sorte de solution exutoire, antidote nécessaire face à l’engorgement auquel conduit l’exo-contribution, centralisatrice et descendante.
On voit bien qu’on est ici confrontés directement à une révolution de nos modes de fonctionnement économiques et sociaux, et aux valeurs correspondantes.
Pierre Giorgini a évoqué, sans développer ce sujet, l’économie de la contribution, chère à Bernard Stiegler.
Ceci, donne toute son actualité aux recherches de nouvelles formes d’expression de l’intelligence collective, comme celle de la Convention Citoyenne sur le Climat.
Mais, cela entraîne nécessairement une très profonde évolution de nos conceptions du social, encore trop centrées exclusivement sur les questions de répartition, et non sur celles du pouvoir d’agir, et du pouvoir de contribuer.
En tant que personne en situation de handicap, je suis particulièrement sensible à cette évolution.
J’évoquais en introduction, l’homme inutile dans une société de l’utilitarisme, avec ses nombreuses trappes à inutilité, condamné à vivre toute sa vie de façon précaire, sans pouvoir faire valoir une quelconque contribution aux communs.
On voit donc bien que la situation de nos sociétés est particulièrement instable, et que nous accédons à un stade que je qualifierais d’explosif, et qui ne peut qu’attiser les violences de toutes sortes.
C’était donc judicieux d’interroger l’œuvre de René Girard.
Ne nous cachons pas que nous sommes sur une poudrière, et pour paraphraser Jacques Chirac : « La Maison explose, et nous regardons ailleurs. ».

Dans ces conditions, peut-on construire une éthique de l’action, inspiratrice d’utopies constructives pour aborder de façon délibérée les métamorphoses nécessaires ?
Je ne sais pas.
Je sais seulement que cette éthique doit être élaborée pour un monde complexe, incertain dans ses réactions, sources d’émergences inédites, positives ou négatives.
Je sais aussi, que cette éthique doit être l’occasion pour l’humain de se décentrer vers le vivant ; il n’est pas le seul habitant de la Terre, mais seulement un co-habitant.
Peut-on construire cette éthique sans prendre en considération les écosystèmes naturels et tout le vivant, à l’heure où certains avancent des droits pour la Nature ?
Je suis sensible à des travaux comme ceux de Corine Pelluchon « Eléments pour une éthique de la vulnérabilité, Les hommes, les animaux, la nature », ou à ceux de Bruno Latour, autour des notions de changement de régime climatique et de zone critique intitulés, « Où Atterrir ? ».
Cette éthique doit aussi encadrer nos connaissances et leurs utilisations.
C’est peut-être ici un point névralgique.
Je reprends ma réflexion du début de mon exposé.
Je me suis rapproché de l’œuvre de Francisco Varela, neurobiologiste chilien ayant développé une relation étonnante avec le Dalaï Lama.
Je retiens pour l’instant comme première leçon, que l’esprit et le corps ne font qu’un, et que l’expérience vécue à la première personne est la seule ouverture possible à la connaissance, à condition qu’elle soit en interrelation avec l’expérience d’autres individus ; et seulement alors, la science, ou la sagesse peuvent apporter concomitamment leurs contributions.
J’ai l’impression que je décris ici, le processus d’intelligence collective que nous a présenté Mathilde, à propos de l’expérience de la Convention Citoyenne pour le Climat.

J’en tire une première conclusion :
Cette éthique me paraît, ne pas correspondre exactement aux catégories de Max Weber : éthique de la responsabilité versus éthique de la conviction. Elle les intègre sans doute.
Elle est une éthique de la complexité et du discernement.
C’est pourquoi, j’ai proposé aux Universités d’été de Démocratie et Spiritualité, l’année dernière, qu’elle soit fondée sur le désarroi, comme évoqué par Nathalie Calmes Cardoso, dans son propos sur Simone Weil.
Le désarroi, ce n’est pas la désespérance, c’est un doute en action. L’acteur qui le vit, évalue avec discernement à tout moment ses fins, ses moyens et ses responsabilités, face aux effets incertains ou inédits de ses actes.
La spiritualité émerge de ce processus, et elle devient alors à son tour, une force créatrice de discernement et d’engagement.
Elle ne surplombe pas l’expérience, mais l’alimente comme l’ont montré dans leurs domaines respectifs Philippe Filliot, et Hajar Masbah, ainsi que Rachid Koraïchi dans le film projeté l’autre soir.

En conclusion, je voudrais illustrer mes propos par quelques réflexions sur la condition du handicap.
Cela peut peut-être avoir une portée plus générale. Je pense aux travaux de Pierre Rosanvallon « Les épreuves de la vie. Comprendre autrement les Français. ».

Les personnes en situation de handicap sont généralement perçues au travers de leurs difficultés, de leurs incapacités, et au regard des conditions des personnes dites valides.

Et, il est parfaitement légitime de traquer sans relâche tous ces obstacles, et de les lever.

Mais, cela ne suffit pas.

Les personnes en situation de handicap ne doivent plus être réduites à leurs incapacités, à ce que j’appelle leur handification ; mais doivent être d’abord vues au travers de leurs capacités, de leurs habiletés à vivre dans un monde encore trop souvent difficilement accessible.
C’est à l’aune de la prise en considération de leurs aptitudes, qu’il faut envisager leur contribution à notre société.
Je postule que les personnes en situation de handicap sont toutes des bricoleurs de génie de la vie ; avec peu, ils font beaucoup.
Pour moi, leur expérience, notre expérience, est un réservoir immense de résilience, de créativité et d’humanité pour notre société, pour notre République.
Au moment de passer le Baccalauréat, je me souviens m’être entendu dire, de façon péremptoire : « A quoi sert d’envisager de passer le Bac, et de faire des études supérieures, puisque tu n’auras jamais d’activités professionnelles ? Ton destin c’est de vivre en foyer occupationnel. »

Beaucoup de choses ont évolué depuis cette époque !

Nous sommes maintenant une génération nouvelle !

Je l’appelle la génération « Vestiaires », en référence à la série télévisée du même nom, gentiment insolente et décomplexée.

Cette génération veut plus, et peut davantage.
Elle ose prendre la parole, communiquer, s’exposer.
C’est aussi un mouvement international !

Non seulement cette génération demande qu’on reconnaisse ses droits, mais avant tout ses capacités, ses capabilités, ses habiletés ; mais aussi, ses compétences, ses connaissances, ses œuvres et ses créations ; et, j’ajouterai ce qui est essentiel, ses responsabilités.
Elle se veut responsable pour elle, mais aussi pour l’ensemble de la société. Elle se veut pleinement citoyenne !
Elle a compris que nous vivions tous des mutations considérables qui nous affectaient tous ensemble, personnes dites valides et personnes en situation de handicap.
J’ai été très intéressé par le livre de Pierre-Noël Giraud, « L’homme inutile », dans lequel l’auteur montre que cette société, fondée sur l’utilitarisme, produit des trappes à inutilité.
Je trouve ce concept très suggestif. La présomption d’inutilité est trop souvent notre quotidien !

Mais, tout change. Tout doit changer !

La Covid 19 nous a déjà amenés à revisiter plusieurs fois la notion de personnes vulnérables, par exemple.

Je sais bien qu’il n’est ni évident, ni simple de concentrer d’abord son attention sur les capacités pour mieux examiner ensuite les difficultés, les empêchements et les inaccessibilités.

Cela se heurte à beaucoup d’habitudes, de représentations et de préjugés, de biais cognitifs et de procédures administratives.

Je crois que nous avons tous ensemble un travail très intense à effectuer, à court et à long terme.

Il est nécessaire de mieux introduire un esprit de recherche et d’expérimentation, de co-construction et d’évaluation, avec ceux qui sont directement concernés.

La clé de voûte de ce travail, c’est la reconnaissance de l’expérience singulière de toutes les personnes en situation de handicap, comme étant notre capital commun ; faciliter son expression, et aider à la communiquer ; traduire, sans trahir.

Accepter de bousculer les habitudes, explorer les chemins de traverse ; pas à pas s’il le faut.

L’accompagnement du pouvoir d’agir, n’est pas celui de la protection, même s’il doit l’intégrer. Il faut certainement des méthodes nouvelles de penser et d’agir.

Pour l’anecdote, j’ai appris l’essentiel de mon vocabulaire, le goût des mots percutants et des phrases qui donnent du sens, qui traduisent des émotions, grâce à ma passion, très jeune, pour la chanson française, alors que je ne pourrai jamais chanter, et qu’il m’est difficile de lire !

Ce matin, je me suis exprimé grâce à la voix de synthèse de mon ordinateur et à ma commande oculaire.
Est-ce une prouesse technique, ou bien le moyen d’une communication réelle et humaine, fruit d’un long processus d’apprentissage individuel et collectif avec l’aide de la technologie ?

« Je ne voudrais pas avoir son existence » : c’est ce qu’une personne a immédiatement répondu récemment, quand mon accompagnateur Noël, lui a présenté mon livre, « Rage d’exister ».
Il y a quelques années, j’ai signé une tribune avec quelques amis pour répondre à une personne qui justifiait de son droit à décider de sa mort, du fait de son risque de dépendance en vieillissant. « La perte d’autonomie, pour moi, c’est la fin de la vie », disait-elle.

Je ne juge pas ces propos et ces attitudes, que je comprends. Ils expriment des émotions très humaines, de peur et de honte.

Mais, ce rejet des conditions de notre existence est la pire des relégations, car il rapporte notre existence à ces conditions, et nous projette dans une extériorité « inhumaine ».

Mon existence n’est pas « enviable » !
Et, « Mieux vaut faire envie que pitié », dit l’adage.

Quel dilemme ! Si on ne peut pas faire envie, il faut se satisfaire de la pitié ; et de tous ses avatars, notamment de la « condescendance bienveillante » !
Toute personne dite « en situation de handicap », quel que soit ce handicap, visible ou non, connaît cette épuisante injonction d’être soi et de croire en soi, malgré l’opinion dévalorisante des autres. C’est une charge psychique énorme. Elle nous pousse aux limites, et nous détruit souvent, sous la forme de la dépression profonde et durable, ou de l’enfermement obsessionnel dans un nombrilisme angoissé.
Elle rend difficile, ou même impossible, inaudible, la construction et l’expression de notre joie de vivre.
Et, aucune politique du handicap ne peut vraiment nous en préserver.
J’allais dire au contraire !

Mais je souhaite être bien compris.

Je ne conteste pas l’apport considérable des politiques publiques vis-à-vis du handicap. Mais, toute action de ce genre « catégorise », ou « norme », donc protège en séparant. Chacun perd sa singularité au sein d’« espèces » séparées : les handicapés et les valides.

Je ne sais pas, moi-même, comment m’exprimer à ce sujet. Aussi, je parle systématiquement de personnes « en situation de handicap » et de personnes « dites » valides pour essayer de montrer notre commune humanité, et notre commun besoin d’exister pour vivre.

« Vivre en existant » est le titre d’un des derniers livres de François Jullien. Il s’adresse à nous tous. Chaque femme, chaque homme, porte cette question « existentielle ».

Et, Alain Ehrenberg nous montre bien dans, « La Fatigue d’Être Soi » que cette charge psychique est aussi une forme particulière de l’individualisme contemporain. Nous sommes tous menacés de sombrer dans une sorte de « burn-out existentiel » ; non pas du fait de notre handicap, mais du fait des exigences de nos conditions sociales de vie.

C’est pourquoi, j’affirme que :
Le handicap n’est pas un malheur, mais un défi individuel et collectif ;
Et, qu’il n’est pas non plus une incapacité en soi, mais un degré de vulnérabilité.

Vulnérabilité, caractère commun à tous les humains, et qui nous rend responsables les uns les autres (si je peux faire ici référence à Emmanuel Levinas ; aux travaux et aux ouvrages de Corine Pelluchon, et, à ceux des Chaires animées par Cynthia Fleury, notamment « Le Soin est un Humanisme »).

Peut-on fonder une conscience commune de notre société, à partir de cette approche ?

Je crois que ceci est possible, si nous associons « vulnérabilité » et « pouvoir d’agir ».

La vulnérabilité humaine n’est pas un état, mais un processus individuel et collectif. La vulnérabilité est une force considérable si les autres nous « autorisent » entre guillemets, à l’utiliser, pour leur bien, comme pour le nôtre.

Moi qui vous « parle », je n’ai jamais prononcé un mot, ni écrit un mot de mes propres mains !

Je sais donc, ce que je me dois, et, ce que je dois aux autres, mais c’est « indémêlable », indissociable !

« Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres » disait Hannah Arendt.
Ce qui est sûr pour moi, c’est que je n’en serais pas là si, moi avec des autres, je n’avais pas « osé ». Oser ce que certains pensaient impossible.

Et, si l’audace était, comme la vulnérabilité, le propre de l’humain, comme être vivant, individuellement, et collectivement, indissociablement ?
Vulnérabilité et audace ; audace et vulnérabilité.

Humilier quelqu’un, c’est le priver de la possibilité d’exercer cette audace, de construire sa légende personnelle avec les autres.

Le handicap, quel qu’il soit, peut dégager une force de vie colossale.

Mais, il y en a encore tant qui restent privés de ce pouvoir d’agir, ou qui n’osent pas le saisir.

Face à une certaine inertie, soyons impertinents, comme nous y invitait Michel Serres, dans son ouvrage intitulé « De l’impertinence aujourd’hui », voire avec un peu de dérision, comme nous y convie la chouette série télévisée « Vestiaires ».

Souvenons-nous du « Cancre » de Jacques Prévert, et soyons tous des cancres !

« Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Les chiffres et les mots
Les dates et les noms
Les phrases et les pièges
Et, malgré les menaces du maître
Sous les huées des enfants prodiges
Avec les craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur. »

En réalité, il s’agit de repenser profondément une éthique du handicap, à partir de cette « audace » des plus vulnérables de vouloir et de pouvoir agir, donc d’exister. Et, il s’agit de la transposer dans toutes nos institutions, celles du handicap, et les autres.

Ceci se fera « avec » nous, les personnes en situation de handicap, non pas « pour » nous, mais « PAR » nous. Et, je souhaite insister sur le mot, par !

Nous sommes dans un autre « espace-temps ». Un autre souffle doit présider à la mise en œuvre nécessaire des valeurs d’émancipation et de création, de singularisation, de différenciation sans discrimination, de protections innovantes et ouvertes.

Ma conviction, c’est que la société ne deviendra inclusive que si elle se construit avec tous, sur les problèmes de notre époque, à partir des conditions de notre temps. Ce n’est pas un idéal formel pour demain, mais, une construction sociale « incarnée » entre guillemets, d’aujourd’hui.

Nous sommes, et nous allons être confrontés à des problèmes considérables, dont le moindre n’est pas les révolutions induites par l’évolution exponentielle des techno-sciences, l’intelligence artificielle, l’épigénétique, la biologie, les neurosciences. Le monde du handicap n’est-il pas déjà un « secteur de pointe », et d’innovations pour tester les heurts et malheurs de ce que l’on appelle « l’homme augmenté » ?

Soyons les « vigies » attentives de l’humanité, sorte d’humanitaires d’un nouveau genre, vis-à-vis des promesses sérieuses, mais aussi, des excès ou des abus d’une certaine « prétention » technologique ; et, non pas des cobayes passifs.

Armons-nous pour être à la hauteur du point de vue éthique et pratique.

C’est pour cela, que je pense que les personnes en situation de handicap doivent être au coeur de la société, et du monde qui vient des « militants » actifs de la transition écologique, à même d’aider à « rebattre les cartes », pour créer des nouveaux leviers et espaces d’inclusivité, et d’exercer ainsi leur pleine citoyenneté.

Pour « oser la Fraternité Heureuse », programme-slogan que j’ai proposé il y a quelques années !
Fraternité, ce terme, si peu mis en exergue, de notre belle devise républicaine « Liberté, Egalité, Fraternité », et pourtant, seul en mesure de relancer les deux autres termes, trop souvent réduits, l’un, la Liberté, à la simple autonomie, et l’autre, l’Égalité, à la solidarité.

Le mot Heureux, entre en résonance avec le titre du Programme de la Résistance.

« Les Jours Heureux », car exister, c’est d’abord résister avec espérance.

C’est à quoi nous invite aussi Boris Cyrulnik avec ce beau titre « La nuit, j’écrirai des soleils ».

A la fin de ce propos aujourd’hui, je tiens à vous remercier de votre attention. pour votre invitation à être votre grand témoin pour cette université d’été de Démocratie et spiritualité.

Je vous prie de m’excuser pour le caractère improvisé de mon intervention. C’est un peu le principe de ce genre d’exercice. Je vous fais ici la promesse de vous faire parvenir ultérieurement un propos par écrit, plus réfléchi, sur ces trois jours.

Je souhaite que mes propos apportent de l’eau au moulin des synthèses et réflexions qui suivront ce matin. et me tient à votre disposition pour en échanger.

Et, je vous fais une légère explication de la musique qui va suivre. Il s’agit du générique du film Jeux interdits. Il m’est particulièrement cher, car il s’agit de la musique qui, à deux ans et demi, apaisait mes nuits loin de mes parents, dans mon premier foyer de vie. Mon premier souvenir. Encore très vivace.

Merci.

Philippe AUBERT

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La qualité compte dans la prise en soins dentaires par Philippe Aubert IADH 2022 International Association for Disability and Oral Health https://ragedexister.com/la-qualite-compte-dans-la-prise-en-soins-dentaires-par-philippe-aubert-iadh-2022-international-association-for-disability-and-oral-health/ Wed, 24 Aug 2022 16:41:57 +0000 https://ragedexister.com/?p=747 La qualité compte dans la prise en soins dentaires par Philippe Aubert IADH 2022 International Association for Disability and Oral Health Lire la suite »

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Issy-les-Moulineaux, Paris, le 24 août 2022

 

Mesdames, Messieurs bonjour,

Je tiens à remercier tout d’abord les organisateurs de ce colloque IADH pour leur invitation à m’exprimer devant vous aujourd’hui.

Merci  d’organiser l’événement en présentiel, dans un contexte si difficile ces deux dernières années. Le fait d’être ici, ensemble, est déjà un défi réussi.

Je tiens également à exprimer ma gratitude au réseau français SOSS France, qui m’avait invité à m’exprimer en 2020.

C’est aujourd’hui la première fois que j’utilise ma synthèse vocale pour m’exprimer en Anglais.  Je suis ravi de le faire avec vous.

Merci enfin à chacune et chacun d’entre vous d’être venu assister à ce congrès et ainsi vous rassembler pour discuter des pratiques inclusives du handicap dans le soin dentaire spécifique.

Quelques mots à mon propos. J’ai 42 ans, et je vis avec une paralysie cérébrale depuis ma naissance.

Je suis athétosique de surcroît, ce qui fait que je n’ai pas le contrôle de mes mouvements. Je n’ai pas non plus la fonction de la parole,  ce qui m’oblige à vous parler via une synthèse vocale que je commande par voie oculaire !

J’ai conscience que cela peut être compliqué de me comprendre. L’équipe qui m’entoure et moi-même avons fait en sorte de donner un rythme et des pauses suffisantes pour vous permettre de tenir la durée de mon propos.

J’aimerais démarrer maintenant le fond de mon propos sur l’importance de la qualité de la relation. Et pour moi, la qualité et ce qui compte le plus se traduit par l’écoute. 

L’écoute des besoins du patient. Savoir donc entendre, comprendre, saisir ce que chaque patient veut dire.

Chaque patient est différent. Vous le savez bien.

L’écoute passe par une relation dans le temps. Prendre le temps, en tant que professionnel pour expliquer à l’avance, sur plusieurs jours, mois et années si besoin, en quoi consiste la séance du jour.  Adapter les mots à la compréhension de chaque patient.

Dédramatiser le séjour à l’hôpital peut se faire en proposant qu’une personne qui accompagne et connaît bien le patient reste à ses côtés durant la séance ou l’hospitalisation, si les conditions d’accueil le permettent.

L’écoute, ou prendre soin, passe également par le fait de faire en sorte que le cabinet soit un univers rassurant,  tout comme les gestes et attitudes de l’équipe qui prend en charge la personne qui a besoin des soins dentaires.

A plus forte raison si le patient doit faire les soins en milieu hospitalier,  et notamment sous anesthésie générale, ce qui est mon cas.

L’écoute, c’est envisager qu’il ne s’agit pas uniquement soigner à proprement parler, mais penser à l’esthétique, au rôle social des dents, et à la manière dont la chirurgie va impacter la vie de la personne qui reçoit les soins.

Concernant l’écoute comme sens corporel, il me semble essentiel de faire le lien avec la façon dont je m’exprime.

Dès mon enfance, avant la maîtrise de l’alphabet et du français, j’ai communiqué, en  utilisant toujours beaucoup mon visage et ses expressions.

Encore maintenant, cela reste un moyen capital pour exprimer mes émotions, qui ne peuvent pas toujours transparaître à travers ma voix numérique !

J’ai pris notamment très tôt conscience du rôle des yeux, du regard.

C’est grâce à mes yeux que mes proches ont très tôt saisi ma soif de communiquer, et de me faire entendre.

Mais je n’avais pas saisi l’importance de ma bouche, puisque je n’ai jamais pu prononcer un mot, ni même émettre des sons compréhensibles.

Donc, ma bouche et mes dents m’étaient nécessaires pour manger, mais pas pour communiquer.

Mes dents ont d’ailleurs plutôt longtemps été une source de désagréments, compte tenu des difficultés que je devais vivre pour les soigner.  Je vais vous en parler plus tard.

Ce n’est donc qu’assez récemment que j’ai pris conscience que ma bouche et mes dents jouaient un rôle important dans mon expression et mon esthétique.

Il a fallu que j’en vienne à des extrémités pour devoir me faire refaire presque totalement la mâchoire, afin que je puisse revendiquer, et apprécier enfin ma bouche et mes dents.

Et c’est grâce aux regards des autres sur moi, que j’ai pu découvrir mon visage, sa représentation et mon droit à croquer la vie à pleines dents.

Donc, mon propos aujourd’hui peut être mordant !

Mais rassurez vous, je ne mords pas !

Je veux simplement témoigner que pouvoir se soigner les dents, c’est plus qu’un acte médical pour soi, c’est un acte de dignité, un acte de reconnaissance, pour soi et les autres.

Cela participe à la construction de soi, mais aussi à notre existence avec les autres.

Mais le parcours dentaire peut être difficile, notamment pour des personnes comme moi, en situation de handicap.

Concernant les liens entre esthétique, écoute des patients, prise en soin, respect, il me vient une anecdote.  Si on ne m’avait pas soigné à temps, j’aurais été contraint de manger de la nourriture uniquement mixée.  Le soin dentaire spécifique favorise donc, en plus, la socialisation des personnes soignées.  Dans le sens où de fait, il me serait plus compliqué de me rendre dans des restaurants, et demander que tout le repas soit mixé,  ou aller chez des amis et ne pas goûter les mêmes plats que les autres, partager un gâteau d’anniversaire par exemple.

Quand je réfléchis à cette relation de soin, je fais des liens entre celui qui les reçoit et celui qui les donne.  C’est pourquoi, selon moi, l’aspect nécessaire de l’écoute de chaque professionnel est une évidence également.

Ce sont des métiers de soin, faits par des personnes qui peuvent aller jusqu’à prendre davantage soin des autres que d’eux-mêmes.  Qui donnent de leur temps, de leur énergie, de leurs compétences au service, et parfois s’oublient en chemin.

Si je suis aujourd’hui connu dans mon entourage pour être un homme au sourire éclatant et aux yeux rieurs, je suis très conscient que c’est une chance pour moi, et je sais à qui je le dois :

Au réseau français SOSS France, membre de l’IADH.

C’est encore aujourd’hui pour moi l’occasion de remercier les chirurgiens-dentistes qui ont procédé aux opérations de soin dentaire, qui en partie m’ont sauvé la vie !

J’aimerais illustrer mon propos par une série d’anecdotes sur mon parcours de soins,  et ensuite aborder avec vous les enseignements que j’ai pu en tirer.

Lorsque je vivais tout jeune dans un Institut d’Education Motrice, et que le dentiste venait, je filais exprès loin pour que les infirmières oublient que j’avais un rendez-vous dentaire.

Après, durant plusieurs années, j’ai dû subir plusieurs anesthésies générales, en moyenne une par an, afin de soigner toujours le même problème de caries.

Un jour, à 12 ans, mon oncle qui est chirurgien dentiste a voulu examiner mes dents dans son cabinet.

J’ai failli d’abord avaler la petite plaque radio qu’il m’avait mise en bouche.

Ensuite, j’ai failli casser le siège et l’ensemble du plateau d’examen ; ils étaient pourtant 4 hommes adultes à me tenir les bras et le corps.

Ma première opération dentaire a eu lieu l’année de mes 8 ans. J’ai vu débarquer un aide-soignant immense, qui m’a conduit au bloc opératoire.

Effrayé par sa taille, je me débattais sur le brancard.

Une autre fois, je me souviens avoir été accueilli, entre guillemets, par une infirmière, également complètement apeurée par moi, et qui m’a collé un masque d’ anesthésie sur le visage.

Après, dans la salle de réveil, reprenant progressivement conscience, je me suis mis à bouger sur le brancard. J’avais peur de tomber au sol parce que les barrières ne recouvraient pas la totalité du brancard.

Cela s’est malheureusement reproduit lors des opérations suivantes également.

Ce qui indique un manque de formation des personnels aux différents types de handicaps, à l’époque.

A l’adolescence, au sein de l’établissement scolaire spécialisé au sein duquel je suis resté douze ans, je faisais contrôler mes dents par le dentiste qui venait dans l’établissement.

Durant les années où j’avais entièrement confiance en mon éducateur référent,  on a même réussi à me soigner les dents dans le cabinet, après m’avoir tranquillement tout expliqué, et après m’avoir donné un petit calmant pour apaiser mes peurs.

Par contre, les fois où cela ne marchait pas, la dentiste me donnait une prescription pour aller à l’Hôpital Saint Vincent de Paul pour me programmer une anesthésie générale.

Une fois, j’ai oublié volontairement de la donner à mon père. Ca n’est qu’une fois l’été terminé , en ouvrant mon sac à dos, qu’il a remis la main dessus !

J’ai vécu plusieurs moments particulièrement traumatisants, notamment des bribes de phrases entendues, enfant et ado, après des opérations, telles que   “il est fou” ou bien  “à quoi bon le laisser vivre ?” de la part de différents niveaux des personnels médicaux, en particulier en soins dentaires !

Avant de trouver Handident en 2017, nous avons fait le tour de tous les hôpitaux de la région de Paris.

Le souci : ils ne proposaient que d’extraire les dents !

La recherche de soins dentaires adaptés pour moi a duré très longtemps.

Heureusement, une amie dentiste, lors d’un voyage en Floride, a fait la rencontre d’une personne qui connaissait un réseau nommé Handident, et a permis de faire la connexion.

J’ai eu la possibilité de prendre la parole lors du dixième anniversaire de ce réseau, pour dire  qu’ils avaient changé ma vie.

A cause d’un bruxisme prononcé, j’étais arrivé à presque complètement araser mes dents, et j’allais progressivement vers de graves difficultés pour mâcher et manger.

L’accueil chaleureux, respectueux valait l’attente, tant la qualité humaine était présente au cœur de la démarche de ce réseau !

Cela a fait toute la différence pour moi !

L’homme adulte que je suis aujourd’hui, est mieux épanoui, ose sourire, et rayonne maintenant grâce à eux.

J’ai plus de 40 ans, et presque toutes les dents neuves !

Maintenant, je sais combien dans mon mode de communication, le sourire fait partie de mon identité et participe à construire l’image que je renvoie lorsque je m’exprime !

Pour l’homme public que je deviens, c’est un véritable atout.

Je vous propose maintenant le point de vue d’une personne en situation de handicap sur les points facilitants et ceux créant des obstacles dans le cadre des soins dentaires. Pour moi, et sûrement pour d’autres personnes en situation de handicap en cabinets dentaires, tout joue un rôle.

La texture des sièges, le transfert de fauteuil, la lumière en pleine tête, les bruits de la fraise et autres outils dentaires, les odeurs typiques d’un cabinet dentaire sont parfois des facteurs déclencheurs de crises soit spastiques, soit de délires, d’angoisses mentales ou autres …

Moi, par exemple, l’odeur de l’eugénol me donne envie de vomir !

A contrario, il est possible de faciliter le vécu des patients.

Il n’existe pas une seule formule magique qui fonctionnerait à tous les coups pour tout le monde.  Mais il existe peut être un mot magique.

Il s’agit pour moi du respect. Je crois qu’il est important de revenir sur cette attitude, sur cette valeur.

Je suis bien conscient du défi que représente l’écoute des besoins individuels pour les institutions, mais c’est dans cette écoute que naît le respect.

Je souhaite substituer cette notion à celle, très commune dans le milieu médical, de distance professionnelle.

Cette distance veut protéger à la fois les accompagnants et les accompagnés, mais elle est pour moi profondément incompatible avec un accueil et une prise en soin adaptés.

Comment espérer mettre en place une démarche satisfaisante sans s’impliquer émotionnellement, sans donner de soi ?

Je participe aujourd’hui à ce congrès IADH, où je suis convaincu que cette notion de respect, de qualité du soin est centrale, tant dans son processus en création et organisation que dans les ambitions et visées finales.

Je vous l’ai dit, j’ai longtemps cherché une prise en soin qui soit satisfaisante pour moi, concernant mes besoins dentaires spécifiques. 

Je n’ai rencontré un réel respect qu’auprès d’Handident.

Vous l’aurez peut être remarqué, mais je parle de prise en soin (“taking care of”), et non de prise en charge (“being in charge”).

C’est volontaire ; d’ailleurs, si j’ai pu avoir souvent l’impression d’être une charge lors de mon accueil dans un cadre médical, j’ai vraiment ressenti qu’on me prenait en soin, et non plus en charge chez Handident !

Ce changement tout simple de vocabulaire illustre un changement bien plus profond dans la façon de m’accueillir, et de se mettre à l’écoute de mes besoins.

En somme, ce vocabulaire est plus respectueux, plus humain.

Si cette expression peut témoigner d’un état d’esprit, elle peut aussi marquer le début d’une prise de conscience.  Les mots ne sont pas innocents !

Aussi, j’aimerais maintenant aborder avec vous un sujet qui me tient à cœur,  et qui est pour moi en lien étroit avec la prise en soin des personnes en situation de handicap, notamment dans le cadre de soins dentaires.

La grande question de l’inclusion des personnes en situation de handicap, est souvent rapportée à la question de l’autonomie, en relation avec  la vulnérabilité.

Sur ce sujet, je suis sensible aux pensées de Paul Ricoeur, concernant la mise en relation des concepts de vulnérabilité et d’autonomie.

D’une part, il nous invite à reconnaître que nous sommes tous vulnérables, et, d’autre part, il propose de considérer  l’autonomie comme une réalité d’interdépendance et de lien avec les autres, une identité relationnelle.

Comme le commente la philosophe Cynthia Fleury, pour Paul Ricoeur,  l’autonomie est la possibilité d’attester de soi, et la vulnérabilité est la difficulté de cette attestation.

La personne en situation de handicap  est donc victime, d’une part, du soupçon de l’impossibilité d’attester de soi,  et d’autre part d’être considéré de ce fait, irresponsable. 

Une double peine, en somme !  une injonction existentielle traumatisante.

Être autonome, c’est alors aussi être identifié par soi et par les autres comme un sujet, décideur de ses propres actes. C’est aussi avoir confiance dans sa propre capacité à être ce sujet.

Pardonnez-moi ce commentaire un peu philosophique, mais je ressens personnellement très fort son sens pour m’expliquer mon attitude et mon combat pour assurer le respect de chaque personne à être mis en situation de responsabilité et de pouvoir agir.

C’est là que je veux faire le lien avec ma présence aujourd’hui devant vous.

C’est ici que prend racine mon utilisation du terme de respect, et de l’expression “prise en soin”.

Paul Ricoeur encore, définit le rôle du soignant comme étant d’encourager, d’accompagner et de soutenir le sentiment d’être capable, la confiance dans cette identité de sujet acteur et décideur.

Le soignant, et plus largement la structure d’accueil, doit susciter chez la personne vulnérable, et autonome en devenir, un sentiment de capacité, ou en tout cas laisser la porte ouverte à la possibilité de ce sentiment.

Je rejoins profondément cette réflexion.

Il est essentiel, selon moi, de sortir de cette conception de l’autonomie par opposition à la vulnérabilité.

Nous sommes tous, en permanence, autonomes et vulnérables à la fois.

La personne autonome est alors, celle qui est en capacité de construire son récit de vie en composant, AVEC sa vulnérabilité.

Cette dernière n’est alors plus stigmatisante, mais une simple composante de son identité.

Je mesure pleinement au regard de mon parcours dentaire, les difficultés que vous pouvez rencontrer pour avancer dans cette voie avec des personnes en situation de handicap.

Mais vous intervenez sur ce qui est, selon Emmanuel Lévinas, le lien primordial de la reconnaissance de l’autre, le visage.

D’un point de vue pratique et professionnel, l’expérience que j’ai vécue avec Handident, me fait espérer que ce soit faisable pour d’autres personnes, mais cela suppose que toutes les institutions qui entourent le praticien dentaire, se plient à cette nouvelle approche, qui a un coût humain et financier.  et qui donc fondent un projet collectif pour la société.

Pour conclure, j’ai bien conscience que mon propos est coloré par ma nationalité française. Nous avons notre façon de faire les choses, notre relation au handicap spécifique, notre modèle de système de santé. Cela implique des réalités différentes de par le monde, pour la gestion de la crise COVID de que nous connaissons, mais aussi pour les prises en soin ordinaires. Par exemple, selon les systèmes de santé, le reste à charge pour le patient n’est pas nécessairement le même, ce qui peut jouer sur la prestation et les attentes de ce dernier.

Et ces attentes sont en mutation. Je parle souvent dans mes propos d’une génération que j’appelle “vestiaire”, en référence à une série française sur le handicap. Cette génération veut participer pleinement, et je crois qu’elle se retrouve aussi dans la question du soin. Les patients en situation de handicap ont des attentes différentes, voulant une prise en soin et un accompagnement qui écoute leurs besoins spécifiques et les mettent en confiance.

Mais cette génération de patients grandit en parallèle d’une génération de professionnels, formés autrement et qui sont en quête de sens et d’impact social dans leur parcours et leur pratique professionnelle.

Je crois que cette réalité peut être la source d’une valorisation à la fois des patients dans l’écoute de leurs attentes, mais aussi des professionnels dans la façon dont ils apportent des réponses toujours plus adéquates aux défis que leur présentent leurs patients.

Je suis convaincu que tout cela passe par ce que je vous ai présenté, une relation de confiance et d’humanité, dans un respect qui élève tout à la fois le dentiste dans son rôle de soignant et la personne comme sujet de droits. Une relation dans laquelle la personne qui reçoit les soins est rendue active en tant que patient dans la préparation et le vécu de son parcours de soin.

Je ne voudrais pas conclure sans préciser que, pour moi, votre préoccupation rejoint une action plus globale qui donne peut-être une orientation plus significative, à la notion de société inclusive.

Je m’appuierai pour cela sur la définition de la politique du Care, donnée par une de ses initiatrices Joan Tronto :

“Activité caractéristique de l’espèce humaine, qui recouvre tout ce que nous faisons dans le but de maintenir, de perpétuer et de RÉPARER notre monde, afin que nous puissions y vivre aussi bien que possible.

Ce monde comprend nos corps, nos personnes et notre environnement, tout ce que nous cherchons à relier en un réseau complexe en soutien à la vie”.

Je vous invite aussi à vous poser les deux questions suivantes.

Quels partenariats mettre en place avec les patients de plus en plus formés, experts de leurs pathologies ?

Comment l’éducation thérapeutique du patient peut-elle s’envisager dans le milieu du soin dentaire ?

Pour répondre à ces questions et à bien d’autres, je voudrais oser vous proposer une initiative de recherche collective.

Tout au long de mon exposé, je vous ai fait part de mon expérience de patient, de mes attentes, et j’ai esquissé les grands principes sur lesquels je conçois le rapport entre soignants et soignés.

Mais je voudrais aller plus loin.

D’abord, je ne m’exprime qu’en mon nom propre. De surcroît, je ne représente qu’une infime partie des personnes à besoins spécifiques, et en plus je crois que l’expérience de ces personnes peut servir à toutes et à tous.

Ensuite, et c’est à mes yeux le plus important, je suis convaincu que beaucoup d’entre vous ont des expériences et des pratiques très intéressantes à proposer.

Aussi, je voudrais vous suggérer  de mettre en place un protocole de recherche qui dans un premier temps recueille des pratiques, à travers une grille très ouverte, mais rigoureuse, établie avec votre association et des patients-experts.

Dans un deuxième temps, ce travail pourrait servir de base pour un guide méthodologique et déontologique international que votre association pourrait adopter à un prochain congrès, pour la présenter comme contribution à l’Organisation des Nations Unies.

Je vous prie de me pardonner cette audace.

Ma seule justification est de m’engager à y travailler activement.

J’ai personnellement engagé une réflexion à partir d’une approche phénoménologique, adaptée notamment par Francisco Varela et ses travaux en Neurophénoménologie et sur le Bouddhisme.

Ceci pour éclairer le pouvoir d’agir et les conditions d’autonomie et d’autodétermination des individus, et l’importance des interactions qu’ils nouent dans des situations particulières.

Je pense que la situation de soins dentaires présente des caractéristiques qui permettent d’en faire un terrain très propice à éclairer le rôle des patients dans une relation de soins, mais aussi, en interactions l’inventivité des équipes de soignants, inscrites dans une chaîne de coopérations multiples.

Je vous remercie sincèrement pour votre écoute.  Très bon congrès à tous.

Philippe Aubert

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International Association for Disability and Oral Health Quality matters defining quality of care by Philippe Aubert https://ragedexister.com/international-association-for-disability-and-oral-health-quality-matters-defining-quality-of-care-by-philippe-aubert/ Wed, 24 Aug 2022 13:26:51 +0000 https://ragedexister.com/?p=744 International Association for Disability and Oral Health Quality matters defining quality of care by Philippe Aubert Lire la suite »

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Issy-les-Moulineaux, Paris, August 24th, 2022

Good morning, ladies and gentlemen,

First of all, I would like to thank the organizers of this IADH conference for their kind invitation to give a lecture today as a key speaker.

Thank you for organizing this event, in such a difficult context. To have gathered all participants in person here today after the past two years is already a successful challenge.

I would also like to express my gratitude to the French team, SOSS France, which invited me to speak in 2020 about my experience on special dental care.

Today is the first time I’m using my voice synthesizer device to speak in English.  I am delighted to do so with you.

Finally, I would like to thank each and every one of you for attending this congress to discuss inclusive practices in special dentistry care.  It does mean a lot for me and for your patients worldwide.

You have my short biography in the program. But, please let me give you just a few words about myself.  I was born with cerebral palsy 42 years ago.

I also have athetosis, which means I have no control over my movements.

I also have no speech function, which forces me to speak to you, via a voice synthesizer with eye control !  

I am fully aware that understanding me through this system can be complicated. My assistants and I, have made sure to give my speech enough rhythm, and sufficient pauses to allow you to bear with me until the end.

I would like to start my speech now with the importance of the quality of the relationship between patient and dentist. And for me, what matters most is listening. 

Listening to the needs of the patient.  Hearing, listening, understanding what each patient means to say in its own way.  

Every patient is different. You already know that all too well.  

Listening requires a relationship over time.  I invite you to take the time, as a professional, to explain in advance, over several days, months or years if necessary,  what a particular treatment will consist in. You may try and adapt your words to the understanding of each patient.   

To make the hospital less stressful, you may suggest that someone who knows well the patient should stay at her or his side,  whether during or after the time spent in your department, if practical conditions allow for it.

Listening, meaning in that case taking care of, also means making sure that both the department itself and the people working there are welcoming,  as well as the gestures and attitudes of the team that takes care of the person who needs specific dental care. 

This is even more important if the patient has to undergo treatment in a hospital, especially under general anesthesia, if I shall speak about my personal situation.

Listening also means considering not only the treatment, but the social role of good dental aesthetics, and the way in which the treatment will affect the life of the person receiving it.

Listening in its prime sense is the body function. It seems essential to me to make the link with the way I express myself.

Before I mastered the alphabet and the French language, I used to communicate mainly using facial expressions.

Even now, this remains a crucial means of how I express my emotions, something which cannot always be conveyed through my digital voice !

I became aware very early of the role of my eyes, of my gaze.

Thanks to the way I used my eyes, my friends and family understood very early my desire and capacity to communicate and to be heard.

But, since I never pronounced a word, nor even emitted understandable sounds I couldn’t understand the importance of my mouth and dentition.

To me, my mouth and my teeth were necessary to eat, but not to communicate.

Actually, for very long, my teeth were quite a source of problems, considering how difficult it was for me to receive any treatment, but I will tell you more about this later.

Therefore, it is only quite recently that I became aware that my mouth and my teeth played an important role in my expressions and aesthetics.

I had to go to the extreme of having all my teeth replaced so that I could claim, and finally appreciate, my mouth and dentition.

And thanks to the gaze of every person I met since, I was able to discover my face,  its representation and my right to bite into life or crunch life to the fullest.

That’s why my words today might cut and bite !

I simply want to testify that getting dental treatment is more than a medical act for oneself, it is an act of dignity, an act of recognition, for oneself and for others.

It contributes to the construction of your own self, but also affects your relationships with others.

But, a dental journey can be difficult, especially for people like me, with a heavy disability.

I want to create links between aesthetics, listening to the patients, taking care of them and showing respect. That’s why, I have an anecdote.

Had I not been treated in time, I would have been forced to eat only blended food.  So, dental care also favors the socialization of the people with special needs. In the way that it would be more complicated for me and many other people in my position  to go to restaurants and ask for the whole meal to be blended,  or to be invited by a friend and not taste the same dishes as the others, or share a birthday cake for example.

Thinking about the relationship between patients and professionals, I want to focus on the connections between the person who receives care and the person who provides care.

That’s why, in my opinion, the way of  very carefully listening and taking care of, in each dentistry profession is really obvious.

These are caring jobs, performed by people who can go so far as taking more care of others than of themselves.  You dedicate your time, your energy, your skills to your practice, and sometimes you forget yourselves along the way.  We, as patients, whatever needs we require, must pay attention to it too.

If I am now known in my public life as a man with a bright smile and laughing eyes, I am very aware that this is a blessing for me,  and I know that I owe it to the French network SOSS France, member of IADH.

Today is another opportunity for me to thank the dental surgeons who carried out my dental care treatment, which in part saved my life !

I would like to illustrate my remarks with a series of anecdotes about my experience as a dental patient and then discuss with you the lessons I drew from that experience.

When I was very young, I used to live in an institute for physically disabled children. When the dentist would come, I would purposely run away hoping the nurses would forget that I had a dental appointment that day.

Afterwards, for several years, I had to undergo several surgical operations carried out under general anaesthesia, almost one operation every year, in order to treat a recurring problem of dental decays.

One day, when I was 12, my uncle, who is a dental surgeon, wanted to examine my teeth in his clinic.  I almost swallowed the little x-ray plate that he had put in my mouth.

Then, I almost broke the seat and the whole examination tray, even with 4 grown adult men holding my arms and body.

I had my first dental surgery when I turned 8. I saw a huge nurse come in and take me to the operating room.  Scared by his size, I struggled on the stretcher.

Another day, I remember being greeted by a nurse. Completely frightened by me, she immediately stuck an anesthesia mask on my face.

Afterwards, in the recovery room, gradually regaining consciousness, I started to move on the gurney.  I was afraid to fall to the ground because the bars did not cover the entire gurney.

Unfortunately, this happened again during many next operations.

This indicates a lack of training of the staff to the different types of disabilities, at that time.   Especially with invisible symptoms.

As a teenager, in the special school in which I stayed and studied for twelve years, I had my teeth checked by the dentist who came to the school. 

During the years when I had complete confidence in my educational social worker, the dentist even managed to treat my teeth in the surgery,  because he had calmly explained everything to me, and given me a little sedative to calm my fears.

On the other hand, when my special preparation didn’t work, or when I did not trust the people, the dentist had to give me a prescription to go to a specific hospital in Paris to plan an operation under general anesthesia,  because Saint Vincent de Paul hospital was the only place where they would take care of kids with anesthesia.

Once, I purposely forgot to give the prescription to my father. It was only after the summer was over, when he opened my backpack, that he found it.

At that time, as a child and teenager, I have experienced several particularly traumatic moments after some operations, including hearing some snippets of conversation,  such as “he’s crazy”  or “what’s the point of letting him live ?” from various levels of medical staff, especially in dental care !

Before finding Handident  special dental care French network in 2017, we went around all the hospitals in Paris region.

The main concern : all Paris hospitals only offered to extract teeth !

The search for the right dental care for me took a very long time.

Fortunately, a dentist friend of mine, while on holidays in Florida, met someone who knew of a network called Handident , and made the connection.

I had the opportunity to speak at the tenth anniversary of this network, saying that they had changed my life.

Due to severe bruxism, I had almost completely ground down my teeth, and I had more and more difficulties chewing and eating.

The warm and respectful welcome was worth the wait, considering that the human quality was present at the heart of the approach of this network !

This made all the difference to me !

The adult man I am today is better fulfilled, dares to smile, and now shines thanks to them.

I am over 40 now, and almost all my teeth are new ! I’m still smiling.

Now, I know how much in my communication mode my smile is part of my identity and helps build the image I send to people when I express myself !

For the public man that I am becoming, it is a real asset.

I would now like to offer you the point of view of a person with a disability concerning the points that smooth and ease,  or the points that create obstacles in the context of dental care.

For me, and I’m sure for other people with disabilities in dental surgeries, everything plays a role.

The texture of the chairs, transferring the patient on the dental chair or not,  the way it is done, the bright light in my eyes, the sounds of the drill and other dental tools, the typical odors of a dental surgery that sometimes trigger spastic attacks, delirium, mental anguish or else …

For example, the smell of eugenol makes me want to throw up !

But for many people, it can facilitate the patients’ experience.

There is no single magic formula that will work for everyone.  But there may be a magic word.

And for me, this key word is respect.

I believe it is important to focus now on this attitude, this value.

I am well aware of the challenge that listening to individual needs represents for institutions where you all work,  but it is in this listening space and time that respect can, and shall be born.

I would like respect to replace the cold notion of professional distance, which is very common in the medical field.

This distance is intended to protect both the people who take care of, and those who are being taken care of, but it is for me, deeply incompatible with adapted special care.

How can we hope to put in place a satisfactory approach without getting emotionally involved, without giving of ourselves ?

I am participating today in this IADH congress, where I am convinced that this notion of respect,  of quality of care is central,  as much in its process of creation and organization, as in its ambitions and final aims.

I told you, I had been looking for a long time for a caring attitude that would be satisfactory for me, concerning my specific dental needs.

I have only found real respect with Handident.

You may have noticed, but I am talking about dental care and not about dental management.  I don’t really know how to translate my point in English, but this refers to the way disability is considered in France. I won’t generalize all the countries, because I don’t know of all the situations.  People with disabilities are still too often considered as a burden, a problem to be managed,  and I refuse to let my way of presenting things emphasize this aspect.

So this is deliberate. Moreover, if I have often felt like a burden when I was welcomed in a medical setting, I really felt that I was being cared for at Handident !

This simple change in vocabulary illustrates a much deeper change in the way you welcome me and listen to my needs.

In short, this vocabulary is more respectful, more human.

If the way I express it can testify of a state of mind, it can also mark the beginning of awareness. Words are not innocent !

So, I would now like to talk to you about a subject that is close to my heart, and which is for me closely related to the care of people with disabilities, especially in the context of dental care.

The great question of the inclusion of people with disabilities is often related to the question of autonomy, in relation to vulnerability.

On this subject, I am sensitive to the thoughts of Paul Ricoeur, concerning the relationship between the concepts of vulnerability and autonomy.

On one hand, he invites us to recognize that we are all vulnerable, and on the other hand, he proposes to consider autonomy as a reality of interdependence and connection with others,  a relational identity.

As the philosopher Cynthia Fleury comments,  for Paul Ricoeur, autonomy is the possibility of attesting to oneself,  and vulnerability is the difficulty of this attestation.

The disabled person is therefore a victim, on one hand, of the suspicion of the impossibility of attesting to oneself,  and on the other hand, of being considered irresponsible.

It is a double punishment, in short !  A traumatic existential injunction.

Thus, to be autonomous is also to be identified by oneself and by others as a subject,  decision maker of one’s own acts.  It is also to have confidence in one’s own capacity to be this subject.

Forgive me for this somewhat philosophical comment,  but these concepts strongly explain my attitude and my fight to ensure that each person be shown respect to be put in a situation of responsibility and of empowerment to act.

This is where I want to make the link with my presence here today in front of you.

It is here that my use of the term “respect” and the expression “care” is rooted.

Paul Riqueur again, defines the role of the caregiver as being to encourage, accompany and reinforce the feeling of empowerment, the confidence, in this identity of the patient being able to act and take decision for herself, or himself.

The caregiver, and more broadly the care facility, must foster a sense of capacity in the vulnerable and autonomous person in the making,  or at least leave the door open to the possibility of this feeling.

I feel very strongly about this point.

I think it is essential to get away from the conception of autonomy as the opposite of vulnerability.

We are all, permanently, autonomous and vulnerable at the same time.

The autonomous person is then the one who is able to build her or his life story by composing, WITH his vulnerability.  And I really want to emphasize the word with.

This vulnerability is no longer a stigma,  but a simple component of her or his identity.

Given my dental history, I am fully aware of the difficulties that you may encounter in moving forward, in this way with people with disabilities.

However, you intervene on what is, according to Emmanuel Lévinas, the primordial link of the recognition of the other, the face.

From a practical and professional point of view, my experience with Handident  makes me hope that it is possible for other people,  but this presumes that all the institutions surrounding the dental practitioner, bend to this new approach, which has a human and financial cost, and which therefore needs to create a collective project for society.

To conclude, I am well aware that my comments are colored by my French nationality and our French perspective.

We have our own way of doing things,  our specific relationship to disability, our model of health care system.  This implies different realities around the world,  how the COVID crisis that we are still experiencing has been managed,  but also for ordinary care.  For example, depending on every health system of our different countries, the out-of-pocket expenses for the patient are not necessarily the same,  which can have an impact on the care options offered to the patient, and on her or his expectations.

And, these expectations are changing.

I often speak of a generation that I call “the cloakroom generation”, in reference to a French series on disability with a dark sense of humor, that is filmed in the locker room of a sports center.

To me, this generation wants to participate fully, and I believe it is also reflected in the issue of care.

Patients with disabilities have different expectations, wanting care and support that listens to their specific needs and puts them at ease.

But, this generation of patients is growing up in parallel with a generation of professionals, trained in a different way, and who are looking for meaning and social impact in their professional careers and practices.

I believe that this reality can be the source of an enhancement for both the patients in listening to their expectations,  and for the professionals in the way they provide ever more adequate responses to the challenges presented to them by their patients.

I am convinced that all of this requires what I have presented to you, as a relationship of trust and humanity,  with respect, that elevates both the dentist in her or his role as caregiver, and the person as a subject of rights.  A relationship in which the person receiving care is made active as a patient in the preparation and experience of his or her care.

I would not like to conclude without specifying that, for me, the IADH concern for quality in care is part of a more global action  that perhaps gives a more significant orientation to the notion of an inclusive society.

I will base myself on the definition of the policy of Care, given by one of its initiators, Joan Tronto :

“Activity characteristic of the human species, which covers everything we do in order to maintain, perpetuate and REPAIR our world,  so that we can live in it as well as possible.

This world includes our bodies,  our people, and our environment,  all of which we seek to connect into a complex network in support of life.”

I also invite you to ask yourself the following two questions.

What partnerships should be set up with patients who are increasingly trained and have expertise in their own health conditions ?

And second, how can therapeutic patient education be introduced into the dental care environment ?  Or, how can we exchange and transfer knowledge, skills, expertise and autonomy between patients and practitioners ?

To answer these questions and many others, I would like to dare propose a collective research initiative.

Throughout my presentation, I have shared with you my experience as a patient, my expectations,  and I have outlined the main principles on which I conceive the relationship between caregiver and the person cared-for.

But I would like to go further.

First of all, I speak only for myself.  I merely represent only a small part of people with special needs,  and I believe that the experience of each and all can be useful to everyone.

Then, and this is the most important thing for me,  I am convinced that many of you have very interesting experiences and practices to offer and share.

That’s why, I would also like to suggest that you set up a research protocol which, in the first phase, would collect practices, through a very open but rigorous grid, established with IADH and expert patients.

In a second phase, this research work could serve as a basis for an international methodological and ethical guide,  that your association could adopt at a future congress, to present as a contribution to the United Nations.

Please, forgive me for this audacity.

My only justification is to commit myself to work actively on it.

I have personally initiated a reflection based on a phenomenological approach, adapted in particular by Francisco Varela, and his work in Neurophenomenology and on Buddhism.

This is to shed light on the power to act, and the conditions of autonomy and self-determination of individuals,  and the importance of the interactions they establish in particular situations.

I think that the situation of dental care presents characteristics which make it a very favorable ground to enlighten the role of the patients in a relation of care,  but also, in interactions, to enlighten the inventiveness of the teams of carers, combined in a chain of multiple co-operations.

Which may inspire the next generations, who will come after you as practitioners of special dental care specialists.  I know how much for you, as for me, learning is giving and receiving,  and sharing is caring !

I sincerely thank you for listening.  I wish you all a very good 3 day conference.

And I will now take a few questions if you want. You may ask them with a microphone, write them down through the app for the congress or email them to me or the organizers and I’ll answer them.

Philippe Aubert

 

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50 ans de l’Institut d’Education Motrice La Buissonnière, Philippe Aubert évoque quelques souvenirs personnels https://ragedexister.com/50-ans-de-linstitut-deducation-motrice-la-buissonniere-philippe-aubert-evoque-quelques-souvenirs-personnels/ Tue, 19 Jul 2022 13:00:09 +0000 https://ragedexister.com/?p=740 50 ans de l’Institut d’Education Motrice La Buissonnière, Philippe Aubert évoque quelques souvenirs personnels Lire la suite »

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La Chapelle-sur-Erdre, le samedi 2 juillet 2022

 

Bonjour et merci de me donner la parole aujourd’hui.  Je suis enchanté que vous ayez accepté de m’associer à cette journée festive anniversaire des 50 ans de l’établissement.  

Pour moi qui ai 42 ans, j’approche également des 50 ans, mais c’est encore un peu tôt.  

Je m’appelle Philippe Aubert. 

J’ai un lien très fort d’attachement à cet établissement qu’est l’IEM de La Buissonnière,  En qualité d’ancien élève, j’étais ici entre 1982 et 1985, et je me réjouis d’être des vôtres aujourd’hui.

Avant de démarrer, je tiens à remercier l’équipe organisatrice, et en particulier Jean-François Charuel pour l’invitation à prendre la parole.  

Je vous l’ai dit, je suis ancien élève de cet établissement, et j’ai actuellement plusieurs activités.  Je donne des conférences en colloques ou bien en congrès professionnels. J’anime aussi des formations et des enseignements à l’université.

Je suis auteur du livre intitulé Rage d’exister paru en 2018.

Autobiographique, ce livre raconte mes diverses difficultés, rencontrées à l’adolescence,  pour accéder aux études supérieures et universitaires.

Et comment j’ai tenté de les dépasser, pour devenir celui que je suis, et pour faire ce que je fais aujourd’hui.  

En effet, depuis, je suis devenu sociologue, avec un champ de prédilection, la participation des personnes en situation de handicap.  J’ai une activité de formateur et de consultant sur les pratiques favorisant cette participation.

Depuis plusieurs années, j’ai cette joie de pouvoir former à mon tour, notamment dans des établissements par lesquels je suis passé comme étudiant.

 Mais pas seulement, étant de plus en plus sollicité dans diverses régions de France. 

Les formations que je donne me permettent de partager un savoir expérientiel, des compétences et un savoir-être.  C’est donc l’occasion de contribuer à la façon dont les générations actuelles et futures de professionnels vivent l’inclusion et la participation des personnes en situation de handicap.  

Je préside aussi une association qui œuvre pour que les personnes en situations de handicap puissent participer pleinement à la vie sociale, culturelle, environnementale, et économique, en France et dans le Monde. 

À titre bénévole également, depuis trois ans, je suis membre autoreprésenté, au Conseil national Consultatif des personnes Handicapées, le CNCPH.  Il s’agit d’une instance de consultation auprès du Gouvernement et des parlementaires, députés et sénateurs, sur l’ensemble des thématiques liées au handicap.

Depuis un an, je préside le conseil pour les questions sémantiques, sociologiques et éthiques au sein du CNCPH.  Cette responsabilité a pour objectif de garantir un recul et une vivacité d’esprit sur des sujets essentiels  tels que l’autonomie, le pouvoir d’agir, l’auto détermination, la place du vocabulaire dans nos relations de société.

Je tiens à vous préciser également un point sur la forme de mon discours.  Je n’en ai pas encore parlé, mais je vis avec une paralysie cérébrale depuis ma naissance.

En plus, je ne peux pas m’exprimer à l’oral de façon classique,  vous l’aurez sûrement remarqué avec la synthèse vocale de mon ordinateur. Le rythme est parfois difficile à suivre sur la durée.  Je vais donc faire mon possible pour ne pas vous perdre.

En plus de mon ordinateur, j’utilise aussi un système d’épellation, sur lequel je vous invite à m’interroger à la suite de ma prise de parole.  vous verrez ainsi en direct son fonctionnement. 

Je ne suis pour finir pas non plus en mesure de contrôler les mouvements de mes bras et de mes jambes.  Ce que l’on appelle une athétose !

Ces particularités qui, j’en suis sûr, ne vous sont pas étrangères, ont coloré mon parcours,  jalonné de rebondissements et difficultés, mais aussi de triomphes et de joies.

C’est ce parcours et les leçons que j’en ai tirées que je souhaite vous raconter maintenant, comme cœur de mon propos aujourd’hui.

Plus j’avance dans mon chemin de vie, plus j’identifie mon passage à l’IEM de La Buissonnière comme un moment charnière,  le pivot dans la construction du citoyen que je suis aujourd’hui. 

Avant toute chose, cet établissement a été mon premier lieu de socialisation.  J’y ai fait la rencontre de l’écosystème, qui allait par la suite constituer mon environnement pendant des années, pour le meilleur et pour le pire.  

J’y ai fait la connaissance du milieu spécialisé, du milieu protégé,  de l’isolement du reste de la société,  mais j’y ai aussi rencontré des professionnels engagés, des personnes volontaires et à l’écoute.  En somme, j’y ai vécu ma première expérience du handicap et de l’humanité. 

C’est cette époque qui a nourri mon aspiration à”prendre part”.  Prendre part à ma vie,  prendre part aux choix qu’elle nécessite, mais aussi prendre part en tant que citoyen, en vivant une vie au cœur de la cité,  en lien avec le handicap mais aussi avec le monde ordinaire.

Ces éléments, je ne les percevais pas à l’époque, bien sûr,  mais je les mets aujourd’hui en lien avec les concepts de pouvoir d’agir et d’autonomie.  

Je tiens à prendre un peu de temps pour évoquer ces concepts, qui vont main dans la main et qui sous-tendent toute ma vie.  

Concernant le pouvoir d’agir, cette expression n’est pas de moi. D’autres l’utilisent, je ne fais que me concentrer sur sa signification pour les personnes en situation de handicap. 

Mon expérience m’amène à définir le pouvoir d’agir d’une personne en situation de handicap comme sa capacité à décider, à mettre en place des actions, aller au-delà des limites que la société lui impose. C’est aussi la possibilité de montrer des capacités, à partir de la prise en considération par les autres de son propre univers différent.

Dans mon cas, le pouvoir d’agir désigne ma capacité à sortir des cases, pré-établies pour moi, par mon environnement.  Quand je parle d’environnement, c’est au sens large bien sûr, allant de mes auxiliaires de vie, ma famille, mes amis  aux institutions pilotant les lois relatives au handicap, ou à la société de façon générale.  Pour moi, le pouvoir d’agir, c’est aussi le pouvoir d’oser.  En somme, c’est être humain !

Mais alors, comment mettre en place, maintenir, développer ou tout simplement justifier un pouvoir d’agir quand on est en situation de handicap, c’est-à-dire, aux yeux de la société, en étant “diminué”, “limité”, entre grands guillemets.  Comment faire pour avoir accès à cette humanité, quand on pose sur nous un regard déshumanisant ? 

En parlant de regard, je crois que je mets le doigt sur le problème. Nos limitations physiques, psychiques ou intellectuelles, j’en suis la preuve vivante, ne justifient pas une restriction de pouvoir d’agir. Il est possible d’apprendre, d’exercer une activité professionnelle, de  voyager et plein d’autres choses encore.

Le problème de l’accès au pouvoir d’agir n’est donc pas qu’une question de handicap intrinsèque, en soi.

C’est, selon moi, une question de regard, et de moyens d’accompagnement.

Quand on regarde en premier notre potentiel, puis seulement dans un deuxième temps les obstacles, alors tout change.

Ce que je veux dire par là, c’est qu’au-delà d’un handicap intrinsèque parfois flagrant, ce qui nous stoppe, nous met en situation de handicap, c’est un handicap social, issu de l’environnement, et des personnes qui nous accompagnent.  C’est bien pour cela que nous sommes en situation de handicap et pas seulement handicapés.

Ce handicap qui nous est imposé est un frein majeur à la pleine participation des personnes en situation de handicap à la vie de la société, de développement et de mise en œuvre du pouvoir d’agir.

Ce pouvoir d’agir ne prend pas la même forme pour chacune et chacun d’entre nous. Tout le monde ne peut pas, et ne veut pas forcément, devenir pilote d’avion, chanteur d’opéra ou conférencier. Pour certains, en institutions par exemple, le pouvoir d’agir serait dans un premier temps un pouvoir de choisir.  Choisir quand on va aux toilettes, l’heure à laquelle on va se coucher, le programme de sa journée, entre autres.

Le vrai défi est de rentrer dans un état d’esprit dans lequel on présume toujours de la capacité de la personne à choisir par elle-même.  Ce n’est que comme cela, qu’il est possible de faire AVEC, et surtout PAR, les personnes en situation de handicap,  plus seulement POUR elle, à leur place !  

Certains handicaps ne rentrent pas non plus dans ces recommandations,  c’est pourquoi je ne propose pas de solution permanente, et pourquoi il faut toujours être capable de revoir nos critères de norme.  Par exemple, je vous invite à regarder le film Hors Normes, d’Olivier Nakache et Eric Toledano, qui illustre pleinement la dimension “incasable” de certains handicaps.

C’est pour cela que je tenais à prendre la parole à partir de mon expérience personnelle, et celles que l’on m’a rapportées.  Je ne suis évidemment pas un représentant exhaustif des personnes en situation de handicap, et je ne peux pas parler de tous les cas de figure.  Je ne peux pas non plus m’exprimer à la place de personnes qui vivent des réalités différentes des miennes.

Ce propos n’est donc pas pleinement inclusif, mais ne se veut pas non plus exclusif !

Depuis plus de deux ans maintenant, je cultive ce pouvoir d’agir, notamment au travers de mes modes de communication, qui m’ont mis, et me mettent encore en capacité de faire des études, des voyages, de prendre des responsabilités au sein de mon association Rage d’exister, ou comme consultant formateur, ou au sein du CNCPH pour faire bouger les lignes.

Je voulais aussi vous parler d’autonomie, qui va de paire avec le pouvoir d’agir.

Bien que, de prime abord, tout le monde croit savoir ce qu’elle signifie,  l’autonomie reste encore quelque part un mystère,  et cela, peut-être de par la pluralité de sens qu’on lui donne,  et, quand on parle de handicap, de par sa notoriété dans le champ social et médico-social.

C’est d’ailleurs ce qui a mené le précédent gouvernement à lancer un programme prioritaire de recherche sur ce sujet.

L’autonomie est fréquemment définie comme l’absence de dépendance,   comme le pouvoir et le savoir de se débrouiller seul, entre guillemets, comme tout le monde. Dans le monde du travail, être autonome, c’est ne jamais avoir besoin d’autrui.  Dans ce cas là, on parle en réalité d’indépendance.

Moi, j’ai besoin de l’aide d’une personne extérieure dans tous les gestes du quotidien,  je suis dépendant.  Selon cette définition, je ne pourrai jamais être autonome.  Pourtant, je vous le dis,  je suis autonome et dépendant. Je suis les deux. Certainement comme beaucoup de jeunes passés par l’IEM de La Buissonnière, entre autres.

L’autonomie d’une personne ne saurait être réduite à sa capacité à accomplir seule des actions ou des gestes. Je sais bien qu’ici comme beaucoup de lieux d’accueil d’enfants, vous avez déjà l’habitude de penser et agir en conséquence.  De surcroît, je ne peux que vous inviter à réconcilier ces deux notions, autonomie et dépendance, qui peuvent aller de paire,  et à concevoir l’autonomie, non plus comme un objectif en soi,  mais bien comme un processus, pour être maître de sa vie.

Le sens étymologique de ce terme signifie d’ailleurs « se gouverner soi-même ».

Toute personne en situation de handicap ; quel que soit ce handicap ; visible ou non, connaît cette épuisante injonction d’être soi et de croire en soi,  malgré l’opinion dévalorisante ou agressive des autres.

C’est une charge psychique énorme  stérilisante et destructrice.  Elle rend souvent difficile, ou même impossible, inaudible,  la construction et l’expression de sa joie et de sa force de vivre.

Pourtant, nous sommes toutes et tous toujours autonomes dans un cadre contraint.  Pour les jeunes et adultes en situation de handicap, l’autonomie se traduit alors par le fait de pouvoir choisir pour nous-même nos règles de conduite, l’orientation de nos actes, mais aussi les risques encourus.

Pour ma part, bien évidemment, je ne nie pas mes besoin d’aides.  L’autonomie n’exclut pas cette relation d’aide, elle exclut par contre la contrainte par autrui.

Alors, elle est intrinsèquement liée à l’interdépendance  et aux liens avec les autres, qui vont être des vecteurs de cette autonomie.

L’enjeu ici, pour les personnes dépendantes et leurs aidants, leurs accompagnants, leurs référents, leurs parents, est au cœur de leurs relations. Ils sont appelés à rechercher, et à façonner un équilibre juste, favorable au déploiement de l’autonomie.

Nous évoluons encore trop largement dans un contexte de prise en charge médicalisée, paternaliste, et pensée par des personnes dites valides, ce qui restreint finalement l’autonomie des personnes concernées.

L’enjeu aujourd’hui, est d’opérer le basculement de l’hétéronomie, vers l’autonomie.  c’est-à-dire passer d’une vie imposée par d’autres, à une réalité pensée et créée au maximum par nous-mêmes,  avec et par l’intermédiaire des autres.

Mais, comment parvenir à se réaliser et à déployer notre autonomie,  lorsque le regard de l’autre nous limite  par ses stéréotypes, préjugés, et lorsque nous sommes discriminés ?   C’est la même question que pour le pouvoir d’agir.

Les personnes en situation de handicap sont encore trop souvent perçues seulement comme des personnes déficientes,  voire même comme étant une contrainte, voire un fardeau.

L’enjeu est alors de poser un nouveau regard sur les personnes en situation de handicap : les regarder avant tout pour leurs capacités au pluriel.

Scientifique, écrivain et sculpteur français spécialiste en ergonomie et en psychologie, Pierre Rabardel a montré qu’avec ce regard, cette reconnaissance, le sujet capable, comme il l’appelle,  va développer et mobiliser de multiples ressources dans son activité.  Ceci entraîne un maintien, ou un accroissement de son pouvoir d’agir, et donc de son autonomie.

Pour revenir à mon expérience au sein de l’IEM de La Buissonnière, c’est aussi ici qu’ont été décelés les premiers signes de mon intelligence,  de ma capacité à comprendre le monde qui m’entoure.  Signes faibles, une étincelle dans le regard, des réactions émotionnelles fortes,  l’embryon d’une volonté forte.  Et, pour cela, je vous en serai éternellement reconnaissant.

J’aimerais vous partager quelques anecdotes très personnelles sur mon séjour ici :

La nuit, on dormait dans un dortoir à quatre ou cinq enfants.  D’abord, le soir, pour nous endormir, je me souviens que vous nous mettiez la musique du film Jeux interdits, et lorsque j’entends maintenant cette musique, je me remémore l’atmosphère de ce dortoir.

Si je vais un peu plus loin dans mes souvenirs, je me rappelle les prénoms de certains professionnels qui s’occupaient de moi , ou qui travaillaient ici à la Buissonnière lorsque j’y étais. Parmi les éducateurs, je me souviens d’une qui s’appelait Françoise, et d’une autre, Joëlle. Je me souviens aussi d’un élément  qui me terrifiait. La veilleuse de nuit pouvait nous surveiller à distance, et lorsqu’elle nous entendait depuis un bureau, elle pouvait, je crois, intervenir en parlant juste dans un microphone, en nous demandant ce dont nous avions besoin,  ou hausser un peu la voix si elle jugeait que nous faisions un peu trop de bruit et qu’il était temps que nous nous endormions.

Une deuxième anecdote. 

Mon père me parle souvent de la première fois où il a perçu tout mon désir d’entrer en relation,  et des balbutiements de mes moyens de communication. Il n’oubliera jamais qu’il était venu un jour rester coucher un soir pour se rendre compte de ma vie ici,  comme vous le proposiez, je crois, aux parents qui le souhaitaient.  Cette venue a été vraiment la prise de conscience de mon père qu’il fallait continuer à nous battre,  et envisager la vie d’une façon encore plus optimiste qu’elle ne l’était déjà !

Une dernière anecdote me concernant :

Je me souviens qu’un jour, nous étions allés faire un tour aux Floralies de Nantes,  et après, nous nous étions arrêtés chez une éducatrice, également Joëlle je crois, et le minibus a été volé devant chez elle pendant que nous étions dans la maison !

Enfin, vous me direz si ma mémoire est encore bonne du haut de mes quarante et quelques années !

Il me semble qu’à mon époque, il y avait un kiné qui s’appelait Pascal, et une kiné qui s’appelait Yannick. Comme quoi, le médico-social c’est avant tout des personnes.  Le temps a passé, mais les souvenirs, bons ou mauvais, des personnes restent gravés.  

Toutes ces anecdotes me semblent raconter les origines de ma vie actuelle.  C’est ici, à l’IEM de La Buissonnière que j’ai développé mon éveil intellectuel, ainsi qu’une conscience de l’environnement.

La Nature, le Vivant, les Communs ont une importance fondamentale dans mes projets actuels.

J’aime beaucoup la mer, j’ai de nombreux souvenirs de bord de mer, de plages depuis l’enfance.  Mais également la forêt, le cheval, les sous-bois.

J’y trouve un repos, des ressources de bien-être mental, psychique et corporel.

En conclusion, j’aimerais vous partager les mots d’une amie, que j’ai sollicitée, pour croiser nos regards et expériences de vie.

Elle me dit :

Etre maman d’un enfant différent… c’est une aventure ! 

Une aventure de vie qui vous construit, vous modifie mais surtout qui vous grandit…  en tout cas, c’est l’expérience que j’en ai aujourd’hui, avec un recul de bientôt 18 ans …

Au départ, on ne sait pas à quoi s’attendre… Très vite, quelques « paroles historiques »  entre guillemets vous rappellent que cette aventure ne va pas être forcément un long fleuve tranquille : pêle-mêle .. quelques-uns de ces mots doux …

« C’est mon treizième petit enfant. ça n’est vraiment pas bon, le chiffre treize. » ou

« C’est quand même bien… tout ce stress à la naissance,  ça t’a fait perdre tous tes kilos de grossesses… !  quelle chance, moi, il m’a fallu des années. »

Ou des conseils de grands spécialistes : « le handicap ? le mari du frère de la tante au deuxième degré du cousin par alliance de mon mari est en situation de handicap, je connais bien le sujet. » 

Ou encore, « avec ta fille, cela va être de plus en plus difficile en grandissant »  ce qui est loin d’être encourageant quand on a un bébé de quelques mois dans les bras, et que l’on a déjà l’impression d’être au bout du rouleau de fatigue … 

Alors, voici quelques leçons que j’en ai tirées … en espérant que l’une ou l’autre pourra vous aider :

N’écoutez que les paroles qui vous aident, oubliez les autres, 

Fiez-vous à votre détecteur de mauvaises ondes (c’est sûr, vous en avez un ! ), 

Entretenez votre sens de l’humour.

Gardez de la distance … (cela pourrait être pire) … 

Entourez-vous des bonnes personnes : de soutien, d’amour, d’amitié, de bonnes ondes…  Ces soutiens viendront parfois de gens que vous ne connaissiez pas,  qui viendront à vous et ce sera le début d’un beau cheminement conjoint. Au contraire, certains – dont vous attendiez du soutien – ne seront pas au rendez-vous.  ne jugez pas, c’est leur histoire…  ils reviendront peut-être.

Prenez soin de vous…  c’est sur vous que votre enfant peut compter.

Soyez heureux … ou en tout cas, cherchez à l’être … Profitez de chaque petite ou grande occasion pour l’être.  C’est cette recherche du bonheur qui guidera votre enfant vers la construction du sien …

Revenons à moi, Philippe.  Vous l’aurez compris, cette réalité du handicap, je la vis dans mon corps. Elle est au centre de mes travaux et de mes réflexions, mais je la rencontre aussi dans mes collaborations.  C’est ce qui participe à donner du sens à mon action.

Si on ajoute à cela mon histoire avec cet établissement, vous comprendrez qu’il me tenait à cœur de venir jusqu’à vous et de prendre la parole aujourd’hui.

J’espère que mes propos ont pu faire écho à vos réalités, ou au moins vous faire entrevoir ce que peut être le parcours d’un enfant qui ne parlait pas et dont on aurait pu penser qu’il n’accomplirait jamais rien. Pourtant, j’ai trouvé des professionnels attentifs et engagés, des proches persévérants, un environnement qui m’a permis de développer mon pouvoir d’agir, de choisir, et mon autonomie. Je voulais vous dire que c’est possible, et que cela doit commencer dès les premières années.

Je vous remercie de m’avoir accueilli aujourd’hui, et pour la qualité de votre écoute.

Philippe AUBERT

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Autonomie, une définition par Philippe Aubert https://ragedexister.com/autonomie-une-definition-par-philippe-aubert/ https://ragedexister.com/autonomie-une-definition-par-philippe-aubert/#comments Wed, 16 Mar 2022 13:17:47 +0000 https://ragedexister.com/?p=727 Autonomie, une définition par Philippe Aubert Lire la suite »

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Philippe Aubert a été sollicité par Diane CABOUAT, Présidente de Dyspraxie France Dys Paris et vice-Présidente de Dyspraxie France Dys pour intervenir sur la question de définition du terme d’autonomie.

Cette prise de parole a été donnée lors du premier colloque consacré à la dyspraxie ou trouble développemental de la coordination (TDC) le 12 mars 2022 au Ministère de la Santé et des Solidarités.

Philippe a tenté de donner une définition générale de l’autonomie, et également plus basée sur sa propre expérience. 

Philippe a bien conscience qu’il s’agit d’un défi énorme, dont les contours sont pluriels, en fonction de qui en parle, comment on en parle et quels objectifs, quelles visées politiques on souhaite s’en servir.

Nous aurons plaisir de lire vos questions en commentaires ici ou sur Linkedin

Nous vous invitons à vous abonner à la chaîne Youtube de Philippe Aubert, à nos pages “Rage d’exister” sur Linkedin et Facebook.

Vous pouvez suivre les actualités et activités de Dyspraxie France Dys, sur YouTube, sur LinkedIn, Facebook et Twitter.  

Si besoin, voici le texte brut ci-dessous :

Bonjour mesdames, messieurs, 

Je suis ravi de pouvoir intervenir devant vous aujourd’hui. 

Je tiens beaucoup à remercier Diane CABOUAT, pour l’invitation à m’exprimer dans le cadre de ce premier colloque  consacré à la dyspraxie ou trouble développemental de la coordination, organisé par Dyspraxie France Dys. 

Pour celles et ceux qui ne me connaissent pas, je m’appelle Philippe Aubert.  Je suis sociologue de formation, spécialisé dans les pratiques inclusives. 

En 2018, j’ai créé une association nommée Rage d’Exister,  en référence au titre de mon premier livre paru la même année. 

Avec les membres de cette association, notre ambition est que les personnes en situation de handicap puissent pleinement participer à la vie sociale, culturelle, environnementale, économique, entre autres. 

Dans ce cadre, je dispense aujourd’hui des formations et conférences dans des universités et diverses entreprises.  

Par ailleurs, je préside un conseil sur les questions sémantiques, sociologiques et éthiques, qui élabore des travaux de réflexions, au sein du Conseil National Consultatif des Personnes en situation de Handicap, le CNCPH.   

Vous pouvez le constater, je travaille sur de nombreuses activités, qui plus est, socialement contributrices.  

Pourtant, si on remonte quelques années en arrière, mes enseignants n’auraient pas misé gros sur moi.  

En effet, ils avaient conditionnés ma poursuite d’étude à l’acquisition d’une autonomie d’action.   Sachant que je ne peux et ne pourrais jamais ni contrôler mes mouvements, ni parler, cette injonction est quelque part assez comique.  

Toutefois, c’est bien le développement d’une certaine autonomie qui m’a permis de suivre des études,  et me permet aujourd’hui de travailler sur toutes ces activités. 

Mais, avant de rentrer plus en détails sur la façon dont se traduit l’autonomie pour moi, il me semble nécessaire de se pencher sur la signification générale de cette notion.   

Bien que, de prime abord, tout le monde croit savoir ce qu’elle signifie,  l’autonomie reste encore quelque part un mystère,   et cela, peut-être de part la pluralité de sens qu’on lui donne,  et, de part sa notoriété dans le champ social et médico-social.   

C’est d’ailleurs ce qui a mené le gouvernement Castex à lancer un programme prioritaire de recherche sur ce sujet.  

L’autonomie est fréquemment définie comme l’absence de dépendance,   comme le pouvoir et le savoir de se débrouiller seul, trois petits points, comme tout le monde.   Dans le monde du travail, être autonome c’est ne jamais avoir besoin d’autrui.  Dans ce cas là, on parle en réalité d’indépendance.  

Moi, j’ai besoin de l’aide d’une personne extérieure dans tous les gestes du quotidien,  je suis dépendant. Par définition, on peut se poser la question de savoir si je ne serais donc pas autonome ?  Je vous le dis, je suis autonome et dépendant.  Je suis les deux.  

La capacité d’une personne ne saurait être réduite à sa capacité à accomplir seule des actions ou des gestes.  Je vous invite à réconcilier ces deux notions, autonomie et dépendance, qui peuvent aller de paire,  et vous invite à concevoir l’autonomie, non plus comme un objectif en soi,  mais bien comme un processus, pour être maître de sa vie.  

Le sens étymologique de ce terme signifie d’ailleurs « se gouverner soi-même ».  

Bien que dans certains domaines spécifiques, tels qu’en rééducation fonctionnelle, l’autonomie soit mesurée selon un degré de dépendance,  avec cette signification réductrice, l’autonomie ne peut être considérée universelle,   car, de cette façon elle gomme toute une partie de la population.  Elle ne leur laisse aucune chance d’exister dans la société, étant donné que la participation sociale semble alors conditionnée par l’autonomie.  

Je prône l’autonomie selon la définition de Paul Ricoeur, qui dit,  entre guillemets, qu’être autonome, c’est être identifié par soi et par les autres  comme un sujet décideur de ses propres actes.  C’est aussi, avoir confiance dans sa propre capacité à être cet acteur, ce sujet, cet auteur. fin de citation.  

L’autonomie d’action et de décision est alors au cœur d’un processus et d’un écosystème d’identification et d’autodétermination,  qui s’inscrivent dans l’histoire et le développement de chacun d’entre nous,  personne dite valide autant que personne en situation de handicap.  

Mais, comment s’inscrire positivement dans ce processus, si on est à priori, du fait de son handicap, présumé incapable et donc irresponsable ?  

Comment dans ces conditions attester de son potentiel ? 

Toute personne en situation de handicap ; quel que soit ce handicap ; visible ou non, connaît cette épuisante injonction d’être soi et de croire en soi,  malgré l’opinion dévalorisante ou agressive des autres. 

C’est une charge psychique énorme ; stérilisante et destructrice.  Elle rend souvent difficile, ou même impossible, inaudible,  la construction et l’expression de sa joie et de sa force de vivre.  

C’est pourquoi, nous devons orienter nos réflexions vers la prise en considération de tous les travaux récents sur les processus d’apprentissage de l’autodétermination. 

Cette notion d’autodétermination est sans doute essentielle dans une approche positive de l’autonomie pour les personnes en situation en handicap  car elle les repositionne comme sujet majeur de leur pouvoir d’agir. 

Laissons-nous gagner un instant par son souffle émancipateur !   

J’ai conscience que s’ouvre là un énorme champ qui propulse sur le devant de la scène le rôle direct et majeur des personnes en situation de handicap elles-mêmes,  mais interroge aussi toute la chaîne des attitudes et des savoirs  des accompagnants, famille, associations, professionnels, institutions… ainsi que les moyens techniques utilisables.  

Je partage cette vision, sans nier les règles qui peuvent nous être imposées.  

Nous sommes toujours autonomes dans un cadre contraint.  L’autonomie se traduit alors par le fait de pouvoir choisir pour soi-même ses règles de conduite, l’orientation de ses actes, mais aussi les risques encourus.  

Bien évidemment, je ne nie pas mes besoin d’aides.  L’autonomie n’exclut pas la relation d’aide,  elle exclut par contre la contrainte d’autrui.  

Alors, elle est intrinsèquement liée à l’interdépendance et aux liens avec les autres, qui vont être vecteurs d’autonomie. 

L’enjeu ici, pour les personnes dépendantes et leurs aidants, est au cœur de leur relation.  Ils sont appelés à rechercher et à façonner un équilibre juste, favorable au déploiement de l’autonomie.  

Ces questionnements sont centraux dans les domaines de l’aide à la personne, que ça soit en institution, dans les associations, avec les professionnels et les proches aidants, ainsi qu’à domicile.  

Nous évoluons encore trop largement dans un contexte de prise en charge médicalisée, paternaliste et pensée par des personnes dites valides,  ce qui restreint finalement l’autonomie des personnes concernées.  

L’enjeu aujourd’hui est d’opérer le basculement de l’hétéronomie,  c’est-à-dire, que ce que nous faisons est imposé par d’autres,  vers l’autonomie.  

Mais, comment parvenir à se réaliser et à déployer notre autonomie,  lorsque le regard de l’autre nous limite  par ses stéréotypes, préjugés et que nous sommes discriminés ?  

Ce que je vous dis là a été conceptualisé et s’appelle  « l’effet Golem ».  Il a été montré que la performance est moindre, et les objectifs moins élevés, sous l’effet d’un potentiel jugé limité par une autorité.  

Les personnes en situation de handicap sont encore trop souvent perçues seulement comme des personnes déficientes, voire même comme étant une contrainte.  

L’invitation ici est de poser un nouveau regard sur les personnes en situation de handicap : les reconnaître avant tout pour leurs capacités au pluriel.  

Scientifique, écrivain et sculpteur français spécialiste en ergonomie et en psychologie,  Pierre Rabardel a montré qu’avec cette reconnaissance, le « sujet capable » entre guillemets, comme il l’appelle, va ainsi mobiliser et développer de multiples ressources dans son activité.  Ceci entraîne un maintien, ou un accroissement de son pouvoir d’agir, et donc de son autonomie.  

Cette façon de voir l’autonomie, cette invitation à poser un regard capacitant sur les personnes en situation de handicap,  et plus largement cette vision, sont intrinsèquement liées à l’autodétermination.  

Cette dernière permet de repenser l’autonomie positivement, en repositionnant le sujet lui-même comme acteur majeur de son pouvoir d’agir.   C’est un outil d’émancipation qui encourage à rendre universelle l’autonomie.  

Maintenant, je souhaite vous présenter le système que j’ai « bricolé » entre guillemets, dans lequel je peux aujourd’hui déployer mon autonomie. Je parle de « bricolage », car les personnes en situation de handicap sont souvent amenées à faire preuve d’inventivité et d’ingéniosité, en détournant des systèmes au service de leur pouvoir d’agir.  Je nous appelle alors entre guillemets « les bricoleurs de génie de la vie ».  Ce qui a beaucoup plu comme expression à notre Premier Ministre Jean Castex lors du Comité interministériel du Handicap auquel j’avais été invité en novembre 2020.  

J’ai mis en place, au fur et à mesure de mon parcours, un système dans lequel j’ai le pouvoir d’agir.   

Ce système repose sur une collaboration entre un réseau humain et non-humain.  Sociologue, anthropologue et philosophe des sciences, Bruno Latour nomme un tel système « l’acteur réseau » entre guillemets.  Il a développé cette notion à partir de la sociologie de la traduction,  c’est d’ailleurs avec un système comparable que le Professeur Steven Hawking travaillait.  

Ayant posé le cadre théorique, ayant apporté une définition de l’autonomie, je souhaite à présent vous parler de ma propre expérience au quotidien.  

Aujourd’hui, pour vous parler, j’utilise une synthèse vocale.  J’ai préparé ce que je dis en amont avec le logiciel Communicator.  Grâce à une commande oculaire, j’ai pu écrire un texte avec mes yeux sur mon ordinateur.  Ce logiciel me permet notamment d’écrire des mails, des sms, d’avoir un agenda que je peux compléter.   

Cet outil numérique a permis de considérablement développer mon autonomie. Je maîtrise ma communication, et je peux interagir avec mon environnement.  Grâce à ce système, je peux travailler, développer mes relations sociales,  et aussi avoir une vie privée, ce qui m’est précieux, comme pour tout un chacun.  

J’utilise également cette synthèse vocale et cette commande oculaire lorsque je travaille avec mes deux assistants sur nos projets professionnels.  Notre façon de travailler s’inspire du concept de “binôme de travail à compétences complémentaires”, ou alors formulé plus simplement “duo de compétences”.   Dans ma situation, il s’agit parfois d’un trinôme de travail.  Cette méthode de travail me permet véritablement de développer mon pouvoir d’agir, et mon autonomie, en prenant en compte les spécificités liées à mon handicap.  Mais pas seulement.  

De façon générale, le duo de compétences permet la valorisation des expériences et des compétences de chacune des personnes qui le compose.   Il permet à toutes et à tous de déployer leurs compétences, et d’être enrichis par celles des autres, grâce à une juste et équitable répartition des missions.  

Ce vecteur d’autonomie est basé sur une relation de collaboration.  C’est pourquoi, la communication y est fondamentale.  De cette façon, je peux ajuster avec mes assistants notre manière de travailler.  Il nous a fallu quelque temps pour trouver un équilibre satisfaisant pour tous, et au sein duquel je peux en être pleinement acteur.  

Cette méthode de travail est innovante, elle me permet de sortir du paradigme de l’aidé et de l’aidant.  Même si techniquement, j’ai le statut d’être employeur et eux mes auxiliaires de vie, nous sommes plus proches du statut plus horizontal de collègues de travail.   

Nous sommes attentifs à veiller à garder un équilibre entre nous tous, et à ne pas générer de sentiment de dépendance.  L’enjeu de cette méthode est de trouver la juste articulation entre la pensée individuelle, et le travail collectif.  

Penser l’autonomie, c’est alors se laisser un espace de création et d’innovations important,  c’est ne pas limiter nos ambitions.   

Lors du Comité interministériel du Handicap du 5 juillet 2021, j’ai pu citer quelques éléments personnels sur l’autonomie, éléments que je souhaite vous partager également maintenant. 

Je considère que c’est un débat central, voire crucial pour les personnes en situation de handicap, mais aussi pour toute personne, de tout âge ; cela nous concerne toutes et tous.  De l’enfance, à ce que l’on appelle affectueusement le grand âge.  

L’autonomie n’a pas forcément bonne presse chez certaines des personnes en situation de handicap. 

Ainsi, en tant que société, dans nos réflexions actuelles autant que dans nos actions, il convient d’être collectivement attentifs à la relation entre autonomie et dépendance.  On peut en effet être dépendant et autonome.  C’est donc une notion dont l’usage doit être fait avec circonspection.  

Je voudrais exprimer en quelques mots mes convictions sur ce sujet de l’autonomie. Je crois profondément que le monde du handicap ne doit jamais s’isoler et se concevoir comme un monde à part. Je défendrai toujours une vision commune de la société et un refus d’appartenances exclusives. 

Il n’y a pas d’autonomie sans un sujet. Ce sujet c’est l’individu, la personne singulière.  Chacune, chacun est unique,  et chacune, chacun a besoin d’un processus d’individuation et de socialisation pour exister ; et ce à tout âge, tout au long de sa vie.  

A la fin de ce propos, j’aimerais vous proposer la citation suivante de Hannah ARENDT,  Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres. fin de citation.  C’est un sentiment terrible qui m’a habité longtemps dans ma construction en tant qu’enfant, adolescent et qui le fait encore récemment dans ma vie adulte. 

Je suis obsédé par ce lien d’interdépendance et d’autonomie, car au fond des choses, je me sens proche de cette dualité. C’est par ce double prisme que je construis mon autonomie et ma force. 

Afin de conclure mon intervention, je tiens à vous partager le poème de Jacques Prévert, intitulé le Cancre, car il m’inspire beaucoup.  

 

« Il dit non avec la tête,

Mais il dit oui avec le cœur, 

Il dit oui à ce qu’il aime,

Il dit non au professeur, 

Il est debout,

On le questionne,

Et tous les problèmes sont posés, 

Soudain, le fou rire le prend,

Et il efface tout 

Les chiffres et les mots,

Les dates et les noms,

Les phrases et les pièges. 

Et malgré les menaces du maître,

Sous les huées des enfants prodiges, 

Avec les craies de toutes les couleurs,

Sur le tableau noir du malheur  

Il dessine le visage du bonheur. »   

 

Je termine sur ce poème, car je crois qu’il est nécessaire d’avoir sur nous-mêmes et sur la vie une certaine dose de dérision, voire d’insolence,  comme l’évoque dans deux registres divers, la série Vestiaires, ainsi que le philosophe Michel SERRES. 

J’aurai plaisir d’échanger avec vous par l’intermédiaire de l’équipe d’organisation de la journée.  Que je remercie à nouveau pour son invitation. 

Merci pour votre écoute. Et bonne fin de journée ensemble.  

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Congrès de sophrologie CEAS 2021 Nathalie Bergeron Duval et Philippe Aubert https://ragedexister.com/congres-de-sophrologie-ceas-2021-nathalie-bergeron-duval-et-philippe-aubert/ https://ragedexister.com/congres-de-sophrologie-ceas-2021-nathalie-bergeron-duval-et-philippe-aubert/#respond Thu, 13 Jan 2022 15:30:54 +0000 https://ragedexister.com/?p=700 Congrès de sophrologie CEAS 2021 Nathalie Bergeron Duval et Philippe Aubert Lire la suite »

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Animé par Sabine Quindou, le Congrès de sophrologie CEAS 2021 était organisé à la Maison des Océans à Paris.

Nathalie Bergeron Duval et Philippe Aubert ont témoigné le samedi 16 octobre 2021 de leurs séances de sophrologie en lien avec la particularité de Philippe.

Philippe tient à remercier chaleureusement Géraldine DURAND et l’ensemble du Comité d’Organisation du Centre de Formation en Sophrologie, ainsi que les participantes et participants du Congrès de la Fédération des Ecoles Professionnelles en Sophrologie (FEPS) pour leur accueil, inspiration et questionnements.

Retrouvez l’ensemble des détails sur :

http://www.sophrologie-ceas.org

http://www.facebook.com/CEASsophrologie

https://www.linkedin.com/company/federation-des-ecoles-professionnelles-en-sophrologie-feps

Philippe offre également ses remerciements chaleureux :

– à Sabine QUINDOU pour sa présentation introductive chaleureuse,

– à Nathalie BERGERON-DUVAL pour avoir été son binôme d’intervention,

– ainsi qu’à mon assistant Christophe CADIOU pour m’avoir accompagné à la conception et énonciation de mon intervention.

Au plaisir de lire vos questions en commentaires ici ou sur Linkedin.

Veuillez retrouver Nathalie Bergeron Duval :

https://www.sophrologie-ceas.org/formateurs/nathalie-bergeron-duval https://www.linkedin.com/in/nathaliebd

https://www.facebook.com/sophronathaliebergeronduval

Pour retrouver Sabine Quindou, c’est :

https://www.sabinesorcieresetcompagnie.org

https://www.facebook.com/SabineQuindou

https://www.linkedin.com/in/sabinequindou

https://www.instagram.com/sabinequindou

Nous vous invitons à vous abonner à la chaîne Youtube, à nos pages “Rage d’exister” sur Linkedin et Facebook.

#RageDexister #PhilippeAubert #sophrologie

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Rage de communiquer. Comment Konbini a propulsé Rage d’Exister fin 2020 ? https://ragedexister.com/rage-de-communiquer-comment-konbini-a-propulse-rage-dexister-fin-2020/ https://ragedexister.com/rage-de-communiquer-comment-konbini-a-propulse-rage-dexister-fin-2020/#respond Wed, 22 Dec 2021 17:11:16 +0000 https://ragedexister.com/?p=608 Rage de communiquer. Comment Konbini a propulsé Rage d’Exister fin 2020 ? Lire la suite »

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A l’été 2020, le Centre culturel international de Cerisy a proposé à Philippe Aubert de produire une intervention sur les angles morts du numérique.

Celle-ci a eu un succès tel que le comité du colloque de Cerisy a proposé de diffuser l’intervention de Philippe Aubert sur son blog France Culture et sur la Forge numérique de l’université Caen Normandie.

Suite à cette publication, l’équipe Rage d’exister a reçu un appel du Rédacteur en chef de Konbini Techno, la rédaction dédiée aux nouvelles technologies, au numérique, digital, … du media en ligne Konbini.

Nous avons été interpelés par leur enthousiasme suite à l’écoute de la conférence, leur compréhension des enjeux et leurs questions liées aux usages des outils numériques par Philippe.

Nous avons insisté que Philippe, à la différence de certaines autres personnes, en situation de handicap ou non, n’était pas un technophile convaincu, que son avis actuel était plutôt basé sur ses expériences précédentes, notamment sur ses relations humaines, sur des conférences passées où il avait évoqué ses craintes, interrogations face au transhumanisme, à l’homme augmenté par la machine.

Une rencontre en ligne a d’abord été prévue, via l’outil Discord, qui a permis de pouvoir échanger les idées, tout en étant tous ensemble à partager l’écran en direct. Ce qui a confirmé le choix de diffuser l’outil Communicator5, et a ouvert la porte à promouvoir les systèmes de l’épellation et de la licorne.

Ensuite, nous avons fixé rendez-vous à l’équipe au domicile de Philippe pour une après-midi tournage mi décembre 2020. Pierre, le rédacteur en chef de Konbini Techno est venu accompagné de Baptiste, journaliste reporter d’images et monteur, pour une durée totale de trois heures de présence.

Nous avons alors tourné dans les conditions du direct les images qui ont ensuite été montées par Baptiste jusqu’au montage final sur lequel nous n’avons pas eu de mot à donner. La confiance était totale.

 

La diffusion s’est faite dès le jeudi 17 décembre à 20h35 sur la page Facebook de Konbini Techno. On a rapidement compris qu’il se passait quelque chose avec cette vidéo, car le samedi 19 décembre à 17h, elle dépassait déjà les 300.000 vues.

Puis, le même jour à 19h, c’était quasiment 400.000 vues.

Cela est largement dû à la publication sur la page principale de Konbini, avec ses 54 millions d’abonnés, qui fait alors s’affoler tous les chiffres !

Car, ensuite, la barre du demi-million est franchie le matin du 20 décembre.

Et alors qu’on pourrait miser sur un effet palier ou plateau, les compteurs ne ralentissent pas.

Au contraire. Au moment du passage des 800.000 vues, le sommet du million est en approche raisonnable. Il faut se rendre alors compte de ce que l’équipe ne pouvait pas envisager avant.

Cette vidéo interview devient littéralement virale !

Enfin, le passage au million de vues ! Quelle émotion !!!

 

Et encore, ce n’était que le début, étant donné que Konbini a ensuite décidé de publier la vidéo sur son compte Instagram : BOOM ! 500.000 vues en une nuit. En parallèle, sur Twitter, ce sont 10.000 vues. Et sur YouTube, le 25 décembre, 100.000 vues en quelques heures.

 

Un mois après, les statistiques sont folles :

  • Facebook : 1,2 millions de vues, 13.000 réactions/likes et 565 commentaires ;
  • Instagram : 611.376 vues,  691 commentaires ;
  • YouTube : 150.000 vues, 9500 likes et 420 commentaires ;
  • Twitter : 12.000 vues, 13 commentaires, 90 retweets, 235 likes. 

Au total, ce sont plus de 2 millions de vues, toutes plateformes confondues.

C’est phénoménal. Pour Konbini, cela fonctionne environ pour une vidéo sur six !

 

En analysant les commentaires, on se rend compte :

  • que le message humain, humaniste de Rage d’exister passe bien ;
  • que ce qui marque le plus est le sourire, le dynamisme de Philippe ;
  • que la relation avec son assistant Sylvain émeut fortement ;
  • que la majorité des personnes sont émerveillées, fascinées, dans une forme de sidération, de position extra-ordinaire, de piédestal ou de super-héroïsation de la vie de Philippe (ce qui pose d’autres problèmes) ;
  • qu’une minorité s’interrogent sur les conditions de vie supposées misérables dans lesquelles viverait Philippe, sur les litres de bave qu’il évacuerait chaque jour, sur la présence et responsabilité ou non de Dieu vis-à-vis de ce que vivrait, serait Philippe.

En conclusion, un an après, nous sommes enchantés par l’expérience.

Nous avons eu l’occasion de remercier l’équipe de Konbini par un dîner collectif, et évoquer le bilan de l’interview avec du recul.

Lors de formations que nous animons, nous n’avons presque plus besoin de nous présenter, ni comment nous fonctionnons, car la vidéo sert d’introduction, voire même à notre plus grande surprise de support de formation sur ce qu’est la CAA, la communication alternative et améliorée. Une consécration !!!

A la suite de cette interviews, nous espérons renouveler le maximum de partages de notre point de vue et sensibilité en lien avec le handicap et l’ensemble des sujets.

Si vous connaissez des journalistes ou responsables dans les rédactions en France ou à l’international, notre équipe serait ravie de prendre contact avec elles et eux.

Encore MERCI pour tout ce que vous nous aidez à réaliser. C’est grâce à vous que nous le faisons !!!

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Intervention Philippe Aubert Universités d’été de Démocratie et Spiritualité 2021 https://ragedexister.com/intervention-philippe-aubert-universites-dete-de-democratie-et-spiritualite-2021/ https://ragedexister.com/intervention-philippe-aubert-universites-dete-de-democratie-et-spiritualite-2021/#respond Fri, 10 Sep 2021 10:46:51 +0000 https://ragedexister.com/?p=693 Intervention Philippe Aubert Universités d’été de Démocratie et Spiritualité 2021 Lire la suite »

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Lyon, le 10 septembre 2021

Cher Président Daniel, merci pour l’invitation et l’introduction.

Je tiens aussi à remercier mon amie Alice Casagrande pour son invitation à prendre la parole et échanger avec vous !

Mesdames et Messieurs, je suis ravi de participer à ce panel, d’autant plus que ce thème qui nous rassemble aujourd’hui me touche particulièrement.

Mon propos se situe dans une visée humaniste.

Lorsque l’on me sollicite, on fait de plus en plus appel à l’intellectuel que je veux être, qui apporte son regard singulier. Malgré sa lourdeur, qui le rend impossible à ignorer, mon handicap en devient presque un élément secondaire. Je m’en réjouis.

C’est avec cette casquette de citoyen à part entière, qui se trouve être en situation de handicap, que je veux m’exprimer et échanger avec vous aujourd’hui.

Pour aborder les défis que je pense être ceux de notre démocratie, j’aimerais vous parler d’un sentiment qui, je crois, anime notre démocratie et que je connais bien, le désarroi.

Du vieux français signifiant débâcle, désordre, déroute, débandade, délabrement, dérangement dans toutes les dimensions possibles. Que cela concerne des objets ou des pensées.

Pour moi, ce terme renvoie à une perte de sens, de repères, qui peut générer de la méfiance, du repli sur soi, une peur de l’avenir, voire se transformer en immobilisme et en inaction.

Je crois donc que ce terme de désarroi s’applique à notre démocratie aujourd’hui. Parce que, vous le savez, nous traversons une crise à la fois sanitaire, écologique, sociale et économique. Parce que l’action de la sphère politique est très controversée.

On pourrait alors s’attendre à un immobilisme massif, comme une résignation. Or, je constate partout où se porte mon regard que ce n’est pas le cas ! Les prises de conscience sont multiples, tout autant que les initiatives citoyennes cherchant à renforcer le lien social et redonner du sens.

La période que nous sommes en train de traverser et qui est des plus complexes, peut donc ouvrir sur de nouvelles façons de penser et de vivre ensemble en société.

En clair, je crois que ce désarroi plutôt que de se limiter à un constat désabusé, représente une opportunité. Une chance pour notre démocratie de choisir un nouveau cap. Mais cela peut et va prendre du temps, c’est certain.

Ce que je dis à propos de notre société s’ancre aussi dans mon expérience de vie. En tant que personne en situation de handicap, je suis un habitué du désarroi si je puis dire !

Combien de fois ma vie s’est elle retrouvée sans dessus dessous ? Combien de fois mon combat pour exister et participer à la vie sociale s’est-il soldé par un échec ? Je me souviens avoir été tenté par la solution de facilité, vivre en foyer occupationnel, ne plus m’engager intellectuellement et en tant que citoyen, céder à la pression, rester spirituellement immobile…

Mais c’est parce que je sais qu’il est possible de rebondir, de trouver une direction et un sens, que je crois dans la capacité de notre démocratie à faire de même !

Avons-nous besoin de certitudes pour vivre ?

Dans un de ses livres récents “ Connaissance ignorance mystère” Edgar Morin, centenaire depuis juillet dernier, esquisse la réponse, en nous disant que plus ses connaissances augmentent,  plus il prend conscience de son ignorance et des limites de la connaissance humaine.

Le propre d’une vie c’est peut-être la faculté de se renouveler, de se métamorphoser. En explorant la seconde vie, François Jullien explore peut-être la vie humaine tout court, dans le prolongement de toute son œuvre sur le vivre.

J’esquisse peut-être ici les termes, les éléments d’une éthique du désarroi.

Nos sociétés sont le théâtre de grandes mutations, et les gens vivent des situations qu’ils ne peuvent pas analyser avec les repères anciens et les normes classiques. La crise du Covid 19 n’est qu’un exemple de ce genre de situations. L’urgence climatique que nous connaissons en est un autre. Ces événements agissent comme des éléments perturbateurs, dans un climat général de nos sociétés démocratiques qui est préoccupant.

Si les événements peuvent être une source de désarroi, il en va de même pour tout le contexte dans lequel nous évoluons.

Je vous propose de prendre l’exemple du numérique. Ces dernières années, le monde du numérique a connu un développement exponentiel, qui fait de l’interface numérique un élément incontournable de nos sociétés, pour le meilleur et pour le pire.

Lors d’un colloque sur les angles morts du numérique au centre culturel international de Cerisy la Salle, j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur mon rapport aux outils du numérique et sur mes préconisations, pour le handicap et pour la société en général. J’y parle de la nécessité d’aborder avec une saine circonspection le tout numérique entre guillemets. Compte tenu de mes difficultés de langage, j’ai été confronté directement aux apports et aux limites de ces outils, comparativement aux rapports humains. Ces derniers tendent à se raréfier mais m’apparaissent plus que jamais indispensables !

Mais le numérique c’est aussi la prolifération des sources d’information. Celle-ci est désormais extrêmement facile d’accès en ligne. On peut même dire que nous sommes bombardés d’informations en permanence, celles-ci étant plus ou moins pertinentes, voire plus ou moins véridiques. J’en arrive donc à un autre facteur de désarroi, la mésinformation.

Dans un climat d’inquiétude et de défiance, les gens vont, dans leur recherche d’informations, tomber de plus en plus facilement sur des apparentes vérités rapides et faciles, mais fausses.

On peut dans ce cas aller vers des solutions de facilité, écouter des prophètes tentateurs.

Je veux faire ici un lien avec le concept de civilisation du poisson rouge développé dans le livre éponyme de Bruno Patino. Notre attention est captée en permanence et nous perdons notre capacité à développer un esprit critique.

Dans un monde dans lequel notre attention est de plus en plus sollicitée, les ingénieurs de chez Google ont constaté que notre capacité d’attention, depuis le raz de marée numérique chez les nouvelles générations, a été drastiquement réduite.

Maintenant que j’ai peint un tableau alarmiste de la nouvelle génération, laissez-moi nuancer mon propos !

On idéalise souvent le passé comme étant mieux. Le philosophe Michel Serres en avait fait son sujet de livre en 2017 et en tordant le cou aux nostalgiques d’un temps ancien meilleur que maintenant, alors que beaucoup de critères font état de l’inverse. Ce sentiment de morosité est mortifère, n’appelle pas à la vie, au renouveau. Je ne tombe pas dans l’écueil évident du “plus c’est nouveau ou neuf, meilleur c’est” ou bien d’un jeunisme du progrès absolu. Puisque la mort fait partie de la vie et vice-versa. Je ne veux pas non plus tout mettre sur le dos des jeunes comme étant de leur faute si le monde va mal !

Le proverbe de Saint Exupéry que j’aime citer dit que l’on n’hérite pas de la planète Terre, mais qu’on l’emprunte à nos enfants !

En faisant le constat des choses qui ne vont pas, des problèmes de notre temps, de ce qui aurait pu ou aurait dû être différent, mieux fait, pensé, envisagé, réalisé, on peut se dire que la démocratie comme on la connaissait est morte !

Mais il est fascinant aussi de voir le réveil des consciences parmi les jeunes de maintenant et les jeunes depuis plus longtemps que les pratiques doivent évoluer, que les mentalités doivent faire un pas en avant, un pas de côté ou un pas en arrière, si l’on veut non seulement ne pas répéter les erreurs passées mais également éviter celles à venir.

Le meilleur moyen pour cela est de réveiller la société et de cultiver l’esprit critique ! On peut appeler à la conscience et à des valeurs, en somme à la spiritualité. Cette spiritualité doit aussi être abordée avec circonspection, j’y reviendrai…

J’aimerais aborder maintenant le thème de la justice sociale et territoriale, qui fait aussi l’objet de cette table ronde. Sur cette question, je crois avoir de nouveau un regard particulier. Par exemple, je vois en direct les fortes disparités dans la gestion des droits et des aides des personnes en situation de handicap en fonction des régions et même des départements. J’ai bien conscience qu’il s’agit d’un sujet qui pourrait presque passer pour anecdotique, si seulement il n’impactait pas directement plusieurs millions de français en situation de handicap permanent ou temporaire, dans toutes les situations de leur vie quotidienne, qu’elles soient personnelles ou professionnelles !

L’injustice sociale et territoriale est criante dans le Monde et en France dans ses différentes conceptions : libéralistes, égalitaristes, utilitaristes.

Ses dérives procèdent de choix politiques peu démocratiques et renvoient à de très nombreuses inégalités, voire à de la ségrégation sociale.

Cela déchire donc le contrat social, ainsi que le concept d’égalité républicaine qui nous est chère en France, et invite à une fracture de classes, entre riches et pauvres. Qui si arrosée de populisme entraîne une division, un repli, de l’entre-soi et de la peur, donc moins de fraternité. In fine donc, à une société décousue, désunie, en proie aux extrêmes et au désarroi.

Pour prendre le contrepied de cette réalité, qui n’est pas seulement une question de handicap, le professeur Michel Borgetto affirme que l’idée de fraternité est plus que jamais actuelle et indispensable pour recréer le lien social, respecter la dignité de l’individu, rendre plus humaine la relation entre l’administration et la personne aidée, en définitive réconcilier la société avec elle-même.

Dans une période de désordre, de confusion sociétale, je vois une opportunité individuelle et collective de révéler le meilleur. On a souvent le stéréotype que le pire arrive en cas de catastrophe, mais si l’on prend les attentats récents comme l’Hypercasher, ou bien les cas héroïques de sauvetage d’enfants, de familles, de femmes lors d’incendies ou d’agressions, le meilleur aussi émerge de la nature humaine et des gestes de bravoure, d’humanité.

Est-ce que dans ce cadre il est pertinent de parler de désarroi ?

Dans son dernier livre, Pierre Rosanvallon, renouvelle la compréhension des crises politiques et sociales en analysant les épreuves de la vie des français, titre de son ouvrage.

Mais je crois qu’il faut aller plus loin. Les problèmes génèrent du désarroi. Celui-ci permet de faire le lien entre l’expérience de vie et la conscience que l’on a de cette expérience en quête de sens.

Frottons nous maintenant à un autre sujet de taille, si vous le voulez bien. La crise climatique, la transition écologique et environnementale.

Si l’on effectue une bonne transition écologique, il semble être envisageable d’éviter une crise climatique plus importante. Au vu du rapport du GIEC récent, nous ne sommes pas en mesure d’atteindre nos objectifs.

Interrogé sur la possibilité d’éviter le mur, Patrick Viveret répondait par la question de savoir si l’on ne l’avait pas déjà dépassé.

Dans ce sens, cela nous place de force dans un désarroi et nous appelle par la même occasion à de l’optimisme. On ne peut pas faire pire ! Nous sommes donc invités à une reconnexion avec le Vivant, les Communs et ce qui fonde du sens en proximité avec la Terre. La Terre est par excellence l’élément commun de l’humanité, et donc le terreau fertile pour nous rassembler.

J’ai parlé très rapidement de fraternité, je crois qu’elle a toute sa place dans les questions écologiques.

Charles Gonthier a écrit que “c’est sur la fraternité des hommes à l’échelle mondiale et dans sa dimension intergénérationnelle que repose l’impératif de la protection de l’environnement. Droit fondamental dit de la 3ème génération, le droit de l’environnement, disait-il, est un de ceux qui impose à l’homme de dépasser son égoïsme et de se tourner vers l’esprit de partage. Ne pas polluer l’espace des autres pays, respecter la biosphère comme un bien commun des hommes et laisser un environnement viable aux générations futures est un devoir de fraternité.”

Ainsi, je me sens lié avec les autres humains, et plus largement les autres vivants : roches, forêts, plantes, eau. A la biodiversité en somme !

Maintenant, je me demande et je nous demande, comment concevoir la place et le rôle de la spiritualité dans ces questions essentielles pour notre démocratie.

Pour ma part, je pense la spiritualité dans deux dimensions. Je pense à la spiritualité religieuse, bien sûr, mais aussi simplement à la mobilisation de la conscience individuelle et collective. A titre personnel, ma spiritualité religieuse prend racine dans une relation aux autres. Je crois profondément que la religion chrétienne est une religion de l’Homme et non du livre. Le message que je retiens, c’est aime ton prochain comme toi-même, aimez-vous les uns les autres.

Je crois que cette première moitié du 21ème siècle sera le tournant inévitable en termes d’écologie, de transformations sociales et sociétales. Tissé des liens, des relations est pour moi signe d’aimer la vie.

Face aux enjeux climatiques et sociétaux, unir nos forces pour construire une société plus juste et humaniste est un grand pas pour pouvoir coexister tous ensemble. Pour remettre l’être humain au centre, au cœur de la vie.

Pour être honnête, je crois donc plutôt en l’homme avec un h majuscule et à nos intelligences collectives pour nous faire progresser et faire évoluer le monde. Croire en des valeurs qui nous rassemblent, nous humanisent me rassure.

Pour moi, croire en la vie ou en Dieu, c’est faire des choses ensemble. Vivre ensemble. Pour moi, la vie, c’est les autres !

Le réenchantement de notre société est au cœur de mes préoccupations. Je ne serai jamais père moi-même ; par contre, je suis un oncle attentif au développement du futur dans lequel grandiront les enfants de ma famille. Oui, les temps actuels sont difficiles, incertains, mais je ne peux me résigner à leur imposer cette morosité, cet état d’esprit négatif et un poids moral sur les épaules. J’appelle de tous mes vœux à ce que la joie, le bonheur, l’amour soient les valeurs universelles de notre société avec lesquelles nous sortirons de la crise COVID. Je reconnais être peut-être utopiste à ce sujet, mais qu’importe !

Il me semble que la fraternité peut être, encore une fois et comme elle l’a été envisagée lors de la mise en place de la première république, le ciment de notre action en tant que société démocratique.

La liberté est aujourd’hui portée aux nues, la valeur républicaine par excellence. Pourtant, c’est la fraternité qui, dans les grands moments de l’histoire, a joué un rôle subversif essentiel ! L’abolition d’une société profondément inégalitaire pour l’émergence d’une république, l’abolition de l’esclavage, la décolonisation, et d’autres… Je rejoins une nouvelle fois la réflexion de Charles Doherty Gonthier, commentée par Guy Canivet. A nouveau, la fraternité peut être le moteur du changement de notre monde pour le meilleur.

J’ai d’ailleurs, lors de la deuxième édition de la Nuit du Handicap, et pour contribuer à changer la conscience du handicap dans notre société, proposé le slogan “Osons la fraternité heureuse !”

En lien avec la fraternité, le mot désarroi a donc des sens paradoxaux. On peut être atterré, ou bien rebondir et être dans la résilience. C’est le dépassement de cette situation paradoxale qui permet d’affirmer être dans la résilience. Le désarroi, c’est sortir de la tradition, de la voie classique. Mais c’est aussi potentiellement sortir de l’ornière dans laquelle nous sommes embourbés.

On peut être désarçonné, je n’y vois pas nécessairement un mal en soi, et je crois que c’est notre cas en tant que société autant qu’à titre individuel face à toutes ces problématiques ! Tout dépend ensuite de ce que l’on fait une fois désarçonné.

Le désarroi c’est enfin le témoin d’un grand danger et d’une situation extrêmement préoccupante. J’ai peur de ce qui s’annonce, mais je me mobilise plutôt que de choisir l’immobilisme.

Au début des années 2000, des représentations communes à plusieurs sous-groupes et créateurs identifiés d’une nouvelle culture en Occident, ont été appelés les ” Créatifs Culturels “. Qui représentent 24% de la population et sont en rapide croissance.

Prenant ses distances vis-à-vis de la société de consommation et de la technologie érigée en mythe, cette population cultive une sensibilité résolument nouvelle et cohérente jusque dans ses comportements quotidiens : notre société est sur le point d’écrire une nouvelle page de son histoire. Les Créatifs Culturels conjuguent avec bonheur l’écologie, l’alimentation biologique, le développement personnel, les médecines douces, avec l’implication sociale, souvent locale, les valeurs féministes et une dimension spirituelle. Ils sont au cœur d’une transformation active de la société dans un sens plus humain.

Ne sommes-nous  pas confrontés à une nouvelle génération de créatifs culturels, plus apte à se saisir des enjeux de l’énorme métamorphose que nous vivons, en assumant leur désarroi ?

Cette génération ne nous montre-t-elle pas la voie de sortie de la crise de la joie que Pierre Giorgini, ancien Président-Recteur de l’Université Catholique de Lille, nous décrit dans un de ses derniers livres.

Dans cette optique, je me dois de citer Alain Damasio qui affirme que l’on ne retrouvera l’envie de vivre qu’en renouant les liens au vivant, ainsi que Corine Pelluchon qui parle de vulnérabilité, engage à développer les valeurs qui génère une meilleure éthique et des pratiques de vie collective. Nous ne pourrons pas changer les comportements sans changer les valeurs collectives.

Il y a moins de cinq ans, l’entreprise sociale MakeSense a initié une communauté virtuelle qui se surnomme les PauméEs. Chaque jour, des personnes de toutes les catégories sociales, de tous les âges, de toutes les origines, de toutes les professions y partagent leurs vies, leurs parcours scolaires et professionnels. Mais surtout y témoignent de leurs galères, leurs doutes mais aussi leurs rebondissements après des carrières courtes ou longues, et leurs quêtes de sens vis-à-vis de leurs emplois. Il est à noter que là où les carrières longues étaient la norme précédemment, il est extrêmement rare aujourd’hui de faire carrière dans une seule et même entreprise, publique ou privée. Le souhait d’avoir une vie alignée entre ambition, savoir-faire, compétences est contrarié par le désir d’épanouissement et de sens. On vient et reste au travail à la condition que celui-ci rentre dans une perspective plus grande de vie cohérente. On n’hésite plus à quitter un CDI bien payé, à déménager pour se rapprocher de lieux où vie privée et professionnelle sont mieux articulées. La dynamique actuelle des Tiers-lieux en rend compte.

Jean Baptiste de Foucauld, ancien Président de votre association, que je tiens en très haute estime et que je connais bien par ailleurs via les amitiés qui me lie au Centre Culturel international de Cerisy-la-Salle, évoquait en 2010 “L’Abondance frugale”. Il y listait les cinq crises que traversait alors et traverse peut-être encore la société française et occidentale en général (économique, financière, écologique, sociale et de perte de sens) avant d’affirmer qu’il fallait une solidarité d’un nouveau type pour en sortir.

Aux côtés de Denis Piveteau, dès 1995, Jean-Baptiste écrivait “Une société en quête de sens” également chez Odile Jacob avec comme cœur de message qu’aucun projet politique ne peut se borner à des mesures purement techniques. Il faut que la société s’anime par davantage de coopération, plus d’initiative.

En parlant de coopération et d’initiatives, le handicap à encore une fois son rôle à jouer. Dans les formations que je dispense, je parle souvent de la notion de pouvoir d’agir en lien avec le handicap. Je représente une génération que j’appelle “Vestiaires”, en référence à la série télévisée du même nom. Cette génération ne se définit plus par les  limitations du handicap, mais bien par sa volonté et son pouvoir d’agir et de participer à la vie de la société, à la construction de notre avenir commun. Ce sont des individus qui veulent que soient reconnues ce que Amartya SEN, prix nobel d’économie, appelle les capabilités.

Il ne s’agit plus alors de concevoir et penser pour les personnes en situation de handicap mais bien avec elles, en passant directement par elles !

Et pour relever les défis de notre démocratie, quoi de mieux que de faire appel aux spécialistes du désarroi que sont les personnes en situation de handicap ?

Je remercie mon équipe d’assistants, Christophe Cadiou, membre stagiaire du Conseil d’Administration de Démocratie et Spiritualité, qui n’a pas pu se joindre à nous ce week-end, et Sylvain Valois qui est à mes côtés ce matin, pour le formidable travail de préparation de cette intervention.

Mesdames Amara et Bernardon, je vous laisse la parole et suis ravi de partager la scène avec vous.

Je suis enthousiaste d’entendre vos propos et d’engager une discussion ensemble.

Je répondrai avec plaisir à l’ensemble des questions lors du temps dédié.

Je reste évidemment disponible pour échanger également durant l’ensemble des Universités d’été de Démocratie & Spiritualité.

Je vous remercie pour votre écoute.

Philippe Aubert

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